Au Sénégal, des progrès sont notés dans la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Mais, ils sont encore insuffisants. Cela, malgré l’introduction, depuis 20 ans, des Soins obstétricaux et néonataux d’urgence (Sonu). Une stratégie qui, combinée à la planification familiale, devrait conduire à une baisse considérable des décès maternels. Malheureusement, des défis demeurent dans la mise en œuvre des Sonu, notamment la disponibilité en permanence des services, des équipements, d’un personnel qualifié, etc.
Les Soins obstétricaux et néonataux d’urgence (Sonu) ont été introduits au Sénégal en 1997 dans le cadre de la croisade contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Vingt-ans après, les femmes continuent de mourir de causes liées directement à la grossesse et à l’accouchement. Cela, malgré les nombreux efforts consentis pour réduire ces décès.
Aujourd’hui, si l’on se réfère à la dernière Enquête démographique et de santé continue (Edsc 2015), le taux de mortalité maternelle est évalué au Sénégal à 315 décès pour 100.000 naissances vivantes. « Il y a eu des efforts dans la planification familiale, notamment l’augmentation du taux de prévalence contraceptive, la diminution du taux de mortalité maternelle, même si c’est en-deçà de ce qui est souhaité », constate le Pr Alassane Diouf, gynécologue-obstétricien. Mais, ajoute-t-il, « les progrès sont insuffisants ».
Pourtant, les Sou (Soins obstétricaux d’urgence), associés à la planification familiale, constituent les deux axes majeurs sur lesquels s’articule la lutte contre la mortalité maternelle, rappelle Thierno Dieng, coordonnateur du Centre régional de formation, de recherche et de plaidoyer en santé de la reproduction (Ceforep). C’est d’ailleurs pour passer en revue « les conditions de pratique des Sonu dans nos structures sanitaires », entre autres, que le Ceforep organise, pour son vingtième anniversaire, un colloque avec comme thématique centrale les Sonu qui ont également été introduits au Sénégal il y a 20 ans.
Pour intensifier les progrès obtenus jusque-là, le Pr Diouf estime qu’il est urgent de « mettre en œuvre toutes les stratégies pour accélérer la prévalence contraceptive et augmenter la disponibilité et l’accessibilité des services ». Car, selon lui, « la planification familiale et les Sonu sont les piliers les plus importants pour lutter contre la mortalité maternelle ». Il évoque également l’insuffisance des structures sanitaires pour assurer une prise en charge adéquate des femmes, des nouveau-nés et des enfants. En plus des infrastructures, « la qualité de l’offre fait défaut », regrette le praticien, indiquant que, « parfois, le paquet d’offres n’est pas complet ».
L’équation de la disponibilité des équipements…
Parmi ces manquements qui ne militent pas en faveur d’une baisse drastique des décès maternels, le gynécologue-obstétricien cite « l’insuffisance de personnels qualifiés, particulièrement les gynécologues, surtout à l’intérieur du pays ». Résultat : il est noté un problème d’organisation des soins, en ce sens que « les services doivent être disponibles en permanence 24h/24 et 7j/7 », fait remarquer Alassane Diouf qui ne manque pas ainsi de parler de « problème de demande de soins d’urgence ».
Allant dans le même sens, le coordonnateur du Ceforep estime que l’insuffisance des ressources humaines est une des causes pouvant expliquer la lente réduction de la mortalité maternelle dans notre pays. Et ce, « même si les problèmes sont en train de baisser en intensité », précise Thierno Dieng. Surtout avec le recrutement, ces dernières années, de sages-femmes, dont plus de 2.000 étaient récemment au chômage. Il y a aussi la disponibilité des médicaments partout.
Nonobstant, une difficulté relative à l’équipement dans l’offre des Sonu a été relevé. M. Dieng fait allusion à la disponibilité de la ventouse pour l’accouchement assisté et à la réanimation complète du nouveau-né. « Ces deux éléments ne sont pas disponibles dans toutes les structures sanitaires. C’est donc un problème que nous devons régler », suggère-t-il tout en saluant l’évolution dans le système des références, vu que ces dernières se font à l’intérieur des régions. « Il faut maintenant voir comment l’améliorer au niveau régional et non à l’échelle nationale », propose le coordonnateur du Ceforep qui souligne que « la disponibilité du sang pose aussi beaucoup de problèmes ».
Renforcer les efforts de recrutement
S’exprimant sur les recrutements de personnels qualifiés surtout des sages-femmes, le Pr Alassane Diouf, gynécologue-obstétricien, indique qu’ils sont insuffisants pour couvrir les besoins et mieux faire face à la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Ce faisant, il soutient que « la politique de décentralisation peut contribuer au renforcement des efforts de l’État ». Surtout que la santé est une compétence transférée aux collectivités locales dans le cadre de la politique de décentralisation. Ainsi, les décideurs doivent comprendre que « la planification familiale est le moteur de la lutte contre la mortalité maternelle, mais que sans les Sonu, il ne peut y avoir de baisse des décès maternels », déclare Thierno Dieng, coordonnateur du Ceforep. Ce qui pousse le Pr Diouf à affirmer qu’il y a « un travail de plaidoyer à faire régulièrement et à tous les niveaux », de sorte à améliorer le niveau d’allocation des ressources au secteur de la santé, en particulier à la santé maternelle, néonatale et infantile.
La délégation des compétences pour prendre en charge les complications
Pour faire face au déficit des ressources humaines, la délégation des tâches, une stratégie consistant à transférer certaines compétences à une catégorie de personnel, a été initiée au Sénégal. Dans ce cadre, les compétences des sages-femmes ont été, par exemple, renforcées dans la prise en charge des complications d’avortement. Pour le coordonnateur du Ceforep, « il faut nécessairement former le personnel avec un équipement complet, former les sages-femmes à faire face à toutes les complications lors de l’accouchement ». Selon lui, « la délégation des tâches vient en appoint, mais une fois que tout est fait correctement, on en n’a pas besoin », éclaire Thierno Dieng. Malheureusement, tel n’est pas le cas, dans la mesure où « la moitié des blocs opératoires pour les Soins obstétricaux d’urgence (Sou) ne fonctionne pas aujourd’hui au Sénégal », renseigne-t-il. Dans ces conditions, il est impossible de pratiquer les césariennes partout où le besoin est exprimé, alors que ces dernières sont une stratégie clé dans la réduction des décès maternels et des nouveau-nés. De l’avis du Pr Alassane Diouf, « le problème pour la pérennité de la délégation des compétences, c’est qu’il y a peu de candidatures ». Il impute cette situation au manque d’informations, à la gestion de la carrière et au manque de motivation. « Il n’y a pas de compensation sur le plan salarial », constate-t-il. Résultat : certains médecins ne s’intéressent pas à cette stratégie.
Maïmouna GUEYE
3 Commentaires
Merci
En Avril, 2017 (20:05 PM)Lever le voile sur le tabou et les clichés sur la PF pour un changement de comportement et de mentalités et bien motiver le personnel.
Il faut impliquer toutes les couches de la population pour réduire les décès évitables
Babs
En Avril, 2017 (15:08 PM)Donnons de notre sang pour aider à sauver des vies humaines! Dieu SWT nous ne rétribuera!
Anonyme
En Avril, 2017 (16:12 PM)entre l'incompétence, le manque de matériel et de maternités le Sénégal est encore à l'heure de la Préhistoire en matière de médecine pré et post natale !
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