Dans les villages reculés de la région de Matam, les grossesses rapprochées fragilisent la santé des femmes. D’où l’intérêt de la caravane d’offre de produits contraceptifs dans ces localités où les pesanteurs sociales sont toujours pressantes.
Le village de Salalatou se fait découvrir à plus de 185 kilomètres de Ranérou. Pour le rallier, il faut se ceindre les reins. La piste n’est pas un long fleuve tranquille. Seules les formations herbacées et arbustives vous réconfortent le long du trajet. Salalatou est un trou perdu où vivent 5.723 âmes. C’est pour cette principale raison que l’Ong Marie stopes international (Msi/Sénégal), avec le soutien du Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa), a choisi cette localité dans le cadre des activités de la troisième édition de la Caravane d’offre de produits de santé de la reproduction.
Afin de rallier les villages reculés et éloignés les uns des autres, l’équipe se réveille tôt. L’offre de méthodes contraceptives et le dépistage du cancer du col de l’utérus en valent le coup. Dans la pénombre, la caravane fonce sur les pistes crevassées. De part et d’autre, des hameaux peuplés de Peulhs défilent. Au bout de 2 heures, le plus grand village surgit avec des habitats modernes. Ces derniers sont des indicateurs de l’influence des émigrés dans ce bourg.
Les femmes ont bien fait le choix
Les caravaniers poussent un ouf de soulagement. Cependant, tous doivent encore prendre leur mal en patience. Ils ne sont pas encore au bout de leur peine, parce que Salalatou est encore à quelques kilomètres. A notre arrivée, le village venait à peine de se réveiller. Mais, aux abords du poste de santé, il fait déjà jour. Ici, les femmes venues des autres bourgs et hameaux sont massées à la devanture. Après l’ouverture, elles envahissent littéralement la structure. Aucune d’entre elles ne veut se faire consulter en dernier. Le poste de santé est animé. Le besoin est là. L’offre aussi. Msi pose ainsi l’acte d’un accès équitable à la gamme des produits de planification familiale. Les méthodes de courte durée, telles que la pilule, les injectables et les condoms, ainsi que celles de longue durée, à savoir les implants contraceptifs et les dispositifs intra-utérins « Diu », composent la gamme. Les femmes ont bien le choix, surtout que la Planification familiale (Pf) reste une arme efficace contre les grossesses rapprochées à Salalatou, Thilogne ou Thiarène.
Bénéficiaire d’un « Diu », Aminata Ndiaye, 38 ans et mère de 4 enfants, a été victime de deux avortements. Elle a aussi eu à perdre un bébé. Ses douloureux souvenirs sont gravés à jamais dans sa mémoire. La différence d’âge entre ses enfants est d’un an. Elle cherche à tourner cette page de sa vie. Aujourd’hui, elle a l’aval de son époux pour préserver sa santé par le recours à une méthode contraceptive. Après les conseils des sages-femmes, elle opte pour le « Diu ». « J’espère qu’avec cette méthode, je vais me reposer au moins quelques années avant de tomber enceinte», a-t-elle laissé entendre.
La dame Coumba Ndiaye est âgée de 32 ans. Tous les deux ans, elle met au monde un enfant. Son physique porte les effets des grossesses rapprochées. Elle est frêle. Elle tient dans ses bras son bébé d’à peine quelques mois. Elle n’avait pas d’autres options que d’intégrer la contraception dans son mode de vie. Mais, comme elle, d’autres femmes sont soumises à un préalable : le test de grossesse. La surprise a été grande pour Coumba Ndiaye. Elle est à nouveau enceinte. La contraception est reportée de facto après son accouchement. Elle quitte le poste de santé d’un pas lourd et s’en remet à Dieu.
Les femmes racontent leur vie matrimoniale avec retenue, mais avec objectivité. Agée de 30 ans, Diénaba Bâ a passé le plus clair de son temps dans son foyer. Elle a 9 bouts de bois de Dieu. Les plus grands sont des éleveurs. Elle en a perdus 3 par avortement. Aujourd’hui, elle a peur de perdre la vie. Elle veut ainsi se protéger en adoptant le « Diu ». « Je suis fatiguée. Je n’ai plus les forces pour mettre au monde des enfants. Depuis 15 ans, je le fais sans repos », confie-t-elle aux sages-femmes de Msi/Louga.
Nouvelle maternité
Après Salalatou, la caravane d’offre de produits de santé de la reproduction s’est rendue au district sanitaire de Thilogne. Ici, d’après des informations recueillies auprès des femmes, on constate que le phénomène des grossesses rapprochées est une réalité. La dame Ramatoulaye Sy, 26 ans, est fragilisée par 11 grossesses sans repos. Pourtant, elle doute de s’engager, en dépit des explications et des assurances des sages-femmes. Malgré tout, elle porte son choix sur les pilules. « Elles me permettront de me reposer quelques temps avant de concevoir, parce que mon mari et ma belle-mère ont besoin des enfants », déclare-t-elle. Elle craint de courir le risque d’infertilité ; ce qui pousserait son époux à lui chercher une coépouse. Jalouse, Ramatoulaye Sy est contre la polygamie. « Je ferai tout pour que mon mari n’amène pas une autre femme à la maison », explique la jeune dame qui n’est pas consciente des risques de perdre sa vie en donnant la vie.
Bintou Sy, âgée de 22 ans, a deux enfants. Elle n’est pas encore sortie d’une nouvelle maternité. Les actrices viennent à son chevet pour lui parler des bienfaits de la contraception. Sans hésitation, elle choisit une méthode de longue durée. Pour elle, l’essentiel est que cette méthode l’aide à espacer les naissances. « J’ai peur de tomber enceinte à nouveau », s’est-elle contentée de dire.
Le troisième jour de la caravane a été consacré au village de Fété Niébé où les populations se sont mobilisées pour accueillir leurs hôtes. Le poste de santé du village qui vient de recruter un infirmier après sa construction par les populations était noir de monde. Elles viennent des villages et des hameaux à pied et par charrette pour des conseils ou pour des consultations. Si certaines femmes sont venues pour contrôler leur tension artérielle, Fatoumata Thiam a effectué le déplacement pour donner un nouveau cours à sa maternité. Mère de 9 enfants, elle a failli perdre la vie lors de son dernier accouchement. « J’ai failli mourir, parce que j’ai souffert pendant toute la journée avant la naissance du bébé, dans des conditions difficiles. Je pense que la meilleure solution est de prendre une méthode longue durée qui m’amènera à la ménopause », confie-t-elle. Une autre dame du nom de Aïssatou Thiam, âgée de 42 ans, compte 10 grossesses. Elle sera désormais sous « Diu ». « Les enfants que Dieu m’a donnés me suffisent. Il ne faut pas que je laisse la vie en voulant avoir d’autres enfants. Je vais prendre une méthode pour bien m’occuper de moi », déclare-t-elle en rigolant.
Dans ce village habité majoritairement par des Wolofs et des Peulhs, les femmes connaissent bien les méthodes de planification familiale. Beaucoup d’entre elles sont sous Pf. A une vingtaine de kilomètres de Matam, le village de Thiarène a aussi réservé un accueil chaleureux aux sages-femmes et à leur délégation. Ici aussi, les femmes sont bien informées sur les méthodes de contraception.
SANTE MATERNELLE ET INFANTILE : Les accouchements à domicile encore persistants à Salalatou
Dans le village de Salalatou, région de Matam, les femmes, faute de structures sanitaires et de routes praticables, accouchent toujours à domicile. Une situation qualifiée de catastrophe, parce qu’en 2013, au moins 5 femmes ont perdu la vie dans la forêt en tentant d’aller accoucher au centre de santé de Ranérou, distant de 185 kilomètres.
Dans les villages reculés de la région de Matam, comme Salalatou, faute de structures sanitaires, les femmes accouchent à domicile avec l’assistance des belles-mères. C’est le cas de Diénaba Bâ. Elle a eu tous ses enfants à la maison. « Ici, nous n’avions pas de poste de santé et pour aller à l’hôpital, il faut faire plus de 180 kilomètres à bord de charrettes. C’est pour cette raison que beaucoup de femmes préfèrent accoucher à domicile avec l’assistance des belles-mères », dit-elle.
Assise à côté, Coumba Dia se précipite de prendre la parole pour dire que les femmes accouchent sans assistance. « Les belles-mères n’interviennent qu’à la fin du travail. Parfois, elles sont surprises, car la femme peulh n’a pas le droit de montrer à son entourage qu’elle est en train de souffrir pour donner naissance », explique notre interlocutrice. Fatoumata Bâ, âgée de 40 ans, n’a jamais accouché avec l’assistance d’une sage-femme ou d’une matrone. « J’ai eu tous mes 9 enfants à la maison avec l’aide du bon Dieu et de mon mari. Il est toujours à côté de moi pour me soutenir. C’est rare chez nous. Mais, il l’a quand même fait », assure-t-elle.
Considéré comme l’intellectuel du village, Boubou Sow confirme que le taux d’accouchement à domicile est de 100 % à Salalatou. De taille moyenne, l’homme est contre les accouchements à domicile, parce que les considérant à risque. « C’est difficile de voir sa femme souffrir pendant des heures avant de donner naissance. Mais, nous sommes obligés. Le poste de santé n’avait pas de sage-femme et l’infirmier affecté au village est toujours entre Dakar et Saint-Louis », se plaint-il. Il a révélé que, l’année dernière, au moins 5 femmes ont perdu la vie en donnant naissance. « Certaines sont décédées en pleine forêt, parce que voulant se rendre à Ranérou, à plus de 180 kilomètres, pour accoucher », raconte Boubou Sow. Il plaide ainsi pour que son village soit doté d’une ambulance pour l’évacuation des femmes enceintes et des malades. Pour lui, avant de faire la promotion de l’espacement des naissances, les autorités devraient renforcer les équipements du poste de santé et recruter au moins deux sages-femmes.
Réalisé par Eugène KALY
2 Commentaires
Boudalcoumba Sarra
En Mars, 2015 (09:07 AM)Abdoulaye Gueye
En Avril, 2019 (12:52 PM)Donc comme rectification la distance SALALATOU et le district sanitaire est de 85 km.
il faut que l'Etat veille a ses employés qui sont les zones les plus reculés du Sénégal surtout leur donné chance de changer de district après un certains nombre d'années passé dans ces zones et pourquoi ne pas réglementer les séjours dans certaines zones et/ou postes.
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