Présidente de la Ligue sénégalaise de lutte contre le cancer, Dr Fatma Guenoune défend la cause des femmes et des démunis. Un engagement hérité de sa mère décédée un 9 mars, lendemain de la journée des droits des femmes.
De loin, elle paraît distante. Inaccessible. De près, elle déjoue les pronostics. Attire, s'ouvre et rassure. Sous ses dehors de dame de fer se cache une dame de cœur. Dr Fatma Guenoune, la présidente de la Ligue sénégalaise contre le cancer (Lisca), a la générosité en bandoulière. Sa préoccupation, le sort des autres, les nécessiteux en particulier. Cette dame mariée n'a pas connu le bonheur d'avoir un enfant, mais cela n'a fait que renforcer son amour d'aider les démunis.
D'un père d'origine marocaine et d'une mère métisse, comme elle, cette Sénégalaise de 59 ans est née et a grandi à Dakar où elle a fait ses humanités. Pur produit de l'école publique, Dr Fatma Guenoune a été inscrite très tôt à l'établissement maternel et primaire à la Rue Amadou Assane Ndoye. Le diplôme en poche, elle est admise au "Cem des filles". Elle n'y restera que deux ans- la Technique ce n'est pas son affaire- avant d'intégrer le lycée John Fitzgerald Kennedy où elle va décrocher son bac scientifique.
La nouvelle bachelière sera orientée à la Faculté de médecine de l'université Cheikh Anta Diop. Le doctorat en poche, Fatma Guenoune se rend en France pour un diplôme sur les pathologies cervico-vaginales à l'Université Paris 7 Diderot. Parallèlement, elle s'active dans les mouvements associatifs. "Quand j'étais étudiante, raconte-elle, on a créé l'Association des médecins de brousse (Amb). Ensuite, nous avons créé les Jeunes volontaires de développement et avons fait appel à tous les étudiants des autres facultés."
Telle mère, telle fille
Ayant travaillé comme bénévole un peu partout, Fatma Guenoune est à la Ligue sénégalaise contre le cancer depuis 2007. En 2013, elle prend la présidence. Le 12 janvier dernier, elle obtient un deuxième mandat. Mais la présidente de la Lisca ne s'active pas que pour les personnes atteintes de cancer. Elle est aussi au chevet des déficients intellectuels. "C'est ce qu'on appelle Spécial olympics qui permet aux jeunes enfants déficients de pratiquer le sport pour leur permettre de s'épanouir. J'y suis médecin bénévole depuis 2007", informe-t-elle.
Cet esprit d'engagement, cette femme l'a depuis qu'elle est toute petite. "J'ai toujours rêvé de soigner les gens", confie-t-elle. Orpheline à un an, Fatma Guenoune ne connait de son père que ce que sa mère racontait de lui. N'empêche, elle a eu une enfance "sans problèmes". Elle rembobine : "J'avais une maman très présente. Une femme qui s'était battue pour nous élever, pour être ce que nous sommes devenus. Elle a été jeune veuve avec beaucoup d'enfants. Ce n'était pas facile pour elle, mais elle a su rester digne. Elle n'avait pas voulu se remarier et elle a tout fait pour nous aider à avoir une place dans cette société."
Cette mère a marqué sa vie, à jamais. Elle prend toujours référence sur cette "femme battante et généreuse", qui "n'avait pas uniquement ses enfants en charge". "Elle a aidé beaucoup de familles indigentes", insiste Fatma Guenoune, la voix aiguë.
Son dévouement à la Lisca trouve ses racines dans cet héritage qu'elle a reçu de sa mère. Médecin à l'hôpital Le Dantec, elle a été affectée à l'unité de dépistage des lésions précancéreuses. Elle se rend compte alors que parmi les malades, il y en qui n'ont même pas de quoi payer la consultation, à plus forte raison payer un bilan et traiter un cancer, une maladie très coûteuse physiquement, mentalement et financièrement. L'ampleur du drame la conduit à l'action : "Tous les jours, nous voyions les difficultés des malades. On s'était dit qu'il fallait faire quelque chose."
Elle demande alors aux malades de former une association pour mieux se battre. Au même moment, ses collègues ont eu l'idée de relancer la Lisca. Devant l'hésitation entre redonner vie à une association en léthargie et donner naissance à une nouvelle, elle consulte son mari. Ce dernier lui suggère d'adhérer au projet de redynamisation à la Lisca. Elle fonce.
Dame de fer, dame de cœur
En ce mois de mars où on célèbre les femmes, elle a une pensée pour celles qui souffrent de problèmes de santé. "Je demande à toutes les femmes malades d'avoir un espoir de guérison. Les médecins ont beau faire, c'est Dieu qui guérit. J'ai la foi et je dis à toutes les femmes de ne pas désespérer, de ne pas être toujours dépendantes. Quand on dépend d'un homme ou d'une personne, on devient un esclave."
Cette leçon de vie, elle l'a apprise de sa mère qui lui répétait sans cesse : "une femme, même dans sa maison, doit pouvoir travailler et gagner de l'argent. Une femme ne doit pas rester sans faire quelque chose pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants".
Coup du sort, cette maman qui lui a été si chère a été arrachée à son affection un 9 mars, lendemain de la Journée mondiale des droits des femmes. "Ça, je m'en rappelle toujours", confesse-t-elle, les yeux embués de larmes. Sous ses dehors de dame de fer, celle que les intimes appellent Fatma a la sensibilité à fleur de peau, surtout lorsque l'on évoque sa mère.
"Ah oui ! Je suis très sensible parce que je parle de ma mère, acquiesce-t-elle. Elle a été mon père, ma mère. Et quand elle a été âgée, elle a été ma fille. Elle a été tout pour moi. C'est elle mon amie. Quand je repense à la commémoration de sa mort, l'émotion m'envahit."
Derrière ses lunettes que supporte sans peine son nez pyramidal posé sur un visage arrondi, se cache une femme franche. "Je tiens à cette vérité, même dans ma relation avec mes patients, signale-t-elle. Je ne cache pas le diagnostic aux malades. Dès que je connais ou que j'ai une idée du diagnostic, j'en parle pour préparer la malade à l'accepter."
L'autre cancer
Vice-présidente du Conseil national des marocains du Sénégal depuis 2004, Fatma Guenoune veut également trouver une thérapie contre le cancer de la mendicité. Lorsqu'elle voit les enfants dans la rue, mal habillés et dormant à la belle étoile, sous prétexte qu'ils sont confiés à des maîtres coraniques, elle ne peut pas ne pas penser à un échec des parents, les femmes en particulier.
"Je dis aux femmes qu'on ne doit pas abandonner ces enfants à des marabouts véreux, quelles que soient la dureté, les difficultés de la vie. Je pense qu'une maman peut se sacrifier pour son enfant", souligne la présidente de la Lisca.
Fatma Guenoune se bat pour une organisation, une cause, et un genre (les femmes) qui ont adopté le rose comme couleur. Mais elle préfère le mauve, comme elle raffole de tiébou niébé-guedj.
9 Commentaires
Ben
En Mars, 2019 (13:39 PM)Un parent d'athlètes de spécial olympics
Fierté
En Mars, 2019 (15:05 PM)Yassin
En Mars, 2019 (18:37 PM)Major
En Mars, 2019 (21:22 PM)Fouzia Bengelloune
En Mars, 2019 (23:22 PM)Latfi
En Mars, 2019 (23:35 PM)Ibra Fanaye
En Mars, 2019 (01:40 AM)Ton fréré loin de tes yeux mais pas du coeur. Salam a ton mari et qu'Allah vous bénisse forever, amiiin!
Participer à la Discussion