Un premier essai clinique en Égypte a permis de prouver l’efficacité d’un traitement contre l’hépatite C à moins de 300 dollars, alors qu’il coûte entre 40 000 et 100 000 dollars dans les pays développés.
Un peu moins de 300 dollars : c’est le prix fou d’un traitement contre l’hépatite C, qui est en train d’être testé avec succès en Égypte, a annoncé mercredi 13 avril le DNDi (Drug For Neglected Diseases), un organisme spécialisé dans le développement de médicaments à faible coût. Fou car, en France, le prix de ce médicament commercialisé par Gilead sous le nom Sovaldi s'élève à 41 000 euros. Aux États-Unis, traiter cette maladie revient à 80 000, voire 100 000 dollars.
“Les tarifs pratiqués par les laboratoires pharmaceutiques n’ont rien à voir avec le coût de production des médicaments”, assure Bernard Pécoul, directeur exécutif de DNDi, contacté par France 24. Encore fallait-il trouver un pays où le brevet sur le Sovaldi ne s'applique pas pour tester un traitement à un prix accessible au commun des mortels dans les pays en voie de développement.
Taux de guérison de 100 %
L’Égypte s’est révélé être le candidat idéal. Le Caire refuse de reconnaître ledit brevet et évoque une situation d’urgence de santé publique : avec 12 % de sa population atteinte d’hépatite C, c’est le pays le plus touché au monde. "Le gouvernement a invité les laboratoires pharmaceutiques à trouver des alternatives à des prix accessibles et nous y avons vu une opportunité", souligne Bernard Pécoul. Le DNDi s’est associé à un laboratoire local, Pharco, pour produire des génériques du Sovaldi. Ils sont constitués de deux molécules : le sofosbuvir, breveté par Gilead, et le ravidasvir, pour lequel le DNDi a obtenu l'accord d’utilisation auprès de la société californienne Presidio. Les 300 premiers patients égyptiens traités grâce à ce mélange ont tous été guéris. Le gouvernement espère administrer ce traitement à un million de malades égyptiens pour un prix qui défie toute concurrence.
L’Égypte pourrait ainsi devenir le foyer d’une nouvelle révolution médicale susceptible d’alléger le fardeau et surtout la facture des quelque 130 à 150 millions d’individus qui sont porteurs chroniques de l’hépatite C dans le monde, d'après l'Organisation mondiale de la Santé.
Le défi des économies intermédiaires
Mais il reste deux obstacles à surmonter avant de fournir un traitement universel accessible à tous. L’hépatite C qui sévit en Égypte n’est qu’une des formes connues de cette maladie : il s’agit du génotype 4. Il faut encore s’assurer de l’efficacité de l’association de molécule mise au point en Égypte pour les cinq autres génotypes qui existent dans le monde. Pour ce faire, la DNDi s’est associée avec les gouvernements de Malaisie et de Thaïlande pour mener de nouveaux tests cliniques afin de s’assurer de l’efficacité de ce nouveau traitement dans tous les cas d’hépatite C. Bernard Pecoul est confiant car "nous disposons déjà d’un nombre important d’informations qui suggèrent que ce médicament va donner de bons résultats".
Reste à savoir où ce traitement pourra être administré sans susciter une levée de boucliers de l’industrie pharmaceutique. “Il y a trois cas de figure”, explique Bernard Pecoul. Le premier couvre grossièrement le continent africain où le brevet sur le sofosbuvir ne s’applique pas, permettant à n’importe quel laboratoire de s’approprier ce traitement à 300 dollars. Le deuxième concerne les économies intermédiaires d’Asie et d’Amérique latine. "C’est le cœur du problème car ces pays - où se trouvent environ 75 % des personnes infectées par l’hépatite C - sont généralement liés par le brevet qui rend le traitement largement inaccessible aux malades”, reconnaît Bernard Pecoul. Ces États ont trois possibilités pour contourner l’obstacle : renégocier avec Gilead le prix du médicament, ignorer purement et simplement le brevet ou invoquer l’urgence de santé publique en espérant obtenir gain de cause afin de produire des génériques sans l’accord du laboratoire pharmaceutique.
Mais pour venir réellement à bout de l’hépatite C, il faudrait aussi que ce traitement puisse être distribué dans les pays développés… ce qui est encore plus difficile à envisager. “En raison du coût très élevé du Sovaldi, ce médicament n’est administré qu’à des stades avancés de la maladie”, rappelle Bernard Pécoul. Le virus, malheureusement, n’attend pas ce stade avancé pour se propager.
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