Une étude remet en cause le bien-fondé d’une consommation en sel inférieure à 5 grammes quotidiens, comme le préconise pourtant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Est-ce souhaitable ? Est-ce que le fait de bannir le sel est plus utile que les médicaments antihypertenseurs sur la pression artérielle ? Des questions à se poser en ce 14 mai, journée mondiale contre l’hypertension.
Sel : qui consomme quoi ?
On connait la véritable consommation de sel dans le monde : 46 % des personnes ingèrent entre 10 et 12g de sel quotidiens, 23% plus de 12,5 g et à l’opposé, 10,6% moins de 7,5g chaque jour (1). Autrement dit, presque personne ne suit les conseils de l’OMS (moins de 5g de sel par jour ; sel ajouté à table et celui caché dans les plats préparés, le pain etc.). Quant aux objectifs français du Plan National Nutrition Santé (PNNS) 2011-2015 (soit pas plus de 8 g/jour chez l’homme et 6,5 g chez la femme, et avec 57% des français à moins de 8g de sel ingérés par jour), ils n’ont pas été atteints. Néanmoins, déjà en 2008, 54% de la population adulte mangeait moins de 8g de sel par jour, on n'est pas loin du compte.
5g de sel par jour, est-ce bien raisonnable ?
Personne ne le conteste, l’augmentation de la consommation de sel contribue à l’élévation de la pression artérielle avec une relation bien définie : au-dessus de 12g de sel par jour, chaque gramme supplémentaire fait légèrement monter la pression artérielle systolique (la pression dans les vaisseaux lorsque le cœur se contracte) de 1 mm de mercure (mmHg). Mais on attend encore la réaction de l’OMS suite à une récente étude (2) conduite chez des personnes bien portantes suivies pendant 5-6 ans : si, d’un côté, l’augmentation de la consommation de sel s’accompagne effectivement d’une augmentation de la mortalité, réduire sa consommation totale en deçà de 5 grammes de sodium quotidiens (soit 10g de sel)* peut être tout aussi nocif !
Pr Xavier Girerd, cardiologue, Service d’Hypertension Artérielle et de prévention des maladies cardiovasculaires (Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris) : « Cette relation est très gênante vis-à-vis du seuil fixé par l’OMS à 5g/jour de sel. Des valeurs plutôt situées entre 8 et 10g/jour seraient plus raisonnables au vu de cette étude, ce qui correspond à une mortalité moindre et à la consommation fixée par le PNNS ».
5g de sel en moins, bénéfique surtout chez les hypertendus
Une compilation d’études a chiffré l’impact d’une restriction sodée de 5g/jour sur la pression artérielle (3). Chez l’hypertendu, 5g de sel en moins par jour réduit de 4,18 mmHg sa pression artérielle systolique et de 1,98 mmHg sa pression artérielle diastolique (la pression dans les vaisseaux lorsque le cœur se relâche), ce sont les deux indications chiffrées lorsqu'on prend la tension.
En revanche, les personnes dont la pression est normale (normotendues) perdent moins: 1,27 mmHg de systolique et 0,54 mmHg de diastolique.
Réduire le sel, un "plus" sous antihypertenseurs
En cas d’hypertension, pour faire baisser la pression artérielle tous les moyens ne se valent pas.
Petit comparatif de leur impact sur la pression artérielle systolique :
- Les médicaments "antagonistes du récepteur de l'angiotensine II" : -13,3 mmHg (4).
- Les médicaments "inhibiteurs de l’enzyme de conversion" : -12,9 mmHg (4).
- Les médicaments diurétiques : -6,5 mmHg (5), d’où l’intérêt de doubler la dose.
- La restriction sodée : - 4,2 mmHg en moyenne (3).
- L’activité physique (3 fois/ semaine, endurance 20 minutes) : -3,9 mmHg (5).
- La perte de poids de 4 à 5 kg : - 3,2 mmHg (6).
Pr Girerd : « Pour faire baisser la pression artérielle, il peut être utile de recommander les "mesures hygiéno-diététiques" : activité physique, réduction du sel, perte de poids. Le problème est que leurs bénéfices sur la pression artérielle ne s’ajoutent pas ! Ces mesures doivent être conseillées mais pour vraiment réduire la tension d’un hypertendu, les médicaments antihypertenseurs restent les plus efficaces. Il y a néanmoins une catégorie de personnes chez qui la restriction sodée sera particulièrement efficace avec 20 mmHg en moins sur la pression artérielle systolique : ce sont les hypertendus dits résistants aux traitements médicamenteux. Chez eux, malgré l’association de trois médicaments antihypertenseurs, leur pression artérielle ne baisse pas et n’atteint pas les objectifs fixés par le médecin. Ils ont a tout à gagner avec la restriction sodée ».
La fin du régime "sans sel"
L’extrapolation actuelle : « Manger moins salé pour réduire l’apparition d’une hypertension » ne repose que sur des études d’observation dans la population, donc de faible poids scientifique.
Pr Jean-Jacques Mourad, hypertensiologue, Hôpital Avicenne-Bobigny et membre du Comité française de lutte contre l'hypertension artérielle (CFLHTA) : « Le régime "sans sel strict" n’a jamais eu d’indication dans l’hypertension. Dire que le sel est définitivement nocif pour la santé et en particulier chez les hypertendus est une extrapolation de données observationnelles. Tout excès est probablement néfaste dans un sens comme dans l’autre. Mais penser que la réduction drastique de sel peut représenter une alternative aux thérapeutiques médicamenteuses de l’hypertension est faux et dangereux ».
Sel : 5 conseils chez la personne hypertendue
Attention, ces conseils valent chez la personne hypertendue mais sans insuffisance cardiaque où là, le régime sans sel strict est indispensable :
1- Pas de régimes "sans sel".
2- Modérer sa consommation de pain, de fromage (hors formage blanc ; pas plus de 2 repas par semaine) et de charcuterie (moins de 2 fois par semaine).
3- Pas de bouillons ou exhausteurs de goût ultra-salés (5g de sel par tablette de 10g).
4- Limiter les aliments riches en sel caché (plats préparés surtout cuisinés par le traiteur, les pizzas, quiches, burgers, crevettes, poissons fumés, chips, olives) et les soupes préparées en briques (6,8 g de sel par brique soit 1,7g de sel pour une assiette de 250 ml).
5- Favoriser des aliments riches en potassium (fruits, légumes et graines). Les personnes les plus grosses consommatrices de sel vont être moins hypertendues si, par ailleurs, elles consomment beaucoup de potassium (2). D’où l’intérêt chez les hypertendus d’une alimentation allégée en sel mais riche en potassium.
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