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[Reportage] Conflits en Casamance : Bissine renaît des cendres de la tragédie

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[Reportage] Conflits en Casamance : Bissine renaît des cendres de la tragédie
Bissine, le village martyr du conflit en Casamance. Dans les années 92, les habitants étaient pris entre deux feux. Les affrontements entre l’armée et le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance ( Mfdc) avaient entraîné des pertes en vie humaine du côté de la population. C’est le début d’un exil vers Ziguinchor, Dakar, la Gambie et la Guinée Bissau. Les familles se sont disloquées. Certains exilés ont perdu la vie dans leur pays d’accueil. Les tentatives d’un retour au bercail durant les périodes d’accalmie se sont soldées par des échecs car le Mfdc voulait faire de la zone, un no man’s land. Il a fallu des opérations de sécurisation de l’armée pour amorcer le retour des déplacés en 2020.  Il reste à débarrasser des terres fertiles des mines, et des débris d’explosifs.


Bissine. L’évocation de ce nom renvoie à une période sombre de la crise en Casamance. Au milieu des années 92, la localité sombre dans l’incertitude. Les affrontements entre l’armée et les combattants du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) ne laissent pas de place à la vie humaine. Bissine se vide. La vie est impossible. Par groupe, par famille, on traverse alors les frontières, pour se retrouver en Guinée Bissau et en Gambie. D’autres habitants se sont repliés à Ziguinchor alors certains ont regagné Dakar. Ces exilés ont laissé derrière eux, des vergers, des terres fertiles de Bissine, un village situé dans la commune de Adéane, dans l’arrondissement de Niaguiss. La quiétude se mue en incertitude. Aujourd’hui, une autre page s’ouvre. Depuis 3 ans, l’amorce d’un retour des réfugiés est enclenchée sous fond de contraintes. Au fond, tous célèbrent les retrouvailles.

Les armes ne crépitent plus. Mais leurs bruits sont encore frais dans la mémoire des survivants. Il en de même des dates de combat. Un jour du 9 octobre 1992, la violence des accrochages a déclenché l’exil collectif.  

« Le 09 Octobre 1992, les accrochages redoutables entre l’armée et les combattants du Mfdc ont provoqué la fuite des populations », se souvient Ismaïla Manga, très jeune, à l’époque. Ces affrontements lui avaient trouvé à Ziguinchor. Ces événements marqueront à jamais les survivants. La mémoire collective rapporte les fagots de sanglots. Malamine Diédhiou, natif de Bissine était au moment des douloureux événements à Bignona où il officiait comme enseignant. Derrière lui, toute sa famille avait traversé la frontière pour se retrouver en Guinée Bissau. Son père ne reverra plus Bissine. « Mon papa s’était réfugié en Guinée Bissau où il a perdu la vie 4 ans plus tard, c’est-à-dire, en 1996 », raconte l’enseignant à la retraite.  

     5 élèves périssent

La communauté a payé un lourd tribut. La perte de 5 élèves reste le paroxysme du traumatisme. « Lors des affrontements de 92, il y a eu des enfants qui sont tombés. Ils sont au nombre de cinq. Les populations traumatisées ont quitté la zone laissant tout sur place », se souvient l’enseignant à la retraite. La structure familiale se désagrège. Les parents se séparent. Les perdus de vue ne se comptent plus.  
 

Série d’échecs d’un retour au bercail

Le choc a été tel, que certains survivants ne voulaient plus revivre dans ce qui fut jadis le havre de paix. Plusieurs tentatives de retour à Bissine se sont soldées par des échecs. Depuis 2020, la tendance semble être irréversible.

« Depuis le déplacement à cause de cette crise, les populations attendent que le feu s’éteigne pour revenir. Ainsi, on a programmé des retours. Jusqu’en 2008 on a forcé en vain », relate Malamine Diédhiou, le coordonnateur du collectif des 14 villages.  

A la vérité, le Mfdc voulait faire de cette zone géographique un no man’s land. En d’autres termes, une zone inhabitée et inhabitable. Les premières personnes à s’y réinstaller ont payé pour leur témérité.   

 « Au lendemain de notre installation, suite au départ de l’armée à Adéane, les combattants du Mfdc sont venus nous prendre et nous amener en otages en Guinée Bissau », narre le vieux Malamine.  

      L’histoire se répète en 2015

 Malgré les menaces, en 2015, le sentiment tellurique pousse d’autres habitants de Bissine à revenir sur leur terre. Ils n’y passeront qu'une vingtaine de jours avant que les combattants du Mfdc les ordonne de repartir. C’était trop. Il fallait alors une coalition de villages et de populations qui avaient un problème commun pour entamer les négociations.  

« Cette tentative ratée pousse les populations de Bissine à aller à la rencontre des habitants des 12 villages de Boutoupa-Camaracounda et ceux de Singhère Diolas dans la commune de Kaour vivant la même situation, pour former ce comité afin de mener des concertations avec les autorités et le Mfdc, en vue d’un retour définitif des populations déplacées », a révélé le coordonnateur du collectif des 14 villages.  L’approche a porté ses fruits. L’Etat, garant de la sécurité des personnes et des biens a pris en charge la doléance des populations. 2020 va marquer l’ère de renaissance à Bissine.

 
 Bissine, à l’heure de la renaissance  


« Bissine revit » s’exclame Ismaïla Manga. Personne ne pouvait croire que les enfants joueraient au football à nouveau dans les rues de Bissine. Beaucoup de ces enfants n’ont pas vu le jour dans ce village. Ils sont nés lors de l’exil forcé. La vie reprend son cours normal depuis le 5 juillet 2020.  

« Les 5 quartiers sur les 6 sont repeuplés. Des maisons sortent de terre », se réjouit le représentant du chef de village.


Au total 87 familles sur les 364 qui se sont signalées pour le retour sont déjà sur place. Déjà on dénombre 400 habitants, depuis le démarrage du processus de retour en 2020. 

« L’Etat, à travers l’Agence nationale de la relance des activités économiques et sociales en Casamance (Anrac) a mis à notre disposition 450 000 F CFA pour les mobilisations communautaires. Les agents de l’Anrac ont construit une école, et nous avons commencé avec des abris-provisoires et trois volontaires. Un poste de santé est en construction et le bloc maraîcher sera aménagé. Chaque ménage a bénéficié de trois tonnes de ciment, 120 tôles et 90 lattes de rôniers pour la construction, le reste se sont les Ong qui sont en train de faire leur contribution », exulte le sieur Manga. 

      La synergie d’actions entre les services de l’Etat et les Ong


Ce responsable engagé pour le retour des populations déplacées, salue la synergie d’actions des Ong et l’Etat. 

 Des maisons en huttes sont remplacées par des maisons modernes par l’entremise de certains partenaires, « comme Emirates ». Ce changement a été magnifié par Souleymane Gomis 2ème adjoint au Maire de la commune de Adéane. Il reste à débarrasser des terres fertiles des mines, et des débris d’explosifs.

« Des opérations de sécurisation ont été menées après de longues démarches de négociations entre les populations de Bissine et les combattants du Mfdc ainsi que les autorités », souffle Malamine Diédhiou qui était au cœur du processus de retour des déplacés.

Les négociations ont commencé en 2017. C’est en 2018 que l’Etat a pris en charge les doléances des populations en engageant les opérations de sécurisation dans toute la zone.   

  Dans l’attente de la lumière  

Bissine renaît. Mais pour y accéder, il faut se lever tôt. Les habitants souhaitent le bitumage du tronçon Diagnon-Bissine et son extension jusqu’à la frontière avec la Guinée Bissau.

  « Si les autorités étatiques réalisent le bitumage de ce tronçon et mettent un poste de police frontalier et un poste de douane, d’autant plus que le service des Eaux et Forêts est déjà sur place, et avec tout ce qui est en train d’être réalisé, les populations vont retourner en masse », pronostique Malamine Diédhiou. L’électrification des villages pourrait accélérer le retour dans la zone.

Plusieurs puits ont été forés par des partenaires de l’État et des bonnes volontés au niveau de différents points stratégiques.

Le porte-parole du chef de village de Bissine, Ismaïla Manga insiste sur des politiques de développement. Le représentant du chef de ce village souhaite que les autorités et les bailleurs s’orientent vers des politiques d’emploi des jeunes et femmes. Il préconise l’aménagement des fermes modernes, la mise en place des unités de transformation dans cette zone qui regorge d’énormes potentialités.

 « Bissine manque de tout », clame Souleymane Gomis, 2ème adjoint au Maire de Adéane. Selon ce dernier, Bissine est le seul village de la commune qui est situé en profondeur, c'est-à-dire à l’intérieur. Tous les autres villages sont sur la route, la RN6. Bissine est le seul village qui n’est pas électrifié dans cette commune. Avec la paix, tout est possible. Espérons que les autorités accéderont à cette demande au nom du principe de l’équité territoriale.


1 Commentaires

  1. Auteur

    Camara

    En Juillet, 2023 (10:25 AM)
    Même je vis en Feance je suis fier d être de Bissine 

    On avait besoin de ce retour pour avoir un repère 

    Paix pour toujours à Bissine en casamance et au Sénégal 
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