La Task Force, un comité de plaidoyer pour l'accès à l'avortement médicalisé en cas de viol et d'inceste au Sénégal, avec l'appui de l'ONG PPG (Planned Parenthood Global) a organisé un atelier de formation le samedi 25 février à l'hôtel Radisson Blu, pour partager avec l’opinion nationale et internationale son étude de restitution des résultats sur la situation des femmes incarcérées pour infanticide ou avortement clandestin.
Cet atelier a été l'occasion, pour la Task Force, de rappeler au chef de l'État le respect des engagements qu'il a pris dans le protocole de Maputo.
En effet, l’État du Sénégal a signé en 2003 et ratifié en 2005 le Protocole de Maputo, qui évoque dans l'article 14 que "les États prennent toutes leurs mesures appropriées pour protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus". Chose que le gouvernement n'pas respectée, évoquant des obstacles culturels et religieux.
Ainsi, pour mieux soutenir le processus de plaidoyer, la Task Force a jugé nécessaire de faire un état des lieux, clairement fondé sur une étude sur la situation des femmes incarcérées pour infanticide ou avortement clandestin, afin de relancer le débat sur l'avortement médicalisé en cas de viol et inceste au Sénégal et d'inviter l'État à respecter sa ratification dans le Protocole de Maputo.
D'après l'étude menée en septembre 2022, par la Task Force, comité de plaidoyer pour l'accès à l'avortement médicalisé en cas de viol et d’inceste, sur les 244 femmes détenues dans les établissements pénitentiaires, 54, soit 22,13 %, sont poursuivies pour infanticide et cinq, soit 2 %, pour avortement clandestin.
En outre, l'objectif général de la révélation des données issues de cette étude est de mettre les chiffres clés à la disposition de la presse pour que l'opinion soit informée sur l'ampleur des incarcérations liées à l'avortement clandestin ou l'infanticide, de partager les résultats obtenus avec les parties prenantes, de recueillir leurs avis pour valider les résultats issus de l'étude afin de disposer un document harmonisé et de démontrer aux décideurs la nécessité d'autoriser l'avortement médicalisé en cas de viol et d'inceste.
Les personnes qui ont participé au panel, à savoir des parlementaires, des avocats, des féministes, des journalistes, des magistrats entre autres, ont profité de l'occasion pour lancer un cri du cœur au président de la République.
Prenant la parole, Amy Sakho et Aissatou Ndiaye, invitent l'État à respecter sa signature du Protocole de Maputo pour faciliter l'accès à l'avortement médicalisé en cas de viol et inceste au Sénégal pour qu'aucune femme ne meure dans des avortements clandestins ou ne soit pas incarcérée pour cause d'infanticide. D'après elles, cela ne changera pas le principe de l'interdiction de l'avortement qui va continuer de demeurer.
Moustapha Diakhaté, quant à lui, estime que le combat de ce plaidoyer est difficile, face à un environnement social qui ne comprend pas le sens de la Task Force.
Cependant, il invite ce comité de plaidoyer à y faire face tout en demeurant engagé et déterminé pour atteindre ses objectifs. Selon lui, la responsabilité de l'emprisonnement des femmes incarcérées pour infanticide et avortement clandestin incombe à l'État du Sénégal qui refuse de respecter ses engagements dans le Protocole de Maputo. Il va même jusqu'à qualifier ces détenues "d'otages de l'État".
Toutefois, l’ancien président du groupe parlementaire BBY manifeste tout son soutien à la Task Force et invite le comité à rencontrer les autorités afin de mieux les sensibiliser sur la question. L'ancien parlementaire pense que les religieux sont le problème et non la solution dans le Protocole de Maputo.
La députée Sokhna Ba souligne que les femmes victimes de viol et incarcérées pour infanticide ou avortement clandestin relèvent d'une double injustice de viol et de sanction. D'après elle, ce combat doit être mené par tout le peuple. Elle invite les membres du comité à faire davantage de la sensibilisation, à collaborer avec les ministres de la femme et de la justice, de communiquer davantage avec tous les groupes parlementaires et de rencontrer les religieux qui constituent un blocus dans ce protocole.
Par ailleurs, l’absence de la ministre de la Femme a été déplorée à cet atelier et les participants ont exhorté l'État du Sénégal à encourager les poursuites judiciaires pour les agresseurs sexuels afin d’accompagner les femmes victimes, car aujourd’hui, beaucoup de femmes qui se retrouvent dans ces situations sont sévèrement sanctionnées par la loi qui ne condamne pas les agresseurs. Ce qu'elles qualifient d'injustice.
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