Il est environ 22 heures, ce 3 août 2019, lorsque les policiers parviennent sur les hauteurs de Beaucaire (Gard) par un sentier au nom tristement prémonitoire : le chemin du Calvaire. Au pied d’une croix, plantée sur le belvédère qui surplombe la ville, gisent les corps de deux enfants. Allongé à leurs côtés, leur père, Emmanuel Hernandez, inconscient mais vivant. Assise dans la salle d’attente du commissariat depuis des heures, leur mère apprend la nouvelle abruptement : Vincent Ibra, 7 ans, et Marie Seynabou, 6 ans, sont morts. L’autopsie révélera qu’ils ont été drogués et étranglés. La veille puis le jour même, Fatou Fall, aide-soignante d’origine sénégalaise, avait pourtant tenté de donner l’alerte, inquiète que son ex-compagnon n’ait pas ramené les enfants pour le week-end. Mais les policiers, estimant être face à un banal conflit de garde, l’avaient enjointe de patienter. Ce n’est qu’en début de soirée qu’ils avaient lancé des recherches, devant l’inquiétude de la propre famille d’Emmanuel Hernandez.
En juin 2019, Fatou Fall insiste, tente d’obtenir la garde des enfants et une expertise psychiatrique de son ex-compagnon. Refus de la juge aux affaires familiales, qui maintient la garde alternée. « On est deux mois avant le drame, s’agace Me Rémy Nougier, l’un de ses avocats. La juge a estimé qu’elle n’apportait pas de preuve suffisante d’un réel danger… On voit le résultat. En clair, il n’était pas fou pour avoir la garde des enfants, mais il est fou maintenant qu’il les a tués… », soupire-t-il. Fatou Fall, elle, maintient qu’en dépit de ses problèmes psychologiques, son ex-compagnon savait ce qu’il faisait. Et que la justice n’a pas été à la hauteur. « Il avait tout prémédité. Et il ose dire maintenant que je l’ai marabouté pour qu’il tue les enfants ! », s’offusque-t-elle. Face à cette « série de dysfonctionnements », son autre conseil, Me Angélique Gallucci, a déposé une plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger ». Une enquête préliminaire a été ouverte. « Quand un policier écrit dans une plainte : Comme il ne prend pas ses médicaments, il peut devenir violent et incohérent et que rien n’est fait, c’est un problème ! Elle n’a jamais été prise au sérieux ; au contraire, c’est elle qu’on a prise pour une folle. » « Il s’agissait à chaque fois de plaintes pour des conflits de garde et des dégradations de biens, elles ont été traitées comme telles. L’évaluation du risque est un vrai métier, c’est une technique en cours de déploiement… », justifie Eric Maurel, le procureur de Nîmes, implicitement visé.
Quant au courrier adressé par Fatou Fall à ses services, il avait bien été reçu et traité… après s’être d’abord perdu en raison d’une faute d’orthographe dans son nom. « Une demande d’enquête avait bien été adressée aux services de police, mais nous n’avions pas encore eu de retour au moment du décès des enfants », regrette Eric Maurel, qui reconnaît : « Il y a eu des loupés dans cette affaire, on ne peut pas le nier. »
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