L’affaire du transfert de 6 gazelles oryx de la réserve du Ferlo, dans le Ranérou, au profit du ranch privé du ministre de l’Environnement à Bambilor, continue de défrayer la chronique.
En effet, l’environnementaliste Cheikh Dieng, qui dénonce un «communiqué laborieux» d’Abdou Karim Sall pour «justifier ce transfert frauduleux», se demande s’il s’agit d’un «zoo ministériel ou (d’un) trafic d’animaux sauvages».
L’expert en changement climatique, aménagement des forêts et gestion des ressources naturelles rappelle, dans la foulée, que les conventions et protocoles qui sont évoqués sont donc totalement en porte-à-faux avec la loi.
«Le communiqué suggère que le ranch privé du ministre de l’Environnement a bénéficié de cette disposition, sans oser le mentionner explicitement. Les règles de transparence minimales voudraient que la convention dont aurait bénéficié le ministre soit publiée avec le communiqué. Nul doute qu’elle n’existe pas. Au demeurant, le ministre peut-il bénéficier d’une convention de la part d’un service qui est sous son autorité ? Et quelle est la contrepartie que paient les privés pour bénéficier de cette largesse de l’Etat ? Là également, le communiqué est muet», a pesté le maire libéral de Djeddah Thiaroye Kao.
Au plan technique, il ajoute que la gazelle oryx est une espèce de grande antilope qui vit dans les brousses et les grandes prairies semi-arides qui sont son habitat naturel.
Docteur Cheikh Dieng détaille : «La capture de ces pauvres bêtes au profit d’un ranch privé à Bambilor, dans des conditions écologiques aussi éloignées de leur habitat naturel, les confinerait quasiment dans un zoo, pour le plaisir de la contemplation et les condamnerait inéluctablement à une mort certaine. Cela, les agents des parcs nationaux, connus pour leurs compétences et leur dévouement à la nature, le savent bien et ne peuvent cautionner cette forfaiture assimilable à un crime environnemental. Il a certainement fallu un ordre ministériel ferme auquel d’ailleurs ils ne devraient déférer, car cet ordre étant manifestement illégal.»
Au plan judiciaire, le spécialiste fait comprendre que le Code de la chasse définit la chasse comme «toute action visant à tuer un animal sauvage ou à le capturer vivant».
Car, à l’en croire, le code règlemente strictement les conditions d’exercice de la chasse au Sénégal et l’article L30 prévoit une amende de 240 000 à 2 400 000 F et un emprisonnement d’un à cinq ans, avec la peine d’emprisonnement obligatoire, si la capture illégale a eu lieu dans une réserve de faune.
«Ouverture d’une enquête diligente»
«De plus, l’article L31 renchérit que si l’acte de chasse concerne une espèce intégralement protégée, la peine de prison encourue ne peut être inférieure à 2 ans. Autant le dire : le juge a les mains liées pour envoyer un délinquant en prison», relève l’environnementaliste.
«La capture des gazelles oryx au profit du ranch privé, qui serait commanditée par le ministre de l’Environnement, tombe sous le coup de la loi. L’ordre a-t-il été donné par le ministre ? L’abus d’autorité s’ajouterait alors à l’infraction au Code de la chasse. Ces animaux étaient-ils destinés à «décorer un zoo ministériel» ou à alimenter un trafic d’animaux sauvages sachant que sur le marché, ces oryx valent entre 40 et 50 millions de francs CFA la pièce ?», s’est-il notamment interrogé.
Non sans interpeler le président Macky Sall l’invitant à «ouvrir une enquête diligente en vue faire la lumière sur cette affaire rocambolesque et publier les résultats de cette enquête. Toute autre attitude conforterait le sentiment d’une République bananière où chaque ministre, détenteur d’une parcelle de pouvoir, peut en user et en abuser sans aucune contrainte, sans morale, avec le sentiment d’impunité que confère l’absence d’une autorité présidentielle qui veille sur la bonne marche de la nation. Sommes-nous dans cette République ?».
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