20 ans après la tragédie qui a fait près de 2000 morts au large des côtes gambiennes, le Joola reste toujours dans les mémoires et dans les discours du faut d'éternels questions sans réponses et un deuil impossible pour les rescapés et familles des victimes. Dans ce témoignage reçu, Dié Maty Fall se remémore le drame et les vies qu'il a bouleversées de Ziguinchor à Paris en passant par Dakar.
Naufrage du Joola, au large de la Gambie, 2002
Paix éternelle à l’âme des 1863 victimes officielles recensées, plus probablement plus de 2000 victimes en comptant ceux qui n’avaient pas embarqué avec un ticket, pour un navire dont la capacité maximale de passagers (jauge) ne devait pas dépasser 600 passagers.
Tout le monde a constaté également qu’il gîtait (penchait), même vide de passagers et de fret, moi y compris depuis l’île de Gorée au début de ce septembre funeste, lorsque le navire était en manœuvres d’essayage pour sa mise en route prochaine.
Le navire était passé tout près et de la terrasse du restaurant de Tata Thioro Thiam, et en habituée, elle m’avait dit que depuis quelque temps, le Joola manœuvrait pour sa mise en service prochaine.
Mais pourquoi penche-t-il ainsi, c’est normal ? ai-je questionné ?
Ma copine française, en vacances chez moi alors, m’a répondu qu’il gîtait.
Je me souviens que mon employée de maison, Delphine Diatta, a arrêté de travailler parce qu’elle était endeuillée par le naufrage.
Je me rappelle aussi que je me suis précipitée en grande banlieue au domicile de mon collègue Raphaël Lambal que je ne connaissais pourtant pas à l’époque, pour le réconforter : il avait perdu femme et enfants.
Je ne savais même pas que j’avais aussi perdu ma cousine Fanta Diarra, 36 ans et sa petite fille Mame Fatou Yacine Ba, 7 ans.
Ni que mon petit papa Thierno Birahim Fall avait également perdu son épouse et son fils dans la catastrophe.
Non plus que j’allais faire la connaissance de Nadine Verschatse, qui a perdu sa fille Claire et l’amie d’enfance de celle-ci, Guérande, que les parents avaient récompensées avec ce voyage au Sénégal, et que je finirais même par dormir dans la chambre de Claire, laissée telle quelle depuis son départ, lorsque je passe la voir dans les Yvelines. Évidemment, lorsque toutes les lumières sont éteintes et que tout le monde dort, je pleure en pensant au chagrin de Nadine et à la vie écourtée de cette jeune fille joyeuse, enjouée et aimante, s’apprêtant à reprendre son avion après une ultime étape par bateau.
Des familles désarticulées, des vies anéanties, des survivants handicapés à jamais de membres de leur famille, et puis la lancinante question du pourquoi, de la vérité bafouée, de la négligence coupable, du deuil impossible, du moment fatidique, dormaient-ils où étaient-ils conscients, comment sont morts à petit feu ceux qui avaient survécu dans des poches d’air et qui tapaient sous la coque.
Des questions sans réponse et un peuple sénégalais traumatisé à vie par cette condamnation à mort certaine dans laquelle des êtres humains ont innocemment embarqué en toute confiance.
On ne peut certes pas revenir sur cette tragédie pour l’empêcher de se produire, mais on peut toujours dire la vérité et demander pardon.
Pas de vérité, pas de coupable, pas de repos ni de paix tant que les nombreuses et légitimes attentes des familles des victimes et des Sénégalais demeurent insatisfaites.
Dié Maty Fall (DMF)
9 Commentaires
Snoopy125
En Septembre, 2022 (17:25 PM)Justice
En Septembre, 2022 (18:16 PM)Reply_author
En Septembre, 2022 (22:15 PM)Kalz
En Septembre, 2022 (21:01 PM)c'est ne pas connaître le Sénégalais, il faut le voir à l'œuvre avec son air "je m'en fous" !
Votre justice à blanchi pléthore de merdes locales...grawoul Sadio Mané joue t il 9 ou ailier ?