La migration des jeunes Sénégalais comporte à la fois des avantages et des risques. Mais si une politique réfléchie est bien menée, le Sénégal pourrait en tirer un grand profit. La conviction est de l’économiste Magaye Gaye. Dans une réflexion, Gaye trouve que l’Espagne offre au Sénégal une opportunité de faire gagner de l’argent à quelques jeunes qui manquent d’emploi. C’est aussi, ajoute-t-il, une occasion pour ces jeunes d’acquérir des compétences agricoles qui pourraient être mises à profit une fois de retour. Magaye Gaye donne l’exemple de l’Italie et du Mexique qui ont développé ce secteur par ce procédé.
Cependant, il ne manque pas de risques, si le profil des jeunes envoyés n’est pas bien sélectionné. Selon lui, il ne faut surtout pas envoyer des jeunes qui disposent de compétences qui font défaut au pays, telles que les filières techniques. Il invite également l'État à mieux encadrer et suivre ces jeunes pour éviter tout comportement déviant avec des pratiques contraires à nos mœurs.
Bref, l’Etat doit avoir une politique bien réfléchie qui va au-delà de l’argent et de l’emploi et qui intègre des partenariats qui peuvent déboucher sur des exploitations agricoles au Sénégal afin de booster la croissance.
Voici son texte in extenso
Migration Agricole des Jeunes Sénégalais : Une Opportunité ou un Risque pour le Développement du Pays ?
Le recrutement en cours de près de 400 Sénégalais pour occuper des postes agricoles en Espagne suscite de nombreuses réactions. Si certains voient dans cette initiative une opportunité pour l’emploi des jeunes, d’autres s’interrogent sur les répercussions à long terme pour l’économie sénégalaise.
L’un des défis majeurs du développement économique est l’exploitation du facteur humain, moteur essentiel de toute croissance. Toutefois, il ne s’agit pas uniquement de disposer de la main-d’œuvre, mais aussi d’investir dans la formation et l’acquisition de compétences. Dans cette optique, la migration des jeunes Sénégalais vers l’Espagne, pour occuper des emplois agricoles, pourrait apparaître comme une occasion de renforcer leur savoir-faire, tout en envoyant de l’argent à leurs familles. Ces fonds contribueraient à améliorer les conditions de vie des proches restés au pays. De plus, à leur retour, ces jeunes pourraient mettre à profit l’expérience acquise dans le secteur agricole européen, un secteur clé pour le développement du Sénégal.
Ainsi, en considérant les revenus générés par ces jeunes, l’impact potentiel peut être considérable. Par exemple, si 375 candidats sont rémunérés à hauteur de 1000 € par mois, cela représenterait un montant de 375 000 € sur 3 mois, soit environ 1 million d’euros par an. En supposant qu’une partie de cet argent soit envoyée au Sénégal, l’économie pourrait bénéficier de ces transferts financiers, tout en favorisant un retour d’expérience positive sur les pratiques agricoles. À l'échelle de 20 000 travailleurs sénégalais officiellement répertoriés en Espagne cela représente un pactole pour l'économie sénégalaise évalué à des dizaines de milliards de francs CFA
Cependant, il est impératif de se poser des questions sur le profil des jeunes à envoyer. Si des diplômés font partie du lot pour des emplois agricoles simples, cela pourrait représenter une perte de compétences pour le pays au plan économique. Il serait plus pertinent d’envoyer des jeunes déjà formés dans les métiers agricoles mais sans emplois ou des agriculteurs locaux dotés d'expérience, de manière à mieux capitaliser les savoir-faire à acquérir à l’étranger dans les programmes de développement. En parallèle, il est essentiel d’éviter d'envoyer des jeunes qui s'activent dans des secteurs où le pays manque d'expertise clé, comme les métiers techniques, qui seraient plus utiles à la nation si elles étaient appliquées sur place.
D’autre part, le Sénégal pourrait négocier avec l’Espagne pour que des terres agricoles soient délocalisées et cultivées au Sénégal, afin de permettre à ces jeunes de renforcer leur savoir-faire tout en apportant une contribution directe à la croissance du secteur agricole local. De même, l'Espagne, avec son expertise agricole, pourrait partager des technologies et des techniques avancées pour améliorer l’agriculture au Sénégal. L'envoi des jeunes sénégalais en Espagne ne doit pas seulement être appréhendé à l'aune de critères financiers et d'emploi mais plus dans une perspective globale qui intègre l'ensemble de nos préoccupations en termes de développement
L’Exemple des Italiens et d’autres pays : Le Retour pour Contribuer au Développement
L’Italie, par exemple, a connu une migration massive au début du 20e siècle, particulièrement en direction de l’Amérique du Nord et du Sud. Les Italiens qui ont émigré ont acquis des compétences techniques et des expériences précieuses, qui ont été mises à profit à leur retour en Italie après la seconde guerre mondiale. Ce retour a permis la reconstruction et la modernisation du pays, en particulier dans le secteur agricole et industriel. Les Italiens ont, par la suite, contribué à relancer l’économie en mettant en place des infrastructures modernes et en partageant leur expertise acquise à l’étranger.
De même, les Mexicains, qui ont migré en grand nombre vers les États-Unis pour occuper des postes agricoles, ont joué un rôle essentiel dans la modernisation de l’agriculture de leur pays après leur retour. Ces migrants ont apporté de nouvelles techniques agricoles, de nouvelles cultures, et ont créé des entreprises rurales, contribuant ainsi à diversifier l’économie de leur pays d’origine.
Ces exemples montrent que la migration n’est pas forcément une fuite des cerveaux ou un exode de main-d’œuvre bon marché, mais plutôt une occasion de renforcer les compétences des migrants et d'en faire des catalyseurs de développement à leur retour. Mais cela nécessite une organisation minutieuse et des politiques adaptées pour que les compétences acquises puissent réellement être mises au service de la croissance du pays d’origine.
Migration Agricole : Une Opportunité pour le Sénégal ?
Cela soulève une question importante : cette migration agricole des jeunes Sénégalais en Espagne est-elle vraiment bénéfique pour l’économie sénégalaise ?
D’un côté, l’envoi de jeunes dans des emplois agricoles à l’étranger représente une occasion d’acquérir des compétences pratiques et de transférer des ressources financières au Sénégal. Cependant, l’État sénégalais doit veiller à ce que ces jeunes soient bien préparés et que leur expérience soit utilisée à leur retour pour améliorer le secteur agricole local, notamment par des projets d’agriculture moderne, en utilisant les techniques acquises en Espagne.
Il est également essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi et d’accompagnement pour éviter que cette migration ne se transforme en un exode sans retour sur investissement pour le pays. Une question qui mérite d’être posée est : si ces jeunes ne parviennent pas à réinvestir leur expérience ou leurs ressources dans le développement de leur pays, quel sera l’impact à long terme sur l’économie nationale ?
De plus, l’impact de la pandémie de COVID-19 ne peut être ignoré. La crise sanitaire mondiale a exacerbé les pénuries de main-d'œuvre en Europe, en particulier dans les secteurs agricoles. Cela a poussé de nombreux pays européens à faire appel à des travailleurs étrangers, créant une ouverture pour les jeunes Sénégalais. Cependant, il faut être vigilant : cette situation temporaire pourrait masquer un phénomène plus profond, celui de la dépendance accrue de l’Europe à une main-d'œuvre venue de l’extérieur, tout en négligeant des solutions structurelles pour les populations locales.
À court terme et en attendant que le nouvel agenda 2050 prenne forme le Sénégal devrait saisir cette opportunité qu'offre cette carence en termes d'emploi constaté dans les pays développés afin de signer des partenariats gagnant-gagnant inscrits dans une logique de long terme. Il convient d'explorer à cet effet toutes les opportunités de coopération internationale et de mieux vendre l'expertise sénégalaise à l'étranger. Un bon stratège après avoir défini sa vision commence par étudier les opportunités et les menaces de l'environnement
Les autorités sénégalaises devraient accorder une attention particulière au profil des jeunes à envoyer en Espagne dans le cadre de la migration pour l’agriculture. Il est essentiel de sélectionner des candidats moralement bien ancrés et dotés d’une éthique solide. Pour garantir ce critère, l’intégration de psychologues dans les équipes de sélection serait une mesure pertinente. En effet, le risque est que des jeunes dépourvus de repères éthiques reviennent au pays avec des comportements contraires à nos valeurs et à notre mode de vie.
Enfin, il convient de souligner un autre phénomène global : le détournement des ressources africaines via les paradis fiscaux. Un rapport de la commission économique pour l'Afrique avait montré que chaque année plus de 60 milliards de dollars quittaient l'Afrique illégalement pour aller vers les Paradis fiscaux. Le continent et en particulier le Sénégal, a longtemps été victime de pratiques économiques inéquitables, qui ont siphonné les richesses du continent. Cela incite certains jeunes à chercher à récupérer ce qui leur appartient, souvent en dehors de leurs frontières, et à prendre des risques pour récupérer les ressources légitimement dues à leurs pays. L’idée de partir à l’étranger pour améliorer sa condition n’est pas seulement économique, mais aussi une réponse à un sentiment d’injustice systémique qui pousse à chercher ailleurs ce qui leur a été dérobé.
Magaye GAYE
6 Commentaires
Observateur
il y a 8 heures (12:49 PM)et bonne continuation pour tes bonnes idées au service du Sénégal !!!
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il y a 8 heures (13:14 PM)Négrier Des Temps Modernes
il y a 7 heures (14:07 PM)Allez Migrer En Russie !
il y a 8 heures (13:13 PM)Ces dernières décennies, la Russie compensait ses difficultés démographiques par l’immigration. Avec sept à huit millions de travailleurs étrangers sur son territoire en 2013, elle se classait, selon les Nations unies, au deuxième rang mondial des pays accueillant le plus de migrants. Aujourd’hui, elle en compte trois fois moins. Au fil du temps, l’éventail des pays de départ se rétrécit à mesure que la part des personnes pratiquant le russe dans les États postsoviétiques diminue et que leurs économies se réorientent vers le marché européen. Depuis 2014, les travailleurs venant de Moldavie sont par exemple passés de 700 000 à 80 000. En 2024, près de 90 % des travailleurs immigrés sont originaires de l’un de ces trois pays : l’Ouzbékistan, le Tadjikistan ou le Kirghizstan. Dans les années 2010, les autorités ont mené une réforme qui a permis de légaliser une grande partie d’entre eux.
Cependant, d’après la Confédération du travail de Russie (CTR) — l’une des deux principales centrales syndicales du pays —, la majorité s’est vu refuser l’accès à l’éducation, à une couverture médicale et au régime de retraite. Si cette mesure a diminué le coût de la main-d’œuvre pour les entreprises, elle a aussi réduit la motivation des personnes, notamment les plus qualifiées, à venir travailler en Russie. Dans le même temps, avec un taux de mortalité une fois et demie supérieur à celui de la natalité, la population continue de vieillir
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il y a 6 heures (14:47 PM)Pro
il y a 8 heures (13:30 PM).La grande majorité vont, une fois sur le sol espagnol, disparaître dans la nature.
.À l'époque du Président Abdoulaye wade, des centaines de contrats agricoles ont été offerts par le gouvernement espagnol.Beaucoup d'entres eux, sont restés sur place après la durée légale de séjour.
.il n'y a aucun transfert de compétence en ce qui concerne le travail saisonnier.
. L'italie vers les années 60, était un réservoir à main-d’œuvre pour les pays industrialisés d'Europe, mais aussi pour les États-Unis, du Canada et plusieurs pays d’Amérique du Sud. Aucun lien avec le travail saisonnier.
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