C’est demain vendredi 31 juillet que la communauté musulmane va célébrer l’Aid El-Kébir, communément appelée Tabaski, coïncidant ainsi avec la grande prière hebdomadaire du vendredi. Ceci, dans un contexte de Covid-19, avec la progression des cas positifs et le bilan des décès qui ne cesse de s’alourdir. Des spécialistes de la santé craignent une forte contamination avec beaucoup de cas communautaires. Toutefois, ils demandent que les mesures barrières soient de mise pour les réduire.
«C’est compliqué !», s’empresse de signaler notre interlocuteur qui a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat, à propos des prières de la Tabaski appelée Aid El-Kébir et du vendredi dans un contexte de Covid-19.
Toutefois, l’expert en santé a tenu à balancer ces quelques mots qui en disent long sur la gravité de la situation. «Cela va créer des problèmes. Mais comme vous le savez, la religion est très sensible», a-t-il capitulé.
En effet, alors que le Sénégal venait d’enregistrer ses premiers cas positifs au coronavirus, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Aly Ngouille Ndiaye, à travers un arrêté, avait interdit provisoirement les manifestations ou rassemblements. Et en raison du rythme de progression de la maladie, il a ordonné la fermeture des mosquées de Dakar, à partir du 20 mars jusqu’à nouvel ordre, sur l’étendue du territoire régional. Une mesure qui a été diversement appréciée par les fidèles. Car, pour certains, il était inacceptable qu’un pays à près de 95 % de musulmans prenne une telle décision.
«Des risques sont à craindre»
Laquelle a été très mouvementée dans son application : Des affrontements entre les populations et les forces de l’ordre par-ci, des arrestations par-là. Finalement, l’Etat a fait machine arrière, en décrétant l’assouplissement des mesures. Ce, au moment où l’on assistait à une explosion des cas positifs de Covid-19.
Pour sa part, le ministère de la Santé et de l’Action sociale n’a cessé de renouveler à la population son appel au respect strict des mesures de protection individuelle et collective, pour freiner la propagation du virus. Au cours de chaque point du jour sur l’évolution de la pandémie de Covid-19 au Sénégal, le porte-parole dudit ministère, par ailleurs Directeur de la Prévention, Docteur El Hadj Mamadou Ndiaye insiste fortement sur les mesures barrières, notamment le port du masque, surtout en cette période de la Tabaski, la distanciation physique d’au moins un mètre dans les lieux publics ou de rassemblements ainsi que le lavage fréquent des mains.
Malgré cela, la courbe ne fléchit pas. Elle est toujours ascendante, avec son lot de morts au quotidien. La situation est préoccupante. Pire, «des risques sont à craindre».
«Il faut éviter surtout de se serrer la main, après les prières et que chacun apporte sa natte»
Mais loin de vouloir s’immiscer dans les affaires religieuses, le médecin contacté a préféré prodiguer des conseils. Tout comme le Dr Mamadou Ndiaye, il a indiqué : «C’est obligatoire ! Il faut le port systématique du masque et la distanciation physique, lors des séances de prières. Egalement, il faut éviter autant que possible de se serrer la main après. A La Mecque, il y a une distanciation d’au minimum un mètre entre les personnes. Il faut donc la respecter ici.»
Avant de s’expliquer : «Aujourd’hui, on ne sait pas qui est porteur, surtout que maintenant on ne dépiste pas les porteurs asymptomatiques. Donc là, il faut les mesures barrières. Que chacun apporte sa natte de prière demain, sinon on peut craindre des contaminations communautaires extrêmement importantes. C’est-à-dire les personnes ne sauront pas d’où la transmission a eu lieu. Dans la mesure où, en cette période de grande fête, les gens viennent de plusieurs localités différentes pour aller dans les mosquées privilégiées.»
A ce jour, le Sénégal compte 10 106 cas positifs au coronavirus. Ils sont répartis entre 6 725 personnes guéries, 204 décédés, 1 évacué (finalement décédé en France) et 3 176 malades sous traitement.
«Ce qui est sûr est qu’il y aura des contaminations communautaires, mais…»
L’homme de l’art de persister dans son argumentaire. Selon lui, la montée des cas est prévisible. «Mais je ne donnerai pas de prévalence, parce que tout est relatif. Ce qui est sûr est qu’il y aura des contaminations communautaires. Maintenant jusqu’à quel niveau ? Moi, je ne peux pas me prononcer là-dessus», a-t-il précisé.
Tout en avertissant : «Cependant, même s’il y a des transmissions communautaires, le respect des mesures barrières par les fidèles musulmans vont drastiquement réduire la possibilité de cette contamination.»
Son collègue d’abonder dans le même sens. «La situation progresse de jour en jour. On voit une augmentation du nombre de décès et des cas positifs, surtout les cas communautaires C’est vrai que d’une manière générale, les cas contacts sont importants, mais ce qui permet de faire durer la transmission, ce sont les cas communautaires».
Et de continuer : «Malheureusement, on voit que la transmission communautaire progresse à une vitesse vertigineuse. Le bilan est macabre. Aujourd’hui, on a franchi la barre des 200 morts. C’est-à-dire qu’il n’y a pas malheureusement une solution en vue par rapport à la situation.»
«La maladie est en train de tuer surtout chez les personnes âgées»
C’est pourquoi, argue-t-il, je dis que chacun doit prendre ses responsabilités. «Il faut que l’Etat redouble d’efforts en renforçant les mesures collectives et individuelles, et que les populations les respectent. C’est-à-dire éviter que le virus passe par elles pour aller quelque part. Actuellement, la situation est inquiétante», alerte-t-il.
Avant de faire remarquer : «Il faut faire très attention sur beaucoup de choses, puisque nous n’avons pas les moyens de nos politiques. La maladie est en train de tuer surtout les groupes vulnérables, les personnes âgées avec lesquelles dès qu’il y a une infection, il faut craindre le pire.»
Pour rappel, à Louga, lors de la célébration de la Korité le 23 mai dernier, l’Imam Pape Mayoro Sall de la mosquée de Serigne Abass Sall a beaucoup sensibilisé sur le coronavirus. Il a appelé les fidèles au respect des mesures barrières et au retour à Dieu pour un monde meilleur.
«Nous devons respecter les mesures de protection. Certaines personnes sont en train de prier le bon Dieu pour que cette pandémie s’arrête le plus rapidement. D’autres sont en train de travailler. Nous devons remercier les médecins, les infirmiers et les forces de l’ordre. C’est Dieu qui est en train de nous montrer sa force. Nous devons retourner vers Lui et Lui demander pardon», a-t-il déclaré après les 2 Rakaas de la prière de l’Aid El-Fitr.
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