Des Lions indomptables du Cameroun aux Diables rouges du Congo, le Français a entraîné pas moins de six équipes africaines. Dans « Le Sorcier blond », il livre de savoureuses anecdotes.
Claude Le Roy, 73 ans, a effectué toute sa carrière de joueur professionnel en France, au sein de quatre clubs. Devenu entraîneur, c’est essentiellement à l’étranger qu’il a exercé son métier. Même s’il a accompagné quelques clubs de l’Hexagone, c’est en Asie (Chine, Oman, Émirats Arabes Unis, Malaisie, Syrie), et en Afrique (Cameroun, Sénégal, RD Congo, Ghana, Congo et Togo, quitté en avril dernier), que Le Roy s’est surtout fait connaître, en remportant notamment la CAN avec le Cameroun en 1988. Dans Le Sorcier Blond (éditions Arthaud, 21 €), le Français raconte ce tour du monde, rempli d’anecdotes souvent savoureuses.
Baptême à Brazzaville
Alors qu’il est un jeune joueur professionnel de 23 ans, Claude Le Roy apprend que son club, l’AC Ajaccio, va effectuer une tournée au Congo à la fin de l’année 1971, sponsorisée par l’entreprise pétrolière Elf (devenu Total) et probablement organisée par un réseau corse très actif en Afrique francophone. Deux matchs sont organisés contre les Diables rouges, à Brazzaville puis à Pointe-Noire, dans des stades bondés.
« Le séjour n’a duré qu’une semaine, mais il était assez long pour me donner envie de retourner en Afrique. C’était la première fois que je me retrouvais sous l’équateur… », se souvient-il.
Depuis Brazzaville, Le Roy observe Kinshasa, capitale d’un pays qu’on appelle alors Zaïre, sur l’autre rive du fleuve. « J’ai pensé à mon père, enseignant, et aux noms de Patrice Lumumba, Moïse Tshombé, Joseph Kasa-Vubu, qui me reviennent, tant ils étaient présents dans les débats militants de mon enfance du temps de la décolonisation. » Il est alors loin d’imaginer qu’il reviendra quarante ans plus tard dans cette partie de l’Afrique pour y devenir sélectionneur de la RD Congo, par deux fois, et des Diables rouges.
Guet-apens au Cameroun
Tout jeune entraîneur, Le Roy, alors âgé de 36 ans, est limogé par le club de Grenoble. Quelques semaines plus tard, il est contacté par Eugène N’Jo Léa, ancien international devenu ambassadeur du Cameroun en Espagne. « Il m’explique qu’on souhaite que je sois le sélectionneur des Lions indomptables, ce qui m’étonne un peu. N’Jo Léa me demande d’être à Yaoundé pour le 20 mai 1985, date de la fête de l’indépendance. Je m’y rends, accompagné de ma femme Eva. Nous sommes accueillis par le ministre des Sports, Ibrahim Mbombo Njoya. »
Puis le Français est conduit dans une salle remplie d’une centaine de journalistes, et en entendant Njoya annoncer que Le Roy est nommé sélectionneur et Directeur technique national (DTN), celui-ci comprend qu’il est tombé dans un piège. « Ma femme a cru que j’avais accepté sans lui en avoir parlé. »
Avec les Lions, il deviendra champion d’Afrique en 1988, au Maroc, après avoir atteint la finale dans des conditions discutables deux ans plus tôt, en Égypte, contre les Pharaons. Et c’est au Cameroun que Le Roy, hostile à la présence des marabouts ou autres féticheurs lors des voyages de la sélection, hérite du surnom de « sorcier blond ».
Le vice caché du Sénégal
Quand il quitte le Cameroun en 1989, l’entraîneur reçoit plusieurs offres, dont celle du Sénégal, « un pays qui m’attirait depuis longtemps, pour sa culture et sa civilisation. »
Avec sa femme et ses deux filles, Le Roy est logé dans un hôtel de Dakar. Son épouse, qui cherche une maison pour toute la famille s’entend dire par un propriétaire d’une ville qu’il ne veut pas louer à l’État, lequel prend en charge le salaire du sélectionneur des Lions de la Teranga. L’attente durera huit mois, jusqu’à ce qu’un ancien marabout du maréchal Mobutu accepte de louer un logement à la famille venue de France. Le Roy apprécie la vie sociale dakaroise, « où je deviens proche des chanteurs Youssou N’dour et Ismaël Lo. »
Mais alors qu’il se projette sur la Coupe du monde 1990 en Italie, il apprend que la fédération sénégalaise n’a pas jugé utile d’inscrire la sélection nationale pour les qualifications ! « Le président de la fédération (FFS), Omar Seck, m’a avoué qu’on n’avait pas osé me le dire [lors de la signature du contrat]. On m’a expliqué que le Sénégal n’avait aucune chance de se qualifier, alors que je pensais le contraire. »
Le Roy insiste pour que la FFS demande à la FIFA de réintégrer le Sénégal. Sans succès. Le Français quittera Dakar après la CAN 1992 organisée par le Sénégal, où son équipe atteint les quarts de finale. Non sans avoir inspiré son attaquant Souleymane Sané, qui baptisera quelques années plus tard son fils Leroy, aujourd’hui joueur du Bayern Munich et international allemand, en hommage au coach français !
Kabila, des hauts et des bas
En 2004, Le Roy, est nommé sélectionneur de la RDC, « qui a un immense potentiel, à condition de mettre de l’ordre dans son organisation. » Joseph Kabila, alors tout jeune chef de l’État, est passionné de foot. « Il m’avait confié qu’il n’avait pas l’intention de s’accrocher au pouvoir. Je serai donc surpris de le voir rester à la présidence pendant plus de 18 ans… »
Lors du premier passage de Le Roy à ce poste, entre juillet 2004 et juin 2006, les relations entre les deux hommes sont bonnes. Kabila met les moyens pour que les Léopards ne manquent de rien. Lassé par l’attitude d’un ministre des Sports qu’il juge « inconséquent », Le Roy mettra un terme à son contrat quelques mois après un quart de finale de CAN perdu face à l’Égypte, sa bête noire.
Cinq ans plus tard, en 2011, alors qu’il doit quitter précipitamment la Syrie, où les prémices d’une guerre civile dévastatrice sont palpables, Le Roy est de nouveau approché par la RDC – une volonté de Kabila – et reprend les rênes de la sélection nationale.
Mais à la suite d’une brouille, qui perdure toujours, et dont il mettra du temps à connaître les raisons profondes, le président congolais se montrera beaucoup moins prompt à satisfaire les besoins de l’équipe. « Un soir, une femme vient à ma rencontre au Grand Hôtel, où je loge, elle dit qu’elle est camerounaise, et que son mari et elle admirent ce que je fais pour le foot africain, et qu’ils m’invitent à dîner. J’ai accepté », raconte-t-il. Sauf que le mari en question s’appelle Martin Fayulu, homme d’affaires congolais et accessoirement opposant au chef de l’État. Lequel, bien sûr, sera immédiatement informé de la présence du Français à ce dîner…
Retour au Congo
Quelques mois après quitté Kinshasa, Le Roy redécouvre Brazzaville et Pointe-Noire, où il s’installe. Son bilan sportif est bon, avec un quart de finale de CAN perdu en 2015 face… à la RD Congo (2-4).
Mais le Français, qui n’a jamais supporté les tentatives d’immixtions politiques – une grande spécialité africaine – dans ses décisions sportives, s’agace de l’attitude de l’entourage de Léon-Alfred Opimbat, le ministre des Sports, lequel a voulu renvoyer des joueurs après une défaite contre le Nigeria (0-2). « Le ministre, avec qui j’avais de bonnes relations, me créait des difficultés, il était trop dans l’émotion et diffusait du stress à l’équipe. », confie-t-il.
Le Roy décidera finalement de s’en aller en novembre 2015. Et rebondira au Togo dix mois plus tard.
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