Le 30 janvier dernier, l'ancien international sénégalais, Habib Bèye, a été nommé entraîneur du Stade Rennais. Sa première expérience en Ligue 1. Le Sénégalais a hérité d'une équipe en perdition, classée 16e et barragiste pour la relégation. En un mois et cinq matchs joués, l'ancien consultant de Canal+ a remporté quatre victoires pour une seule défaite, donnant de l'air aux Bretons, désormais 11e au classement, à 10 points des places européennes. Un premier bilan positif permis par quelques choix forts et un système de jeu plus à l'Anglaise qu'à la Française. Analyse.
Habib Bèye, "l'Anglais" de la Ligue 1
"Quand je suis arrivé en Angleterre, j'ai vu l'intensité du lundi au samedi. Je me suis régalé dans ce football. Si un jour j'entraîne, je veux le faire dans cette logique", déclarait Habib Bèye, il y a quelques années, lors d'un entretien sur CDS. En quelques semaines à la tête de Rennes, le Sénégalais a fait de son équipe une formation très intense. Fini la possession stérile, l'équipe d'Habib Bèye a moins le ballon, mais pique plus et mieux. Lors des cinq matchs du Sénégalais, Rennes affiche une moyenne de 48 % de possession. Si on enlève le match face à Reims, qui a été exclu dès la 5e mn de jeu (permettant à l'équipe de Bèye d'avoir une possession positive pour la première fois avant d'enchaîner face à Montpellier), la moyenne de Rennes baisse à 46 %. Un changement de paradigme, car Rennes, avant Habib Bèye, avait un jeu basé sur la possession du ballon. Lors des trois matchs qui ont précédé le Sénégalais, Rennes affichait une moyenne de 61 % de possession.
Son succès, pour le moment avec Rennes, Habib Bèye l'a basé sur un jeu assez vertical, basé sur des transitions rapides. Comme avec les équipes de Premier League, le Rennes d'aujourd'hui est box-to-box, avec d'abord une défense bien bâtie à 3, qui passe souvent à 5, puis avec jeu rapide, avec des contre-attaques dès que l'occasion se présente. Les attaques placées, aussi, sont devenues moins stériles. L'idée d'Habib Bèye, c'est d'attaquer efficacement. Un style de jeu qui lui réussit très bien pour le moment. Hors le non-match face à Lille, où Rennes a été dominé dans le jeu, les Bretons réussissent bien leur campagne avec le Sénégalais. Lors des quatre autres matchs, Rennes a marqué 8 buts, pour aucun encaissé.
Flexibilité tactique
Sur le plan tactique, Bèye aligne un système en 3-4-2-1, dont deux milieux défensifs et deux pistons. Mais la particularité de son système, ce sont les deux meneurs, en l'occurrence Moussa Al-Thamari et Ludovic Blas (ou Seko Fofana). Deux joueurs avec des rôles hybrides, capables, au cours du match, de se transformer en ailier, en milieu offensif ou souvent en attaquant de pointe de soutien (avec Al-Thamari). Ces deux joueurs permettent à Bèye d'avoir une flexibilité tactique pour défendre en surnombre, mais aussi pour diversifier les attaques, avec l'aide de ses pistons très offensifs (Truffert et Assignon). C'est le jeu de position très cher à Habib Bèye. En cours de match, le technicien sénégalais change fréquemment l'animation de son système de jeu. S'il a toujours commencé avec un système à 3, Bèye a tenté de s'adapter au déroulement des rencontres en faisant évoluer son équipe dans un système en 4-4-2 en losange.
Dans le choix des hommes, Habib Bèye a également pris des décisions fortes. La première, c'est la titularisation du jeune Djaoui Cissé. Le milieu de terrain de 21 ans n'avait pas encore joué cette saison avant l'arrivée de Bèye et ne comptait que cinq minutes cumulées durant sa carrière en Ligue 1. Dès son arrivée, Habib Bèye a fait de lui son titulaire dans l'entrejeu. Infatigable avec un gros volume de jeu et une bonne tenue du ballon, Cissé a été titulaire lors des cinq premiers matchs du technicien sénégalais, apportant toute son activité au milieu. Face à Montpellier, ce dimanche, il a, d'ailleurs, inscrit son tout premier but en Ligue 1, lors de la large victoire 4-0. L'autre bonne pioche de Rennes, dont Bèye compte énormément, est le défenseur central Jérémy Jacquet. Formé à Rennes et prêté à Clermont, il a été rappelé et lancé par le Sénégalais. Depuis, Jacquet explose et confirme dans l'élite ses bonnes performances en Ligue 2 lors de la première moitié de saison. Preuve que Habib Bèye sait également compter sur les jeunes et les faire progresser.
Rennes, une équipe perfectible
Mais tout n'est pas au point chez l'équipe de l'entraîneur sénégalais. Loin de là (et l'inverse aurait été plus surprenant). Malgré les bons résultats, dont le dernier 4-0 face au dernier, Montpellier, Rennes montre, par moments, qu'il est toujours une équipe malade. Face à Lille, Habib Bèye a été tactiquement surclassé par l'expérimenté Bruno Genesio. Dans le jeu (comme sur le résultat), son équipe n'a quasiment pas existé, s'inclinant logiquement 2-0 à domicile.
Face à Reims, les Rennais ont été grandement "aidés" par le carton rouge de Kipré dès la 5e mn de jeu, puis le penalty marqué par Kalimuendo quelques instants plus tard, mais les joueurs de Bèye ont eu tout le mal du monde pour forcer la faille face à une équipe à 10 pendant 85 minutes. A deux reprises, durant cette rencontre en supériorité, Rennes s'est joué à se faire peur en passant tout près d'une égalisation, dans des errements défensifs comme en font souvent les équipes en difficulté. Comme si l'équipe de l'ancien coach du Red Star se plaisait mieux à contre-attaquer qu'à créer du jeu face aux défenses recroquevillées.
Mais dans le football du haut niveau d'aujourd'hui, pour titiller les sommets - ce qui est l'objectif à long terme d'Habib Bèye - il faut savoir allier les deux, maîtriser toutes les possibilités pour s'adapter à toutes les circonstances d'un match. C'est ce qu'attend le public rennais, plus habitué à la première partie du tableau que la seconde. Ce qui explique d'ailleurs les sifflets lors de la victoire face à Reims. «?Je ne demande rien au public. Quand vous venez au stade, les gens paient leur place pour venir voir un spectacle et s’ils ne sont pas satisfaits, ils sont en droit de manifester comme ils l’ont fait. Je dis juste qu’en tant que coach, c’est difficile pour moi parce qu’il ne faut pas qu’on oublie d’où l’on vient. La satisfaction du moment, ce sont les résultats positifs. Pour avoir discuté avec certains de mes joueurs, ils m’ont dit : 'Coach, peut-être qu’il y a un mois, celui-là on ne le gagne pas. Il y a deux mois on peut même le perdre'», réagissait Habib Bèye.
Après ces critiques, Habib Bèye et ses hommes ont montré qu'ils savaient bien réagir. Face à Montpellier, bien que bon dernier de Ligue 1, Rennes a marqué 4 buts, la deuxième fois seulement que les Bretons réalisent une telle performance en Ligue 1 cette saison et la première fois à l'extérieur. Sur le plan défensif, ils ont réalisé un clean-sheet, même si Brice Samba a été très sollicité lors de ce match.
Mais Habib Bèye ne souhaite pas s'enflammer. Il sait d'où vient son équipe, barragiste pour la relégation, il y a encore un mois. "La fin du bal reste le 17 mai, il est hors de question de changer de discours, car cela voudrait dire que l’on oublierait d’où l’on vient et que l’on considérerait que tout est acquis. Ce n’est pas le cas, vous avez vu la première période", a-t-il réagi après le match à Montpellier, évoquant la difficile première période de ses hommes.
Le temps, certainement, permettra à l'entraîneur sénégalais de s'affiner et de perfectionner son équipe. Sa très bonne connaissance du jeu et son passé de consultant lui seront nécessaires pour toujours bien s'autodiagnostiquer et évoluer. Les 3 prochains matchs seront également un vrai test pour Bèye, avec la réception du PSG, puis le voyage à Lens et à Angers. Un enchaînement de matchs qui pourrait rappeler les démons du début de saison des Rennais ou, définitivement, faire entrer l'équipe d'Habib Bèye dans une tout autre dimension.
3 Commentaires
Défenseur
il y a 1 jour (15:31 PM)Défenseur
il y a 1 jour (15:31 PM)Participer à la Discussion