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Politique

L’opposition face aux « huit ans de dérives » de Wade : Le temps des comptes à régler

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L’opposition face aux « huit ans de dérives » de Wade : Le temps des comptes à régler

Abdoul Aziz Diop est diplômé de l’Ecole doctorale régionale africaine de Droit et de Science politique de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, chargé de Cours à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic) de Dakar, auteur du livre «Sarkozy au Sénégal, une réflexion sur le discours du 26 juillet 2007». Au milieu de l’euphorie générale sur fond d’un enthousiasme débordant, suscité par l’avènement de l’alternance en mars 2001 et le référendum de janvier 2001 pour une nouvelle Constitution qui sanctifie un présidentialisme outrancier, il fait partie des rares intellectuels sénégalais à s’être dressés pour choisir la République. Un choix qui n’a subi aucune ride et qui fait qu’il s’oppose farouchement à une dévolution monarchique du pouvoir par Wade. Un combat qui, selon M. Diop, interpelle l’opposition obligée de faire face et qui devra avoir une culture de la guérilla urbaine, comme naguère l’actuel locataire du Palais.

Vous êtes un des observateurs attentifs de la marche et des actions de l’opposition, depuis bientôt neuf ans. Même si on ne peut pas prétendre, en cette circonstance, faire un bilan exhaustif, quelle lecture faites-vous succinctement de cette marche et de ces actions ?

 Globalement, il semble que l’opposition sénégalaise n’ait pas une culture de guérilla urbaine, comme ce fut le cas avant février et mars 2000. Avant l’alternance survenue le 19 mars 2000, Abdoulaye Wade avait, quelque part dans son action, une certaine culture de guérilla urbaine. Dans son entendement, pour bouter dehors le Parti socialiste, il lui fallait parfois investir la rue et permettre à ses partisans, puisqu’ils investissent la rue, de se faire entendre car les créneaux dans lesquels l’opposition d’alors pouvait être entendue n’étaient pas, à son sens, porteurs pour une possible conquête du pouvoir. Il semble que l’opposition sénégalaise actuelle, dix ans après l’avènement de l’alternance, n’ait toujours pas épousé cette culture de guérilla. Elle semble avoir adhéré, après mars 2000, à une nouvelle donne. Je suis de ceux qui croient que l’opposition sénégalaise, après mars-février 2000, et le Parti socialiste en tête, avait la conviction qu’un modèle sénégalais était en construction et qu’au lieu de s’y opposer, il fallait mieux l’accompagner. La preuve : le Parti socialiste, qui n’avait encore pas ruminé sa défaite, avait quand même appelé à voter «oui» au référendum ratifiant la Constitution de janvier 2001. Cela veut dire qu’il y avait une adhésion, même tacite, du Parti socialiste défait, à un modèle qu’il pensait être en construction.
Aujourd’hui, l’opposition est obligée, dix ans après avoir adopté cette posture, de faire le bilan de son action face à un régime qui se radicalise et qui ne semble pas avoir tourné le dos aux dérives ayant caractérisé le pouvoir actuel, les premiers mois, ensuite les années suivantes. De deux choses l’une : ou l’opposition se montre capable d’une guérilla urbaine qui ne dégénère pas, en s’opposant énergiquement aux dérives du pouvoir, ou elle garde cette posture républicaine et, dans ce cas, sera obligée de communiquer avec les Sénégalais, d’adopter une pédagogie envers eux pour les amener à adhérer à un programme alternatif aux dérives auxquelles nous assistons.

Voudriez-vous dire alors que l’opposition est ankylosée par le fait qu’elle n’a pas été capable de choisir ni l’un ni l’autre ?

Oui, l’opposition n’a choisi, en définitive, ni l’un ni l’autre. C’est la raison pour laquelle elle a boycotté les législatives ; un boycott naturellement qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Je suis de ceux qui croient que ce boycott était justifié, parce qu’on peut être en désaccord sur tout dans une démocratie, sauf sur le processus électoral. Dès qu’il y a désaccord sur le processus électoral et rupture de consensus sur la manière pour les citoyens de choisir leurs dirigeants, il y a blocage ; donc, il n’y a plus démocratie. Donc fonder un boycott des élections législatives sur le défaut de consensus en matière électorale me semble recevable.
Pour n’avoir adopté ni la posture de guérilla urbaine ni celle d’une communication tous azimuts en direction des Sénégalais pour mettre en forme une pédagogie recevable, l’opposition est allée aux Assises. Elle s’est sentie seule à un certain moment donné, puisqu’elle n’était pas suivie, pas comprise dans la démarche qui est la sienne. Alors l’opposition a appelé la société civile, le patronat, les syndicats et les particuliers de toutes les couches socioprofessionnelles, à des Assises nationales. La démarche n’est pas mauvaise en soi. Encore faut-il que l’opposition, au bilan, dix ans après, sache quoi faire des résultats de ces Assises-là.

N’y a-t-il pas quand même une sorte de lumière qui pointe, si on observe aujourd’hui la radicalisation au niveau de l’opposition, même si c’est de manière générale, sous l’impulsion de sa frange juvénile ?

Wade sait parfaitement de quoi l’opposition sénégalaise est capable. De même que celle-ci sait de quoi il est capable. On prête à Abdoulaye Wade d’avoir tenu des propos du genre : «Je ne transigerai pas sur ma succession.» Ce qui veut dire, dans la tête de Abdoulaye Wade, que de toutes les façons, du fait d’un charisme qu’il autoproclame, il imposera son fils aux Sénégalais. Wade aurait tenu ces propos-là à l’étranger. Si l’opposition a eu vent de tels propos antidémocratiques, anti-républicains, qui ne correspondent à aucune de nos traditions démocratiques, elle est obligée de se radicaliser pour lui faire face. Il y a quelque chose sur laquelle il n’y a pas de concession possible : le caractère républicain de l’Etat du Sénégal. C’est l’une des dispositions de notre Constitution qui ne peut faire l’objet d’aucune révision. Si la succession devait se passer autrement que dans un cadre démocratique, si un désordre constitutionnel devait favoriser cette succession de père en fils, l’opposition n’a d’autre option, avec les démocrates et patriotes de ce pays, que faire face à Wade qui leur aura déclaré la guerre et qu’ils seront obligés de faire.

Justement, par rapport à cette succession, l’alternative pour l’opposition consiste-t-elle, pour le moment, à avoir tout juste une posture d’indignation par rapport à la perception de cet agenda du Président Wade ? Ou bien y a-t-il des formes et des stratégies que l’opposition doit pouvoir déjà mettre en place pour montrer que, de toutes les façons, elle n’avalisera pas l’intention du président de la République ?

Je crois que l’opposition en est consciente : Abdoulaye Wade se moque éperdument d’une indignation quelle que soit la source. L’indignation, les beaux articles de journaux, les éditoriaux enflammés n’arrêteront pas Wade. Cet homme est persuadé que lorsque le pouvoir lui échappera et qu’il n’a pas la possibilité de le contrôler à distance, il ne sera plus jamais rien. Il n’accepte pas de quitter avec la conviction qu’il n’est plus rien, dès l’instant qu’il remet le pouvoir. A partir de cet instant-là, l’opposition ne peut pas se contenter d’indignation ; elle ne peut pas non plus se contenter de dire que le principal concerné, Karim Wade, ne s’est toujours pas prononcé sur la question. En politique, comme disait Franklin Roosevelt, «tout ce qui se passe en politique n’est pas fortuit» ; tout est calculé, programmé. Ce qui se dit, concernant la succession de Abdoulaye Wade, est sans doute quelque chose de programmé contre laquelle, il ne suffit pas de s’indigner, à laquelle il faut s’opposer avec la même conviction.

Pensez-vous que l’opposition a objectivement les moyens et les atouts de faire face à une telle situation ?

L’opposition a les moyens et les atouts de faire face à une telle situation pour une raison très simple : elle a réussi à cristalliser le plus grand nombre autour des Assises nationales. J’ai personnellement pris part à ces Assises au niveau national et départemental. Dimanche dernier (l’entretien s’est déroulé dimanche 30 novembre 2008 : Ndlr), j’étais à Tivaoune où j’ai pris part aux consultations citoyennes. Il n’y a pas une seule localité du département qui n’a pas été représentée. Celles et ceux qui ont représenté les différentes localités du département ont exprimé leur ras-le-bol et dit leurs doléances, à quoi ils s’attendaient, une fois qu’on arrivera aux conclusions de ces Assises. Donc, cette chance qu’a l’opposition de cristalliser les Sénégalaises et les Sénégalais autour d’une réflexion sur ce que se sera l’avenir de ce pays, sur une projection sur un quart de siècle, lui donne les coudées franches, pour faire prospérer cette pédagogie vers une organisation, afin d’affronter ceux qui veulent faire dériver notre République.  

Est-ce qu’il n’y a pas des facteurs endogènes qui peuvent être des entraves à la volonté du président de la République de se faire succéder par son fils ? Pensez-vous que les hommes de la «Génération du concret» peuvent porter le projet du président de la République ?

Karim Wade, Abdoulaye Baldé et toutes les personnes pour la plupart insignifiantes qui gravitent autour de la «Génération du concret» ne disposent d’aucun atout intellectuel, moral, leur permettant d’organiser un mouvement politique capable de convaincre selon les rouages par lesquels on peut convaincre en politique. Dans un cadre démocratique et dans un débat contradictoire, il n’y a aucun, à commencer par Karim Wade, qui puisse porter un projet recevable pour les citoyens sénégalais. Cela n’existe pas dans la «Génération du concret». A partir de cet instant-là, ce dont nous devons tous nous persuader, c’est que cette «Génération du concret» ne peut profiter que d’un désordre constitutionnel. On tripote la Constitution, en ayant la garantie que l’actuel président de l’Assemblée nationale et l’actuel président du Sénat marcheront dans tous les cas. C’est la première possibilité qui s’offre à Wade. La seconde, c’est d’organiser des élections qui, de toutes les façons, ne seront ni régulières ni transparentes. Donc, quel que soit le schéma retenu par Abdoulaye Wade, la «Génération du concret» est hors-jeu. Elle ne correspond à aucune trajectoire politique, du point de vue historique, au Sénégal. A partir de cet instant, ils (Ndlr : les tenants de la «Génération du concret») sont disqualifiés. Je ne vois pas dans la «Génération du concret» l’émergence d’un mouvement politique capable de porter et de défendre un projet et de le faire triompher, autrement que par un désordre constitutionnel ou par un coup de force lors d’un simulacre électoral.

Au-delà de la «Génération du concret», il y a le Parti démocratique sénégalais. Pensez-vous que ce parti reste toujours, et eu égard à ce que l’on a vécu, une machine apte à faire triompher Wade ou son candidat ?

Ne perdons pas de vue une chose : le Parti démocratique sénégalais (Pds) est au pouvoir et donc dispose de la rente, à condition que Wade accepte de la mettre à sa disposition. On sait comment ça marche en Afrique : le parti au pouvoir utilise la logistique et les moyens de l’Etat pour asseoir sa politique, essaimer et conserver le pouvoir. Donc, le Pds, pour se maintenir au pouvoir, ne lésinera pas sur les moyens. Il n’y a pas de doute là-dessus. Est-ce que le Pds est capable de porter Wade ou un autre candidat ? A condition que celles ou ceux qui ont fait ce parti, qui l’ont accompagné jusqu’au pouvoir, continuent à jouer un rôle de premier plan. Pour une raison très simple : ils bénéficient d’une légitimité dont ne bénéficie aucun membre de la «Génération du concret». Donc, si Wade veut laisser à ceux qui sont allés avec lui, fait la prison avec lui, qui ont réussi à débouter le Ps du pouvoir, l’héritage d’un parti viable, capable de tenir la dragée haute à un courant socialiste de gauche, à partir de ce moment, aucun des ténors du Pds ne doit accepter qu’une «Génération du concret» joue le trouble-fête.

Le problème qui se pose, c’est qu’au niveau de ce parti, les ténors qui ont accompagné Abdoulaye Wade et qui sont capables de porter son héritage sont victimes de plus en plus de procédés consistant à les écarter, comme c’était le cas de Idrissa Seck et aujourd’hui celui de Macky Sall ? Le Pds peut-il survivre en se livrant à ces «petits massacres politiques» ?

Il ne fait aucun doute que Wade n’accepte pas qu’un jeune qu’il a formé, qui a connu la politique grâce à lui, à qui il a confié certaines responsabilités au sein du parti et de l’Etat, et qui ne s’appelle pas Karim Wade, puisse lui succéder par le truchement d’une voie démocratique incontestable. Ce n’est pas son projet. Alors, dans ce jeu interne au parti, avec comme satellites la «Génération du concret» et des courants qui sont en train de se former au sein du Pds, il ne faut pas perdre de vue une chose : dans ce débat, les Sénégalaises et les Sénégalais sont partie prenante. Par conséquent, il arrivera un moment où, puisque la souveraineté en dernier ressort incombe au peuple, ce dernier prendra ses responsabilités. Lorsque les Sénégalaises et les Sénégalais se rendront compte que le modèle en construction est totalement déconstruit et que l’on ne peut plus compter sur le Pds pour tenir la dragée haute à un courant socialiste de gauche, ils prendront leurs responsabilités pour recouvrer leur souveraineté qui, en dernier ressort, leur incombe.

Considérez-vous le fait que Macky Sall soit sorti du Pds et qu’il ne se réclame plus d’un courant libéral, pour être ouvert à toutes les forces de l’opposition, que cela change la donne au Pds et dans le processus de succession ?

La manière dont Macky Sall a été chassé du Perchoir de l’Assemblée nationale montre qu’il n’a pas d’autre choix que de s’opposer à ceux qui ont provoqué cette situation à la tête de laquelle se trouve le Président Wade. Si Macky Sall considère que, désormais, il n’a pas d’autre choix que de s’opposer à une succession de nature monarchique aux Sénégalais, il sera obligé de renforcer le camp des démocrates et patriotiques. Je ne dis même pas le camp de l’opposition, celui du Front Siggil Senegaal, mais celui des patriotes et des démocrates. Macky Sall a plus d’avenir, après avoir démissionné de toutes ses fonctions électives, dans le renforcement du camp des démocrates et des patriotes au Sénégal que dans une autre démarche.

Par rapport à tout cela, pensez-vous qu’il soit opportun et pertinent de poser, dans le contexte actuel, la question du leadership au niveau de l’opposition ?

La question du leadership, dans la situation actuelle du pays, est un débat qui n’est pas porteur pour les Sénégalais. Il faut que l’opposition se rendre compte d’une chose : qu’est-ce qui prime entre l’intérêt du Sénégal, son devenir et celui des individus qui s’agitent en son sein ? Il n’y a pas de choix possible entre ce que doit être l’avenir du Sénégal dans le contexte actuel de crises tous azimuts.  Au plan politique, il n’y a plus de consensus politique. Au plan économique, la dette intérieure montre que l’Etat n’a pas les coudées franches pour accompagner l’économie nationale. Au plan  social, la cherté de la vie ne permet à aucun ménage de lever la tête. Et au plan culturel, tout s’est effondré au bénéfice de capitales comme Bamako ou Ouagadougou.
  Dans un contexte où tout est à refaire et à recommencer sur tous les plans, où la démocratie sénégalaise est obligée de renaître sur ses cendres, poser la question du leadership, c’est simplement tourner le dos aux Sénégalais. J’ai l’habitude de dire que le Sénégal est mal aimé. Pour que le Sénégal soit bien aimé, il faut que l’opposition qui a réussi à cristalliser la société civile, les syndicats, le patronat autour d’une nouvelle manière de penser la politique et de conduire le développement de notre pays, dépasse ces clivages qui lui sont internes, pour enfin de compte, au nom du rassemblement des citoyens, recouvrer notre souveraineté mise en cause par les dérives générales. Il faut qu’il abandonne ce débat, le mette en veilleuse. De toutes les façons, si le projet  porté par l’opposition est viable, si les Sénégalais sont prêts à se mobiliser autour des conclusions des Assises, ils feront porter ces conclusions-là à une Sénégalaise ou à un Sénégalais. Ils ont montré dans l’histoire qu’ils en sont capables.

L’enjeu électoral aujourd’hui le plus imminent, ce sont les Locales. L’opposition a annoncé qu’elle y ira sur une liste unique. Quelle est la pertinence d’une telle démarche ? Qu’en est-il de sa faisabilité ?

Si on devait hiérarchiser l’importance des élections, on mettrait les Locales en tête, les Législatives ensuite et l’élection présidentielle viendra en troisième position. Il se trouve, malheureusement, que nous sommes en régime présidentialiste et la clef de voûte de nos institutions est le président de la République. Mais au-delà, il n’y a pas élection plus importante que les Locales. Si l’opposition accepte d’y aller d’une même voix, cela veut dire que le débat sur le leadership est un faux débat, parce que l’enjeu l’oblige à ne pas y aller de manière dispersée. Pour une raison très simple : une assise locale donne des coudées franches à une opposition qui bénéficie, désormais, d’une caution intellectuelle dont on tire la quintessence des conclusions des Assises. Cette opposition, qui a un soubassement intellectuel du fait des conclusions des Assises et qui va à des Locales, pas en ordre dispersé, pour obliger le pouvoir à des élections régulières et transparentes, a tort de débattre de leadership. De toutes les façons, à l’issue de ces élections, le peuple sera à même de dire qui va porter les conclusions sorties des Assises.

Du point de vue même de l’analyse prospective, à l’élection présidentielle de 2012 ou même avant, serait-il même pertinent de poser le problème de leadership de l’opposition en termes de candidature unique ?

Au Sénégal, le problème, c’est ce que tout le monde dit : on n’est d’accord sur rien. Mais, il ressort d’une analyse, sur une assez longue période de 2000 à 2008, que le seul consensus politique qui existe au Sénégal est relatif au meilleur régime. Qu’il s’agisse de Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Madior Diouf, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Massène Niang, Momar Sambe, tous les partis qui se cristallisaient autour du Front Siggil Senegaal, quand on traque les discours de ces ténors entre 2000 et 2008, on s’aperçoit qu’ils adhèrent tous à un régime parlementaire. Autrement dit, ils veulent donner des coudées franches au Parlement et empêcher le président de la République de disposer de pouvoirs exorbitants lui permettant même de décider de la vie de chacun d’entre nous. Bien que Wade soit le chef de file d’un régime présidentialiste fort, implacable, n’oublions pas que dans le programme pour un gouvernement de transition, suite à la victoire du 19 mars 2000, il avait opté pour un régime parlementaire. Il l’avait écrit dans la préface au programme de gouvernement de transition. Si on cherchait au Sénégal un consensus politique fort, l’unanimité, c’est qu’il faut accroître le pouvoir du Parlement et dessaisir le président de la République de certaines prérogatives qui empêchent le pays d’avancer. A partir du moment où le pouvoir est au Parlement, pourquoi chacun voudrait-il être le président du Sénégal ? Donc, le débat sur qui va être le président n’est pas pertinent. Si le parlementarisme est triomphant chez chacun d’entre eux, le débat de fond concerne le contrôle de l’Assemblée nationale ?

Pourquoi le débat sur le leadership de l’opposition se pose souvent à la proximité d’une échéance électorale ? Est-ce un débat manipulé pour disperser l’opposition, pour semer la confusion ?

 Wade ne permettra jamais à l’opposition de s’organiser ; il fera tout ce dont il est capable pour l’en empêcher. Il sait qu’une opposition réunie autour de l’Afp et du Ps est capable de le battre à des élections régulières et transparentes. C’est la raison pour laquelle il a tout fait pour s’opposer au développement de la fameuse alliance Jamm-Ji qui réunissait Rewmi de Idrissa Seck, le Parti socialiste, la Ld/Mpt et tous les autres partis qui en étaient membres. Il a tout fait pour déstabiliser cette alliance qui pouvait lui ravir l’Assemblée nationale. Il appartient à l’opposition d’en prendre acte et de s’organiser en conséquence. Cela veut dire que si l’intérêt du Sénégal est la préoccupation de chacun d’entre eux, ils trouveront parmi eux celle ou celui qui peut porter, en définitive, les conclusions des Assises. C’est sur ces conclusions qu’ils vont enfin se retrouver. S’ils se retrouvent sur les conclusions des Assises, pourquoi n’accepteraient-ils pas qu’un homme ou une femme porte ces conclusions ?

Vous avez assisté aux consultations citoyennes des Assises nationales. Tout le monde s’interroge sur quoi vont déboucher ces Assises ?

J’ai personnellement participé au niveau national et j’ai contribué à animer la Commission «Institutions, libertés et citoyenneté». J’ai eu la charge, avec Aïssata Tall Sall du Parti socialiste, de rédiger le Rapport de la sous-commission «Le système démocratique sénégalais». Les conclusions auxquelles cette commission est parvenue sont consensuelles sur ce que pourrait être un modèle démocratique au Sénégal. Il en est de même au niveau des consultations citoyennes. Au niveau départemental, toutes les localités se cristallisent autour du chef-lieu du département pour fédérer les doléances et les consigner dans un Rapport destiné à la région et qui doit arriver au niveau national. Donc, les Assises nationales, incontestablement, vont déboucher sur des conclusions quant à une meilleure manière de gérer le Sénégal sur les plans politique, économique, social et culturel. Ces conclusions seront portées à la connaissance des Sénégalais. Il faudra donc communiquer pour qu’ils portent ces conclusions. Si les Sénégalais les portent, leur avancée sera irrésistible.

Vous aviez écrit un livre intitulé, Nous avons choisi la République. Aujourd’hui êtes-vous plus que jamais dans ce choix ou y’a-t-il quelque chose que vous seriez tenté d’en réviser ?

Nous choisissons plus que jamais la République. Quand Wade a prêté serment le 3 avril 2000, le 21 avril 2000, j’ai publié dans Walfadjiri une tribune intitulée De l’attentisme de Diouf au sectarisme de Wade. Le sectarisme de Wade s’appuie sur une «confrérisation» de notre société ; autrement dit, distiller dans l’imaginerie communautaire mouride la dévolution du pouvoir à un clan. Voilà pourquoi, très tôt, nous nous sommes soulevés contre cette idée fausse, d’ailleurs qu’aucun membre de la prestigieuse communauté mouride n’a endossée et n’endosse aujourd’hui pour dire : «Plus que jamais, nous avons choisi la République.» Ce choix réitéré correspond à nos textes fondamentaux depuis l’indépendance. Depuis l’indépendance, le caractère républicain de l’Etat du Sénégal ne peut faire l’objet d’aucune révision. Nous avons choisi la République ; c’est pourquoi nous adhérerons à tout mouvement, y compris à un mouvement insurrectionnel, contre une dévolution monarchique du pouvoir de père en fils. Ce qui n’est pas acceptable dans la République théocratique léboue, sous la haute figure de Thierno Souleymane Baal, ne peut pas l’être au 21e siècle au Sénégal.



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