ADAM NDIAYE, PREMIERE FILLE APPRENTIE CAR RAPIDE
« Je pratique ce métier pour soutenir mon père »
21/09/2014
La toute première fille apprentie car rapide ! Notre reporter Ousseynou Wade est allé à sa rencontre pour mieux la faire connaître, pourquoi elle exerce ce métier qu’on croyait être l’apanage des jeunes garçons désinvoltes, dépenaillés, fumeurs de yaba - pour certains – etc. Oui, il faut être une femme au caractère bien trempé et en vouloir vraiment pour s’essayer dans cette activité de receveur de ces cars rapides folkloriques, brinquebalants, tortillards incontournables dans le transport en commun à Dakar… Elle s’appelle Adam Ndiaye et son choix pour respectable qu’il soit n’en est pas moins original, casse-cou…
Une femme sur le marchepied d’un car rapide, officiant comme apprentie n’est pas une image courante. Le marchepied d’un car rapide est donc une nouvelle conquête féminine assimilable au premier pas de l’homme sur la lune. Cette demoiselle n’est seulement pas apprentie, elle est élève à l’Acapes des Parcelles Assainies. Adam doit faire la classe de terminale L’1 à la prochaine rentrée scolaire 2014-2015. Ce n’est surtout pas un besoin d’argent qui la pousse dans cette activité. Mais, une volonté inébranlable de soutenir son père, un chauffeur qui trime dur sans voir le bout du tunnel.*
La jeune fille, apprentie car pendant les vacances, a d’autres ambitions. Elle veut, dans un avenir proche, devenir journaliste ou professeur de Lettres ou d’histoire et de géographie. Adam, très relax se dit prête à braver la mer s’il le faut pour servir ou voler au secours de son père qu’elle aime tant. Entretien…
Grand-Place : Pourquoi parmi tant d’autres activités, avez-vous choisi apprentie car rapide ?
Adam NDIAYE : Pour être claire, je pratique de cette activité juste pour soutenir mon père qui souffre énormément. Il peine à voir le bout du tunnel. J’ai pitié de lui. C’est pourquoi, en période de vacances, je prends mon courage à deux mains pour l’aider. Parce que, tout simplement, les apprentis qu’il paye au quotidien ne lui donnent pas souvent un versement correct des recettes journalières. Même en dehors des grandes vacances, je l’accompagne. Le plus souvent pendant les autres fêtes scolaires, telles Noël, Pâques et autres, je suis toujours derrière lui. Je suis très consciente que les études sont, pour ainsi dire, jalouses, parce que pour y réussir, il faut s’y consacrer à fond. Mais, Dieu merci, je m’en sors bien. Il suffit juste de savoir s’y prendre.
Quelle relation entretenez-vous avec votre père à tel point de vouloir à tout prix être à ses côtés ?
Mon père, c’est mon ami. On est très proches. Sérieusement, ce n’est pas les mêmes sentiments qu’avec ma mère. Je ne regrette pas de l’accompagner dans son travail. Je trouve injuste ce qu’il est en train de vivre avec les autres apprentis. Cette façon de faire des apprentis m’a révoltée. Et, je me dis que je dois faire quelque chose, en fonction de ma disponibilité pour amoindrir ses souffrances. Vraiment, mon père souffre de son activité de chauffeur.
Quels sentiments vous éprouvez sur le marchepied du car rapide ?
Sérieusement, des fois j’éprouve un sentiment de fierté. Surtout quand j’encaisse ou montre les arrêts aux passagers. Je n’ai jamais appris à collecter les "paas". Je me dis dans ma tête que tout ce que font les hommes, il suffit d’une petite volonté aux femmes pour le faire. C’est cet idéal qui fait que quand je pratique ce métier. quand je suis en activité, rien ne me distrait ; je me concentre à l’essentiel. Ce n’est pas parce que je veux devenir chauffeur. Je suis une femme très consciente des risques du métier de chauffeur.
Ailleurs, dans ce métier, les frères apprentis cherchent souvent à t’intimider aux arrêts. C’est juste une façon pour eux de te distraire pour prendre les passagers. Ils te disent « qu’est ce qu’une femme fait dans ce métier ? ». Mais, je reste zen. Je me dis toujours que ce que je fais, c’est pour mon père. Heureusement qu’il me déconseille de polémiquer avec toute personne. De plus, je ne suis pas belliqueuse.
Comment vous faites de l’appréciation des clients ?
L’appréciation des passagers ne me perturbe pas. Parfois, ils ont une lecture négative, un regard vexant. Mais, je me dis qu’ils n’ont pas compris mes motivations. Ils ne peuvent pas comprendre que ce n’est pas un besoin de liberté qui m’a poussée à faire ce métier. Moi, je veux aider mon père. Et, il se trouve qu’avec mon statut d’élève, autre que ce que je suis en train de faire, je ne peux offrir rien d’autre à mon père pour contribuer à l’allègement de sa souffrance dans ses activités. Le reste ne me dérange pas. Je ne suis pas non plus dans ce métier pour gagner de l’argent.
Comment votre père se comporte d’habitude avec vous ?
J’adore mon père. Il est un modèle pour moi, un complice. Papa supporte bien sa vie de chauffeur. Il est modeste, simple, très sympathique. Son livre de Coran lui suffit largement quand il prend sa pause. Il a toujours ce livre saint entre les mains à la maison. C’est quelqu’un qui aime aussi partager. Il n’a pas assez de revenus.
Mais, lorsqu’il est sollicité, il n’hésite pas à donner des efforts pour donner satisfaction. J’aimerais être comme lui, avoir un cœur large comme le sien, et être d’une générosité comme la sienne. Il reste et demeure mon modèle. Chaque fois, il me prodigue des conseils, les meilleurs au monde pour m’aider à avoir une approche plus claire des dures réalités de la vie. Papa ne cesse de dire, donner du respect aux aînés, travailler pour rester autonome. Eviter d’être dépendante de quoi que ce soit. Les fréquentations n’en parlent pas. Je n’ai qu’une seule amie que Papa connaît bien. Mon souhait est de l’offrir un titre de voyage à la Mecque. Mais aussi, un car en bon état. Papa aime son travail. Même réussi, je ne veux pas lui priver de ses vieux amours du transport.
PORTRAIT ADAM NDIAYE, APPRENTIE "CAR RAPIDE"
« La témérité mène à tout »
L’audace, la témérité et l’originalité dans les options mène à tout. La bravoure qui l’accompagne propulse des personnes engagées à gravir les échelons d’une vie tortueuse. Il est de même pour l’amour ressenti auprès des êtres chers. Cette motivation qui s’y dégage permet de gravir le sommet des montagnes pour décrocher la lune, s’il le faut. Adam Ndiaye, cette jeune fille de 19 ans, apprentie car rapide à ses heures perdues est une battante des temps modernes. Cette fille de teint clair, à la fleur de l’âge est une parfaite illustration de la bravoure féminine.
Adam Ndiaye, la brave fille de Badara, a choisi de plonger dans une activité jusque-là entre les mains des jeunes hommes. Être apprenti chauffeur n’est pas donné à qui veut. Et pourtant Adam, malgré son jeune âge, s’y essaye. Étonnant, mais vrai ! Adam n’est pas seulement apprentie ; elle est une élève à l’Acapes des Parcelles Assainies. En plus, elle doit préparer son baccalauréat, série L’1 de l’année 2014-2015. Mais au moment où les enfants des nantis prennent les avions pour des vacances en Europe, elle, consciente de la situation de ses parents, a préféré gravir le marchepied du car rapide de son papa de chauffeur. Une façon manifeste pour elle de montrer sa volonté de soutenir son père.
Cette native de Kaolack supporte mal la souffrance de son père qui trime péniblement pour joindre les deux bouts. Ainsi, elle a troqué ses moments de loisir, de distraction pour être utile à son pater. « J’ai pitié de mon père. Il travaille dure pour revenir toujours à la maison abattu. J’ai constaté qu’il se plaint des apprentis. Ces derniers qu’il paye ne lui donnent pas satisfaction après ses multiples rotations entre Dior et Dakar centre. Il peine à retrouver l’intégralité de ses recettes quotidiennes », regrette-t-elle.
Adam qui reconnaît que les études sont jalouses exige de sa personne une volonté double pour résister à ses options. Cette brave fille à la taille moyenne, assise sur ses 1 m 68, très élégante et bien à l’aise dans son accoutrement taillé sur mesure, garde la tête sur ses épaules.
A 13 h, le soleil darde ses rayons. Une chaleur intense faisant suffoquer certains qui cherchent à trouver refuge à l’ombre des bâtiments qui bordent la Vdn. Jean noir, body vert clair, montre en bracelet à la main, Adam la Kaolackoise, très souriante et ouverte d’esprit, affiche une sérénité qui dégage une forte personnalité. Sa façon de parler démontre qu’elle est bien conscientisée sur son existence de femme.
Cette apprentie est loin d’être une fille "bling-bling" qui croque la vie à pleines dents. Adam partage tout avec son père, son complice de tous les jours, qui ne cesse de lui prodiguer des conseils. De bons et valeureux conseils. Une façon pour le père de motiver sa fille à surpasser honnêtement ses limites de femme. L’unique option qui fait qu’elle use de manière utile ses heures de récréation. Souvent, dit-elle, si ce n’est pas l’école ou le car rapide, elle travaille aux salons de coiffure. Quelle volonté !
Ailleurs, Adam avec sa dentition forte, d’une clarté sans défaillance, rare d’un originaire de Kaolack, très relax, dévore à la lettre les instructions de son père. « Mon père est un modèle pour moi. Je le regarde avec un amour infini. Il est très généreux. C’est le meilleur des papa », s’enorgueillit-elle.
L’apprentie car rapide, arborant son greffage habituel, se dit prête à braver la mer pour donner satisfaction à son père. Pour preuve, dès l’appel de papa, elle a tout laissé pour le rejoindre.
Devant nous, elle a demandé à son père l’autorisation de parler ; son père n’y voit pas d’inconvénient. L’accord obtenu, elle commence à se prêter à nos questions. Adam, l’air jovial, n’est pas en terrain inconnu, elle sympathisait, dès son arrivée, avec ses collègues apprentis, ainsi qu’avec les mécaniciens qui réparent le car de son père chauffeur.
La demoiselle, qui rêve de devenir journaliste ou, à défaut professeur de Lettres ou d’histoire et géographie, n’est apprentie que pendant les vacances et les fêtes scolaires, telles, Pâque, Noël etc. Dans ses œuvres, elle s’évertue à devenir autonome afin d’offrir à l’avenir des titres de voyage à La Mecque à son père et à sa mère. Son rêve exclusif, pour son père, serait de lui offrir une maison, lui payer un car rapide en bon état. « J’offrirais à papa un car en état, si jamais j’en ai les moyens. Il aime travailler et s’épanouit mieux dans ce métier », apprécie-t-elle.
Grand-Place
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