Il était l’une des dernières reliques de l’ère Bouteflika, dont le départ constituait l’une des principales revendications des manifestations de rue. Noureddine Bedoui, 59 ans, Premier ministre depuis le 11 mars dernier, a présenté jeudi 19 décembre sa démission, dans la foulée de l’investiture d’Abdelmadjid Tebboune comme nouveau président de la République.
Le Premier ministre s’est rendu en début d’après-midi au siège de la présidence pour en informer le nouveau locataire du Palais d’El Mouradia. Tebboune, qui a prêté serment en fin de matinée, a accepté la démission. Certains membres du gouvernement ont été maintenus pour gérer les affaires courantes – ce n’est cependant pas le cas du ministre de l’Intérieur, Salah Eddine Dahmoune, dont les propos sur le Hirak ont récemment suscité la polémique.
L’intérim confié à Sabri Boukadoum
À peine élu jeudi 12 décembre, le nouveau chef de l’État a entamé des démarches, directement ou via des émissaires, pour choisir l’homme qui devra diriger son futur gouvernement. Selon nos informations, Abdelmadjid Tebboune est plutôt favorable à un homme sans grandes attaches partisanes, dont le profil pourrait faire consensus aussi bien auprès de la classe politique que parmi ceux qui contestent son élection et remettent en cause sa légitimité.
La formation de la nouvelle équipe devrait intervenir dans le courant de la semaine prochaine
Diplomate, ancien ambassadeur et ex-Représentant permanent de l’Algérie à l’ONU, Sabri Boukadoum, 61 ans, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Bedoui, a été chargé d’assurer l’intérim de ce dernier. D’après l’entourage du président, la formation de la nouvelle équipe devrait intervenir dans le courant de la semaine prochaine.
Proche de la famille Bouteflika
Diplômé de l’ENA, Bedoui a effectué l’essentiel de sa carrière dans le corps préfectoral, avant d’être promu en septembre 2013 comme ministre de la Formation et de l’enseignement professionnels, puis comme ministre de l’Intérieur en mai 2014. À la tête de ce département, il s’est notamment illustré par les répressions violentes des manifestations des médecins résidents, des étudiants en pharmacie ou encore des retraités de l’armée. Il a également été accusé par les partis de l’opposition d’avoir été l’un des artisans de la fraude électorale au profit des partis de l’alliance présidentielle FLN-RND lors des législatives de 2017.
Très proche de Nacer Bouteflika, frère du président déchu, Bedoui a connu la consécration en accédant au Palais du gouvernement le 11 mars dernier, au plus fort moment de la contestation populaire contre le cinquième mandat de l’ancien raïs. La nomination de cet homme, dont la fidélité à la famille de l’ex-président était sans failles, constituait alors une dernière tentative de Bouteflika et de sa fratrie pour garder la main sur les événements qui allaient précipiter la chute du clan présidentiel.
Les observateurs pensaient que Noureddine Bedoui allait être sacrifié, au cours de l’été ou de l’automne, comme gage de bonne volonté d’apaisement de la part du pouvoir. Il n’en fut rien. Longtemps donné partant, l’ancien Premier ministre a été maintenu à son poste, bien qu’il était l’un des principaux dirigeants cristallisant la colère des manifestants qui occupent la rue par centaines de milliers chaque vendredi.
Soutenu par le général Gaïd Salah
Tenu pour être l’un des membres de la issaba (la bande mafieuse), dont les principaux éléments sont incarcérés à la prison d’El Harrach, notamment pour des faits de corruption présumée, Bedoui a bénéficié de l’appui du vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, véritable homme fort du pays depuis la démission forcée de Bouteflika le 2 avril.
Au cours de la campagne présidentielle, Bedoui n’a pas ménagé ses efforts afin de favoriser la candidature de Mihoubi
En septembre dernier, au moment où le pouvoir avait engagé une initiative de dialogue pour tenter de sortir de la crise politique et de l’impasse institutionnelle, des signaux avaient été émis faisant état de sa disponibilité à démettre Bedoui de ses fonctions. Las ! Ce dernier a réussi à sauver sa tête.
Au cours de la campagne électorale pour la présidentielle du 12 décembre, Noureddine Bedoui n’a pas ménagé ses efforts afin de favoriser la candidature d’Azzedine Mihoubi, que certains avaient donné comme favori pour succéder à Bouteflika. Selon diverses sources, l’ancien Premier ministre a reçu plusieurs walis (préfets) et donné des instructions et des recommandations à des agents de l’administration pour orienter les votes en faveur de Mihoubi. En vain, ce dernier n’étant arrivé qu’en quatrième position avec 7,28 % des suffrages. La suite est connue.
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