Le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a remis sa lettre de démission ce jeudi. Cette annonce intervient alors que la coalition au pouvoir est déchirée par une profonde crise interne, notamment provoquée par la vague de protestation de 2015-2016 et la violente répression qui a suivi.
L’annonce surprise a été délivrée par la radio d’État Fana. Le Premier ministre Hailemariam Desalegn, en poste depuis 2012, « a remis sa lettre de démission [ce jeudi 15 février, ndlr] », a annoncé le média. Hailemariam, qui a affirmé « avoir fait tout son possible pour résoudre les problèmes de l’Éthiopie », a justifié cette décision par le fait que « sa démission est une solution à ces problèmes ».
Il restera en poste en tant que Premier ministre jusqu’au transfert de pouvoir. « Je resterai à mes fonctions jusqu’à ce que je reçoive la décision finale du Conseil [du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), la coalition au pouvoir depuis 1991, ndlr] et de la Chambre [des représentants du peuple, l’Assemblée nationale éthiopienne, ndlr] », a fait savoir Hailemariam Desalegn.
« J’espère que le Conseil de l’EPRDF élira démocratiquement une personne qui me remplacera lors de sa prochaine réunion », a-t-il ajouté, sans donner de précision sur la date de cette réunion ou les noms des candidats à sa succession.
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— FANA BROADCASTING C (@fanatelevision) 15 février 2018
Déchirements au sein de l’EPRDF
Cette démission intervient dans un contexte extrêmement tendu au sein de l’EPRDF. Après les vagues de manifestations de 2015 et 2016, et la répression violente qui a suivi – au moins 940 personnes ont été tuées, selon un bilan de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, liée au gouvernement – le parti au pouvoir s’est déchiré sur fond d’affrontements interethniques meurtriers dans le pays.
En septembre 2017, de violents affrontements opposant les deux principaux groupes ethniques du pays – Oromo et Somali – ont ainsi fait « des centaines » de morts, selon les autorités. Un mois plus tard, en octobre 2017, Abadula Gemeda, le président de l’Assemblée nationale, a démissionné de ses fonctions, affirmant vouloir ainsi protester contre le « manque de respect » et la marginalisation de son groupe ethnique et de son parti, l’Organisation démocratique du peuple Oromo (OPDO), l’un quatre partis formant l’EPRDF. Il est finalement revenu sur sa décision par la suite.
Le 3 janvier, jouant l’apaisement, Hailemariam Desalegn avait promis la libération de plus de 500 personnes – dont plusieurs hommes politiques – arrêtées pour leur implication présumée dans ces violences à caractère ethnique. C’est dans ce cadre que, le 16 janvier, l’opposant Merera Gudina, président du Congrès Fédéral Oromo (OFC), a été remis en liberté après une année passée derrière les barreaux.
Par la suite, des discussions ont été lancées avec l’opposition, et le Premier ministre avait promis de procéder à des réformes. Difficile de savoir, aujourd’hui, comment interpréter cette démission surprise d’Hailemariam Desalegn, qui peut être vue comme le signe que les doléances de l’opposition ont été entendues ou, au contraire, que l’EPRDF entend resserrer sa mainmise sur le pouvoir.
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