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La vie de Fatou Camara a basculé un dimanche soir. "Les policiers sont venus m'arrêter chez moi. J'ai dû laisser mes trois fils avec la bonne, sans même pouvoir leur dire au revoir", raconte l'ex-animatrice du très populaire Fatu Show, diffusé sur la chaîne publique gambienne.
Elle venait de regagner son pays après un séjour au Sénégal lorsque la disgrâce présidentielle s'est abattue sur son toit.
Le 15 septembre, deux agents de la police secrète se présentent à son domicile et lui ordonnent de les suivre. La jeune femme restera incarcérée pendant un mois avant d'être déférée devant le tribunal de Banjul. Elle est accusée de ternir l'image du chef de l'État, un délit passible de quinze ans de prison, avant d'être placée en liberté sous caution. Une comparution devant le juge avait été fixée au 28 octobre. Mais sur l'insistance de ses proches, la journaliste a préféré prendre la poudre d'escampette et a rejoint clandestinement le Sénégal puis les États-Unis.
Ancienne directrice de la communication de Yahya Jammeh, connue pour avoir longtemps propagé son admiration sincère envers le président gambien, Fatou Camara est la dernière en date d'une longue série de pestiférés passés de la lumière de la State House, la présidence gambienne, à l'ombre de Mile 2, la prison centrale de Banjul. Dans son malheur, elle pourra toujours se consoler en se disant qu'elle a échappé aux sinistres séances d'aveux filmés qui sont le lot régulier des "ennemis du régime". Malang Fatty et Amadou Sanneh n'ont pas eu cette chance.
En septembre, le premier est arrêté à un poste-frontière alors qu'il cherche à quitter le pays. Sur lui, la police secrète découvre une attestation d'Amadou Sanneh, le trésorier du United Democratic Party (UDP, le principal parti d'opposition), indiquant que Fatty, militant du parti, a reçu des menaces de mort de la part des services de sécurité et que l'UDP est régulièrement persécuté par le gouvernement. Aussitôt, les deux hommes ainsi qu'un complice et un témoin présumés sont jetés au cachot, sans possibilité de rencontrer un avocat. Quelques semaines plus tard, la télé gambienne diffusera la vidéo consternante de leurs "aveux". Parvenant à peine à se tenir droit, Amadou Sanneh, hagard, marmonne une autocritique inaudible que l'on croirait tout droit sortie d'un procès de l'Inquisition. Face à un reporter placide qui ne semble pas s'émouvoir qu'il ait subi des séances de torture, le prisonnier s'accuse du pire crime qui soit en Gambie : celui de lèse-majesté.
Depuis près de vingt ans, Yahya Jammeh règne en monarque absolu sur ce petit paradis pour touristes encastré au beau milieu du territoire sénégalais. Lorsque ce jeune lieutenant de 29 ans renverse le président Dawda Jawara, en juillet 1994, il prend la tête d'un comité militaire provisoire qui suspend la Constitution et gouverne par décrets. "Quand il a accédé au pouvoir, il a été plutôt bien accueilli car les gens aspiraient à un changement, précise le journaliste Demba Jawo, qui réside à Dakar depuis 2006. Ils ont vite déchanté."
Au cours des années suivantes, Jammeh se débarrassera l'un après l'autre des compagnons d'armes qui ont conduit le coup d'État à ses côtés. "Ceux qui ne sont pas morts en prison ont été assassinés ou ont fui le pays, résume Bubacar Baldeh, ancien ministre de Jawara aujourd'hui en exil. C'est à partir de 2002 qu'il s'est révélé comme un dictateur pur et dur : il n'acceptait plus la moindre divergence ni le moindre conseil et il s'est mis à agir de manière très impulsive."
Les dérives du Conducator gambien iront croissant, caractérisées par une répression de plus en plus féroce et systématique à mesure que s'aiguisera sa méfiance envers son propre entourage. "À la fin des années 1990, il jouissait encore d'une certaine aura sur la scène internationale, rappelle Sedat Jobe, qui a été pendant plus de quatre ans son ministre des Affaires étrangères. Mais il s'est montré de plus en plus autoritaire, avant de basculer totalement."
En décembre 2004, l'assassinat à Banjul de Deyda Haydara, un vétéran de la presse gambienne, marque un tournant. Si le meurtre demeure officiellement non élucidé, chacun en Gambie croit savoir qu'il a été commandité par la State House. Au cours des années suivantes, le régime donne libre cours à sa volonté de museler la presse et de verrouiller la liberté d'expression. "On a assisté à une fermeture quasi totale de l'espace public, avec des lois de plus en plus répressives, des arrestations arbitraires et des disparitions", observe la Gambienne Fatou Diagne, directrice régionale de l'ONG Article 19.
"En Gambie, personne n'ose même dire son nom, les gens ont trop peur de lui", confirme Oumar Diallo, de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho, basée à Dakar), qui qualifie Yahya Jammeh de dirigeant "paranoïaque". Dans la bouche des opposants en exil comme chez les anciens dignitaires du régime devenus proscrits du jour au lendemain, le mot revient en boucle. Car Yahya Jammeh n'est pas seulement un chef d'État autoritaire, soucieux de museler toute contestation : c'est aussi un homme qui a peur de son ombre et se méfie avant tout de ses proches, croyant discerner derrière chaque affidé un traître en puissance.
De l'état-major de l'armée à la magistrature en passant par ses propres ministres, Jammeh purge son entourage au gré de ses humeurs complotistes. "C'est un autocrate complet, commente un diplomate européen en poste à Banjul. Tout le monde a peur de lui déplaire et de finir au placard." "Je n'ai jamais rencontré un homme aussi viscéralement méchant que Yahya Jammeh", assène quant à lui Sedat Jobe.
Un traitement à base de plantes contre le sida
Les lubies de cet Ubu ouest-africain prêteraient parfois à sourire si leurs répercussions n'étaient si dramatiques. En 2007, Jammeh annonce avoir élaboré un traitement à base de plantes censé guérir le sida. "Le coordinateur de l'ONU en Gambie a osé prendre ses distances, il a été expulsé aussitôt", rappelle Bubacar Baldeh. Deux ans plus tard, Jammeh décrète une chasse aux sorcières qui se traduira par l'arrestation de centaines de Gambiens accusés de pratiquer la magie noire. On prétend qu'un marabout lui aurait prédit une tentative de coup d'État à grand renfort d'occultisme.
Un scénario aussi invérifiable que les hypothèses formulées en août 2012, après que neuf personnes ont été exécutées sans préavis, mettant fin à un moratoire sur la peine de mort qui durait depuis plus de vingt ans. Et provoquant une crise diplomatique ouverte avec le Sénégal de Macky Sall, deux des condamnés étant sénégalais.
Comme souvent avec les frasques délétères du président gambien, l'absence de justification digne de ce nom a favorisé d'audacieuses spéculations. Selon certains, ce Diola imprégné de mysticisme aurait été mis en garde par un marabout : un complot visant à le renverser était en préparation, nécessitant comme antidote de "verser le sang". Pour s'être élevé contre ces exécutions, l'imam Baba Leigh a été arrêté et détenu au secret pendant plus de cinq mois avant de recouvrer la liberté. "Un certain nombre de personnes arrêtées sans motif sont finalement acquittées, commente Lisa Sherman-Nikolaus, chargée de la Gambie à Amnesty International, à Dakar. L'objectif du régime est davantage d'intimider les gens que de les faire condamner."
Tous les Gambiens sur écoute
Dans un pays où les usagers ont dû faire enregistrer leur carte SIM et où le régime a tenté de faire interdire des logiciels tels que Skype ou Viber, "personne n'ose plus discuter de politique au téléphone", précise le journaliste Demba Jawo. "Le climat de peur s'est généralisé, tous les Gambiens sont convaincus d'être placés sur écoute", confirme Fatou Diagne, d'Article 19. Quand on lui demande si des envies de putsch agitent effectivement les rangs de l'armée, comme le craint son chef suprême, un bon connaisseur du régime gambien dresse ce constat : "Des officiers en ont assez du système Jammeh, mais personne ne fait confiance à personne : chacun a peur d'évoquer le projet de le renverser de peur d'être trahi." Selon Sedat Jobe, Jammeh s'est entouré d'une garde rapprochée exclusivement diola, dont le socle repose sur le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), le mouvement sécessionniste sénégalais dont l'un des leaders, Salif Sadio, bénéficie de la mansuétude de Banjul.
Sur ses portraits officiels, l'ancien lieutenant devenu mégalomane aligne l'interminable liste de ses titres en papier mâché : "Son Excellence, Cheikh, Professeur, El Hadji, Dr Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh." Autrefois proche de Kaddafi, un temps partie prenante de l'axe Caracas-Cuba-Téhéran, celui qui était reçu à dîner à l'Élysée par Jacques Chirac il n'y a pas si longtemps se retrouve plus isolé que jamais. Jusqu'à récemment, le satrape gambien pouvait encore compter sur le soutien inconditionnel (et essentiellement financier) de Taiwan. Mais les deux pays ont rompu leurs relations diplomatiques le 14 novembre.
Yahya Jammeh n'en poursuit pas moins ses saillies grandiloquentes censées témoigner de son anti-impérialisme intransigeant. Début octobre, il claquait la porte du Commonwealth, pourfendant une "institution néocoloniale". Dans la foulée, un communiqué de la State House s'indignait de "la campagne de calomnies contre la Gambie" fomentée par "certaines puissances occidentales" en collusion avec l'UDP, décrit comme "un parti tribal mandingue". Une analyse immédiatement suivie de menaces explicites, formulées mi-octobre par Jammeh lui-même sur les ondes de la chaîne nationale : "Ternir l'image de ce pays est un acte de trahison, et toutes les personnes engagées sur cette voie en paieront le prix fort." Si l'image de la Gambie est plus terne que jamais, c'est pourtant bien à lui qu'on le doit.
Circulez, y'a rien à voir
Pas facile pour un journaliste de pénétrer en Gambie, même pour y rencontrer des sources officielles. Début octobre, l'ambassadeur de la Gambie à Dakar accusait réception de notre demande de visa pour Banjul afin d'y recueillir les explications du régime sur le retrait gambien du Commonwealth et sur les accusations régulièrement formulées contre lui en matière de droits de l'homme. Notre demande, écrivait-il, avait été relayée auprès des autorités. Mais quatre semaines plus tard, pas de visa en vue. En 2012, après l'exécution de neuf condamnés à mort, un reporter de la BBC disposant d'un visa en règle avait été retenu pendant plus de cinq heures par la police à l'aéroport de Banjul. Il avait dû regagner Dakar par le premier vol retour, sans autre explication.
Jeuneafrique
39 Commentaires
Fou-armé
En Novembre, 2013 (17:00 PM)Ecartez-vous il va pendre, poturer, decapiter, fusiller…c’est la fete !!!!
Reawaply_author
En Janvier, 2025 (21:12 PM)Senegal En Danger
En Novembre, 2013 (17:00 PM)Kaffou
En Novembre, 2013 (17:00 PM)Parlons de notre linge au lieu de parler du linge des autres.
Lucide!
En Novembre, 2013 (17:01 PM)Dougar
En Novembre, 2013 (17:06 PM)Bobo
En Novembre, 2013 (17:07 PM)Ne Censurez Pas La Verite
En Novembre, 2013 (17:08 PM)Senegalais R
En Novembre, 2013 (17:09 PM)Akendukebol
En Novembre, 2013 (17:10 PM)Pétition Pour Tah!
En Novembre, 2013 (17:18 PM)Un Sénégalais
En Novembre, 2013 (17:27 PM)VOUS FAITES LA GUERRE AUX BONS PRESIDENTS ET VOUS SOUTENEZ LES MAUVAIS
J ETAIS TOUS RESSAMENT EN GAMBIE ; PRONOCER LE NON DU PRESIDENT N A AUCUN RISQUE
LAISSER YAYA EN PAIX ; ON A TOUT COMPRIS
Ok
En Novembre, 2013 (17:29 PM)Verite001
En Novembre, 2013 (17:39 PM)Que Jammeh mette des jolas a la tete de l'armee ou de la police ,il est ou le probleme? le chef d'état major de macky sall n'etait il pas hal poular? et que voulez vous qu'il fasse ,quand des non diolas (wolofs,mandingues et autres ) passent leur temps a le menacer de coup d'état ,vous pensez qu'il va mettre un des leurs a des postes strategiques?reglons nos problemes au Senegal et foutons la paix a jammeh et aux gambiens.
Vermar
En Novembre, 2013 (17:41 PM)Taup
En Novembre, 2013 (17:43 PM)Jeune
En Novembre, 2013 (17:44 PM)On A Compris
En Novembre, 2013 (17:55 PM)Un Sénégalais
En Novembre, 2013 (18:00 PM)ou y a t il abus dans ce que j'ai écrit
ou bien vous défendez JEUNE AFRIQUE
ET N AIMEZ QUE PERSONNE NE CRITIQUE CE QU ILS ECRIVENT
Nts
En Novembre, 2013 (18:02 PM)Ngaari Karaw
En Novembre, 2013 (18:13 PM)Maïmoune
En Novembre, 2013 (19:02 PM)Leboom
En Novembre, 2013 (20:21 PM)Mais ce que je trouve assez bizarre c'est pourquoi ces grandes geules se cachent au Senegal pour nous dire qui est Yaya Jammeh ils pouvaient rester en Gambie et dire ce qu'ils pensent mais bon la peur au ventre est passée par làa.
Il a accedé au pouvoir avec un coup d'Etat alors vous n'avez qu'à faire pareil et le degager c'est un homme pas un Dieu donc il n'est paas intouchable faites votre revolution.
Lamine Sane
En Novembre, 2013 (20:30 PM)Dègg Deugg
En Novembre, 2013 (20:34 PM)ORDRE PUBLIC!mai via dictature comme la gambie!
WA SALAM!
Titen
En Novembre, 2013 (20:37 PM)Senegal En Danger
En Novembre, 2013 (21:01 PM)Maïmoune
En Novembre, 2013 (21:42 PM)Il y a des Sénégalais qui ne rêvent que d'aller vivre en Arabie Saoudite ou en Iran, pas moi ! Chacun est libre de dire ce qu'ils veulent mais j'aimerais bien qu’ils aillent en Gambie d'abord. Depuis l'année dernière, j'ai beaucoup réfléchit sur les pays d'Afrique noire et particulièrement sur mon pays le Sénégal ET J4AI PRIS LA FERME RESOLUTION D'ËTRE GAMBIENNE EN 2014 si ma demande est acceptée, alors que pour rien au monde je n'accepterais d'être Américaine, Allemande ou autres nationalités. La Gambie est le Sénégal, on ne s'y sent pas dépaysé. Vive la Gambie!
Yahyah Jammeh
En Novembre, 2013 (22:11 PM)Fara
En Novembre, 2013 (22:42 PM)Fdf
En Novembre, 2013 (22:43 PM)Kalonji
En Novembre, 2013 (23:04 PM)You
En Novembre, 2013 (02:29 AM)Bibiches
En Novembre, 2013 (05:18 AM)Sylla Zig
En Novembre, 2013 (08:07 AM)Alors ou sont ces instruits
Regardez pendant plus de 40 les généraux sénégalais sont souvent des Fall et puis récemment en bon Al pulsar Macky nomme un Al pulsar qui n a aucun charisme au sein de l armée et autour de lui il n y a que des toucouleurs et on les connait les toucouleur quand ils sont a un poste il vont y mettre tous les leurs parents seulement toucouleur
Et d ailleurs une des ministres de Wade lors de la campagne avait raison, mais au Senegal on cache cette réalité, a savoir que ce sont les toucouleur de la banlieue qui ont permis a Macky de passer au deuxième tour
Au senegal si tu gagne Guedieway tu passes au deuxième tour. or dans ce quartier il y a une majorité al pulsar et ainsi la ministre de Wade a raison. Laisse donc Jammeh tranquille
Diolaa
En Novembre, 2013 (08:57 AM)Alphaone
En Novembre, 2013 (09:14 AM)Et que moi, je suis un indécrottable menteur.
J.......ow
En Novembre, 2013 (10:19 AM)Leumbeul
En Novembre, 2013 (13:29 PM)Le mauvais exemple à était abdou diouf, jean Colin, sir dawda keraba diawara. Des mounafeks certes diawara e jean Colin ne sont pas homosexuel comme le est diouf et senghor. Vive yaya que dieu envoie un yaya au Sénégal
Boulawayo
En Novembre, 2013 (15:59 PM)du mensonge.jammeh aime son pays et il veut instaurer de l'ordre et la discipline dans son pays.contrairement
au senegal,oú les autoriés comme les fonctionnaires et autres agents de l'état s'adonnent á des pratiques illicites.
su senegal, la corruption est légale, le detournement des derniers publiqes est aussi légale,la vente de drogue ( cocaine) est assi légale.une police corrompue du sommet á la base. Pas d'état de droit au senegal.ceux qui travaillent dans les bureaux quittent leurs services aux heures de travail pour regler quelques business.tout cela est légal au senegal.Pas de lois,Pas de justice car celle-ci est corrompue le nepotisme est pour les senegalais
une nouvelle religion sans profet. quelle honte, pour un pays qui se dit democrate. on pense que la democratie, c'est jeter une dans les urnes et élire un president, une multipltcation des differentes comme liberté d'expression. Non. La 'democratie aussi nous dit qu'il faut donner son peuple á manger, il faut soigner son peuple, l'eduquer.jaqmmeh ,au bout de quelques années a fait ceque Diawara n'a pas fait en 30 ans.Ne vous basez pas sur des rumeurs non fondées [our salir un étre humain comme vous .
Tous ceux qui se disent opposants de jammeh ne sont pas du tout opposants.ils ont tous été dans des postes des responsabilité dans les gouvernements successifs de gambie.donc ils ont eu une part de responsabilités sur cequ l'on accuse jammeh.
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