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La France va rétrocéder jeudi la base militaire de Port-Bouët, près d'Abidjan, à la Côte d'Ivoire, lors d'une cérémonie en présence des ministres de la Défense des deux pays. Une démarche concertée, à rebours d'autres pays africains qui ont récemment chassé l'armée française.
"C'est une séquence symbolique très forte avec la rétrocession de ce camp aux armées ivoiriennes. Cela se fait dans des conditions exemplaires, en toute cohérence et en toute maturité de notre relation", affirme à l'AFP le colonel Damien Mireval, attaché de défense français à Abidjan.
"La coopération militaire continue avec la France. Il n'y a pas de rupture", a confirmé à RFI le ministre ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara.
M. Ouattara assistera jeudi matin avec son homologue français Sébastien Lecornu, à la cérémonie de rétrocession de la base abritant le 43e Bataillon d'infanterie et de marine (43e Bima).
A cette occasion, le camp sera rebaptisé du nom de Thomas d'Aquin Ouattara, premier chef d'Etat-major de l'armée ivoirienne. Une plaque à son effigie doit être dévoilée.
Les deux drapeaux, français et ivoirien, qui flottent actuellement sur la place d'armes seront abaissés et seul celui aux couleurs orange, blanche et verte sera remonté.
Ces dernières semaines, une petite centaine de parachutistes ivoiriens a déjà pris ses quartiers sur ce camp, situé près de l'aéroport et plusieurs exercices communs sont menés.
- Exception -
Cette rétrocession, annoncée le 31 décembre par le président ivoirien Alassane Ouattara, est le résultat d'un processus initié il y a deux ans entre les deux pays et répond à la volonté de la France de réorganiser son dispositif militaire en Afrique.
Face à la prise de pouvoir par des putschs de juntes devenues hostiles au Sahel, l'armée française déployée dans la lutte antijihadiste a dû plier bagage, de gré ou de force.
D'abord au Mali, en février 2022, avec la fin de l'opération Barkhane, puis un an plus tard au Burkina Faso voisin, lorsque les autorités ont brutalement dénoncé l'accord militaire liant les deux pays.
A peine quelques jours après leur prise de pouvoir en juillet 2023, les putschistes du Niger ont fait de même, obtenant le départ en décembre de la même année des 1.500 soldats déployés dans la lutte antijihadiste.
Enfin, plus récemment, le Tchad a prié l'armée française de quitter le territoire en quelques semaines et le Sénégal négocie le départ des troupes d'ici fin 2025.
La Côte d'Ivoire fait donc figure d'exception dans ce paysage défiant sinon hostile envers la présence française.
"Les autorités ivoiriennes savent très bien que les idées souverainistes existent dans le pays. Il faut donc anticiper le départ de la base militaire française avant que cela ne devienne une revendication populaire", estime l'analyste politique ivoirien Geoffroy Kouao.
- "Bons rapports" -
Pas question pour autant de remettre en cause le partenariat: le retrait des soldats va s'opérer progressivement au cours de l'année 2025 et une centaine d'entre eux vont se maintenir sur la base pour des missions de formation et d'accompagnement.
"La Côte d'Ivoire et la France entretiennent de très bons rapports depuis l'indépendance. Paris restera un partenaire privilégié dans la formation, le renseignement et surtout dans la lutte contre le terrorisme", pointe Geoffroy Kouao.
Les liens entre les deux armées remontent à 1961, et un accord de défense signé au lendemain de l'indépendance, mais la présence française sur le territoire remonte à l'époque coloniale.
Le 43e BIMa s'est installé en 1978 sur cette base stratégique.
En 2002, après une tentative de coup d'Etat contre le président de l'époque Laurent Gbagbo et la prise de contrôle d'une partie du pays par des rebelles, la France avait mis en place la force Licorne, pour protéger ses ressortissants et tenter de stabiliser le pays.
En novembre 2004, le 43e BIMa avait servi de refuge à des centaines de civils français victimes de pillages et au plus fort de cette crise, la France a compté plus de 5.000 militaires dans le pays.
En avril 2011, quelques mois après une élection présidentielle aux résultats contestés par Laurent Gbagbo, Licorne avait mené, aux côtés de l'ONU, des bombardements sur la résidence du président sortant, qui sera finalement arrêté. La mission de la force a pris fin en 2015.
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