Le test obligatoire de dépistage du VIH/SIDA est-il une mesure nécessaire pour réduire et éventuellement éradiquer le taux d’infections ou de décès chez les personnes atteintes de la maladie en Zambie?
Le gouvernement du président Edgar Lungu déclare qu’il ne veut pas que les gens meurent alors qu’ils peuvent être aidés, d’où la décision d’imposer le test obligatoire du Vih, une politique pour contenir le taux d’infection.
Cependant les militants des droits de l’homme, craignant la stigmatisation des personnes porteuses du Vih, crient au scandale exigeant que le test de dépistage reste une affaire strictement privée.
La Zambie est très divisée sur la question depuis la déclaration du président le lundi 15 août selon laquelle les 14,5 millions d’habitants du pays doivent subir des tests de dépistage du Vih chaque fois qu’ils viennent pour des soins dans les établissements publics ou privés de santé.
M. Lungu a déclaré que la nouvelle politique visait à réduire le taux sans cesse croissant de décès liés au Vih qui atteint 81% dans les centres de santé.
« Nous allons continuer à vous dépister pour le Vih et à vous donner des conseils et si vous êtes séropositifs, nous allons vous donner un traitement », a déclaré le président Lungu lors de la commémoration de la Journée du test de dépistage, de counseling et de traitement du Vih à Lusaka dénommée: "Test et traitement : Vers la fin du Sida".
Cependant, les vieilles habitudes sont tenaces.
Beaucoup de gens en Zambie évitent en effet systématiquement l’Initiative volontaire de conseils et de dépistage et le nouveau test obligatoire va encore mettre à l’épreuve la volonté du gouvernement de réduire les infections d’ici à 2020 et d’éliminer le Sida à l’horizon 2030, telle que décidé par l’Organisation mondiale de la santé.
Depuis 1984, environ un million de personnes en Zambie ont été victimes de la maladie alors qu’un nombre similaire vit actuellement avec le virus du Sida, un chiffre ahurissant pour le gouvernement qui conseille aux militants opposés à sa nouvelle politique de demander réparation auprès des tribunaux.
Avant la nouvelle politique, la Zambie avait réussi à réduire le taux des nouvelles infections par le Vih à une moyenne de 46.000 en 2016 contre 77.500 en 2010, ce qui a entraîné une réduction de 41% en six ans et plus d’efforts pour réduire davantage le taux d’infection.
Les nouvelles infections chez les enfants ont ainsi chuté de 26.000 cas enregistrés en 2010 à 4.000 en 2016.
Le programme de thérapie antirétrovirale en Zambie s’est amélioré avec près de 800.000 personnes actuellement sous traitement, soit en moyenne le nombre de décès qui se seraient produits s’il n’y avait pas ce traitement de sauvetage, selon les données disponibles.
Mais le gouvernement utilise à la fois les méthodes dures et douces de persuasion en menaçant de fermer tous les établissements de santé privés qui ne respecteraient pas sa politique, tout en tentant par un discours mielleux, de convaincre les Zambiens de croire à ses promesses de garder le secret absolu sur le résultat de leurs tests personnels.
Mais quelle que soit la détermination de Lungu et de ses collaborateurs du ministère de la Santé pour essayer de faire accepter cette politique au public, cette dernière a déjà touché un nerf sensible chez les Zambiens qui, en règle générale, estiment que leur droit personnel de décider eux-mêmes de ces tests est en train d’être violé.
Le président de la Commission des droits de l’homme, Mudford Mwandenga, qui dirige la lutte contre la nouvelle politique de tests, soutient qu’elle menace les droits de l’homme et reste en porte-à-faux avec les principes et pratiques internationalement convenus pour réduire la propagation du Vih et atténuer l’impact du Sida.
« Les personnes testées pour le Vih doivent donner en toute connaissance de cause leur consentement avant d’être testées », a-t-il déclaré à l’Agence de presse africaine.
Même l’église, influente mais généralement réticente, s’est penchée sur la question estimant clairement que le gouvernement s’immisçait dans le droit privé des gens et exhortant Lungu à faire preuve d’humilité en renonçant à cette politique impopulaire qui n’a aucune base légale.
« Pourquoi pousser les gens à se faire dépister ? » s’est demandé l’évêque Mususu, président de la Communauté évangélique de Zambie, qui regroupe diverses confessions.
« Faisons en sorte que la décision de faire le test ou non, soit une affaire privée et une conviction personnelle et non quelque chose contre leur volonté", a-t-il indiqué.
Les défenseurs des droits de l’homme menacent de porter la question devant les tribunaux, pour avoir une interprétation sur la question, évoquant des citations antérieures faites par le système judiciaire zambien.
Carol Nawina Nyirenda, de la coalition anti-sida CITAMplus, affirme que la politique est bien intentionnée mais en revanche les mesures coercitives alimentent la stigmatisation et détournent les gens des établissements de santé.
Cependant, l’OMS et l’ONUSIDA soutiennent les tests obligatoires.
En attendant, avec les plans déjà en cours pour sensibiliser les acteurs de cette politique, le fossé créé par la question du test obligatoire du Vih/Sida devrait continuer à se creuser.
2 Commentaires
Achima Abelard
En Novembre, 2017 (17:08 PM)Anonyme
En Juillet, 2018 (12:09 PM)Participer à la Discussion