Les Maliens déplacés, de retour chez eux dans le nord du pays, disent être confrontés à des difficultés économiques, car leur commerce, leur bétail, ainsi que les autres moyens de subsistance ont été détruits. D’autre part, les personnes toujours déplacées affirment avoir surtout besoin d’une aide financière.
Le conflit dans le nord du Mali après le renversement du gouvernement à Bamako en 2012 et l’occupation des islamistes radicaux ont forcé des centaines de milliers de personnes à fuir vers le sud ou vers les pays voisins. Plus d’un an après l’intervention des forces françaises pour déloger les insurgés islamistes, les habitants du nord du Mali retournent progressivement chez eux, mais ils ont du mal à reconstruire leurs vies.
Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), depuis juin 2013, près de 196 000 personnes sont retournées dans le Nord, notamment à Tombouctou et à Gao. Le gouvernement a également aidé certains déplacés à rentrer chez eux en organisant des transports routiers et maritimes. À leur retour, les familles reçoivent trois mois de réserves alimentaires.
D’après Bakary Doumbia, chef de mission de l’OIM au Mali, beaucoup ont sous-estimé le nombre de personnes déplacées qui rentrent chez elles ces jours-ci et il est nécessaire d’accélérer l’aide à apporter pour les aider à reconstruire leurs vies.
« Si nous ne réorientons pas nos efforts au Nord, ceux qui sont rentrés risquent de partir une nouvelle fois. Nous craignons un deuxième déplacement », a déclaré à IRIN M. Doumbia. En 2012 et en 2013, a-t-il rappelé, les bailleurs de fonds ont concentré leurs efforts dans le sud du Mali, car l’accès au nord du pays était difficile.
La plupart de ceux qui sont rentrés ont perdu leurs moyens de subsistance. Beaucoup ont vu leurs vies voler en éclats et se retrouvent démunis dans des maisons endommagées.
« Tous leurs besoins sont prioritaires… Ils repartent à zéro ; ils manquent d’eau courante, d’électricité, d’ustensiles, de meubles, etc. et doivent encore retrouver une vie économique et sociale », a expliqué Mamaoutou Thiam, conseiller technique auprès du ministère du Travail et des Affaires sociales et humanitaires.
Le conflit a bouleversé l’économie du nord du Mali. Les commerçants et les investisseurs ont fui, ce qui a bloqué l’approvisionnement des marchés. Il y a eu une paralysie des banques et des autres services publics, une destruction des biens, ainsi qu’une forte hausse des prix alimentaires.
« Il est très difficile pour l’économie de la région du Nord de rattraper son retard tout en se relevant du type de crise qu’elle a traversé. Tout a été perdu, les commerces ont été pillés, les banques saccagées et les transports paralysés. L’économie a rapidement été anéantie », a déclaré Mamadou Sidibé, un économiste du pays.
« Le gouvernement a pris des mesures pour la reprise des services publics. Les banques rouvrent progressivement… les personnes déplacées reviennent petit à petit, mais les commerçants attendent que les conditions de sécurité s’améliorent. La reprise économique n’est pas pour demain », a-t-il conclu.
En juillet 2013, le gouvernement a lancé une initiative visant à inciter les fonctionnaires à retourner dans le nord en leur offrant une prime de 500 dollars pour le transport et leur réinstallation. L’objectif est de relancer les services publics.
Problèmes de crédit
Adama Maiga est un tailleur originaire de Gao qui a récemment quitté Bamako pour rentrer chez lui. Il a déclaré : « j’ai besoin d’une deuxième machine à coudre, mais je n’ai pas d’argent. Je continue d’en demander aux bonnes âmes, aux autorités locales, aux ONG [organisations non gouvernementales] qui promettent de l’aide, mais je n’ai rien reçu pour l’instant. Je dépends uniquement du peu que j’arrive à vendre ; des vêtements pour femmes et enfants. Voilà ce que j’essaye de reconstruire petit à petit ».
Cependant, le maire de Gao, Sadou Diallo, a affirmé qu’il y avait quelques signes encourageants de reprise économique et que les autorités locales cherchaient des solutions pour inciter les habitants et les commerçants à revenir.
« Il y a une légère amélioration… Nous avons lancé une vaste campagne de sensibilisation pour attirer les habitants et les commerçants. Nous avons même renoncé à prélever certaines taxes pour stimuler le commerce et encourager les investissements. Nous avons aussi appelé les banques à revenir », a dit à IRIN M. Diallo.
Les licences commerciales sont suspendues jusqu’à la reprise des opérations du service de recouvrement des recettes et des impôts. Les taxes pour les propriétaires de stands et de boutiques ont aussi été supprimées, a affirmé M. Diallo.
À Tombouctou, Hama Diombana est commerçant de poissons et explique les difficultés auxquelles il est confronté pour relancer son activité commerciale qui a fait faillite quand il a dû s’enfuir à Bamako.
« J’essaye en vain de relancer mon entreprise. La chaîne de valeur s’est rompue. Je tourne en rond depuis huit mois. Je voulais emprunter de l’argent à la banque, mais pour cela, il me faut des garanties. Que puis-je faire ? », a demandé M. Diombana, expliquant qu’il avait récemment emprunté 500 000 francs [CFA, soit 1 000 dollars] à un autre commerçant, mais qu’il lui faut entre 3 et 5 millions de francs pour relancer son activité commerciale.
D’après l’OIM, les difficultés économiques du Nord ont poussé certains à s’installer dans le Sud. Plus de 1 000 familles ont déménagé dans le Sud en décembre 2013, la plupart ont évoqué comme raison des problèmes financiers causés par le conflit. D’autres personnes sont parties à cause de l’insécurité alimentaire ou pour se rapprocher de parents déjà installés dans le Sud.
Selon un récent rapport de l’OIM, près de la moitié des personnes déplacées ont dit manquer d’argent, de nourriture, de moyen de transport et d’autres produits et services de base. D’après les témoignages, environ un quart des personnes manquent en priorité de nourriture et un peu moins de 10 pour cent ont besoin d’un toit. Quelque 200 000 Maliens sont toujours déplacés et près de 150 000 autres ont trouvé refuge dans les pays voisins.
M. Doumbia, de l’OIM, a déploré le manque de fonds. « Il y a beaucoup de travail à faire, [mais] les donateurs ne manifestent pas beaucoup d’enthousiasme. »
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