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C’est un rapport sans concession : cette semaine, l’International Crisis Group publie une étude sur le fonctionnement de l’armée nigériane, handicapée par plusieurs maux : manque de financement, manque de formation, corruption à grande échelle… Ce rapport permet de relancer le débat sur la nécessaire réforme de l’armée nigériane. Le document paraît dans un contexte particulier : le pays est en effet pris en étau entre plusieurs urgences sécuritaires : l’insurrection armée de Boko Haram dans le nord-est, ou encore les menaces sur les installations pétrolières dans la région du Delta.
C’est un domaine délaissé depuis plusieurs dizaines d’années. Selon ce document, de 2000 à 2008, le secteur militaire représentait moins de 3% du budget national… c’est bien en deçà des besoins du pays.
L’étude décrit surtout des conditions de travail peu valorisantes, avec notamment un armement défaillant et mal entretenu. C’est un terreau propice au développement de la fraude et de la corruption. Ainsi, le rapport évoque l’implication de certains militaires dans le crime organisé dans le Delta du Niger.
Nnamdi Obasi, l’un des auteurs de ce rapport, pointe du doigt le manque de contrôle dans ce secteur : « L’Assemblée nationale, qui aurait dû vérifier les dépenses du secteur militaire, n’a jamais joué ce rôle. De même, le ministère de la Défense, qui aurait dû également scruter la répartition des dépenses, n’a pas assuré cette fonction. Le secteur a été livré à lui-même. Ensuite, il n’y a jamais eu d’audit interne, qui permet chaque année de déterminer le montant des dépenses dans ce secteur. Donc en l’absence de tous ces systèmes de régulation, la corruption n’a fait qu’empirer d’année en année ».
Depuis un an, l’administration de Muhammadu Buhari fait de la transparence sa priorité. L’affaire la plus symbolique est de loin celle deSambo Dasuki, l’ancien conseiller national à la sécurité, accusé d’avoir détourné près de 2 milliards de dollars dans l’achat d’hélicoptères et d’armement.
Pour le chercheur Nnamdi Obasi, il faut encore mieux armer l’EFCC, l’agence anti-corruption : « Au-delà des arrestations de personnalités soupçonnées d’avoir détourné des fonds, nous pensons que le gouvernement doit renforcer les agences chargées de lutter contre la corruption. Il faudrait endurcir la législation. Et assurer que ces structures sont mieux équipées, qu’elles ont plus de ressources humaines et qu’elles sont mieux formées pour faire ce travail ».
Au-delà de ces réformes, le rapport appelle à une réflexion approfondie sur les problèmes internes du pays, afin de mieux orienter la politique sécuritaire du gouvernement.
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