J’ai enfin compris pourquoi Sankara ne me touchait qu’à moitié. L’homme est admirable. Il a transformé un pays, redonné de l’espoir à un peuple, rebaptisé sa patrie, combattu l’ennemi, dénoncé l’impérialisme, tenté de voler l’avion d’un pays ami, travaillé à la souveraineté de ses frères.
Et tout cela n’est encore qu’une infime part de sa geste, d’autant plus superbe qu’elle a eu une fin prématurée et tragique. C’est un homme devenu un mythe, un saint, un des nombreux prophètes du siècle passé. Il a même des zones d’ombre. On s’incline bien bas.
Pourtant… Mais avant de continuer, un aveu : imbécile ou naïve habitude, je ne juge les hommes et femmes d’État qu’à leurs lectures, à leur bibliothèque. Là est leur dernière vérité (politique).
L’État et la Révolution, son « livre refuge »
Sankara lit, bien entendu. Qu’y a-t-il dans sa bibliothèque ? Rien, puisqu’il dit, dans un très révélateur entretien publié dans ce journal même [numéro du 12 mars 1986], ne pas en posséder. En réalité, l’homme a un rapport problématique à la confession de ses lectures : « Une bibliothèque, c’est dangereux, ça trahit. » Il ne lit presque jamais de fiction, ça l’emmerde. Les romans africains l’insupportent. Il tance Ki-Zerbo, égratigne Cheikh Hamidou Kane, confirme qu’il écrit lui-même ses discours – ouf !
Mais que lit le grand homme ? Il lâche qu’il n’a pas fini Le Capital, mais qu’il a lu tout Lénine. Entre camarades prophètes… L’État et la Révolution est son « livre refuge ». Il l’emporterait sur une île déserte avec… la Bible et le Coran. S’ensuit un très intéressant développement philosophico-politico-religieux sur Lénine, le Christ et Mohammed, où Sankara fait preuve d’une grande agilité dialectique et d’une certaine acuité dans son analyse historique.
Un manque de souffle poétique
En fait, Sankara, comme tous les vrais révolutionnaires, était un mystique, mais un mystique sans extase. La dimension mystique me plaît : c’est celle de la vision, de la détermination, de la foi en un idéal transcendant. Mais tout cela est trop « aride », comme il le dit avec humour au début de son propos.
Sankara avait – c’était sûrement sa force et, peut-être, sa faiblesse – un tel souci de la transformation du réel qu’il en a peut-être oublié l’espace du rêve – ce qui est une faute pour un idéaliste. L’imaginaire poétique lui faisait défaut, ou alors il s’y refusait ; en tout cas cela se sentait : ses discours, même les plus mémorables, ont manqué non de style, non d’humour, non d’effets rhétoriques, mais de souffle poétique. Si seulement il avait lu plus de romans et de poésie, il aurait vu qu’on tentait aussi d’y changer les hommes.
* Il est l’auteur de Terre ceinte (2015, prix Ahmadou-Kourouma) et de Silence du chœur (2017), tous deux disponibles chez Présence africaine (lire pp. 108-109).
22 Commentaires
Anonyme
En Octobre, 2017 (22:29 PM)Sankariste
En Octobre, 2017 (00:24 AM)Meme s'il ne lisait pas de poesie,
il a réalisé des trucs concréts que notre cher poéte de Segnhore n'a pas réussit !
Anonyme
En Octobre, 2017 (05:09 AM)Anonyme
En Octobre, 2017 (07:05 AM)il y 'a plusieurs types d'hommes les rêveurs idéalistes et les hommes d'action . je préféré un president comme Sankara qui agit de façon déterminer pour l’émancipation réel de l'homme noir et des africains plutôt que quelqu’un qui le chante et ne fais concrètement rien pour y arriver comme Senghor
Anonyme
En Octobre, 2017 (07:09 AM)Ndiaye
En Octobre, 2017 (07:20 AM)Anonyme
En Octobre, 2017 (07:25 AM)vous avez peur monsieur
Anonyme
En Octobre, 2017 (08:27 AM)Anonyme
En Octobre, 2017 (09:18 AM)Bandes d'idiots et sales traitres. La notoriété posthume de SANKARA hante le sommeil des vautours neocolonialites en france, en afrique et ailleurs dans le monde.
Malheur à vous bandes de sans couilles:
Anonyme
En Octobre, 2017 (09:58 AM)Anonyme
En Octobre, 2017 (10:38 AM)A Bas La Charognard-attitude !
En Octobre, 2017 (10:53 AM)Depuis quand la poésie est-elle un critère pour analyser la "culture" ou la "profondeur" d'un homme ?????????????? Tey la diomi
C'est du n'importe quoi du début à la fin !
A ceux qui sont familiers du Coran, s'il vous plaît allez relire ce qui est dit sur ces "poètes" :
Le Sénégal a eu un président dont on se vantait partout qu'il était "poète", "premier agrégé en grammaire", et patati, et patata. Concrètement qu'est-ce que ca a aapporté au Sénégal ? Nada ! Touss ! Une élite corrumpue, une éducation nationale qui n'a pas encore produit le lot d'individus qui soient capables d'implémenter une stratégie pour sortir ce pays de sa "culture du verbiage"
Et celui-là ose s'attaquer à un mort, pour lui "reprocher" de ne pas avoir perdu son temps à lire les divagations de gens qui passent leur temps à dire ce qu'ils ne font pas, à raconter ce qu'ils n'ont jamais vu et à nous saoûler avec leurs états d'âmes ?????? pffffffffffffffffffff
Je suis dégoûtée par tant de légèreté....... tant de prétention..........
Anonyme
En Octobre, 2017 (12:07 PM)Anonyme
En Octobre, 2017 (12:47 PM)Taxawsiggil
En Octobre, 2017 (13:25 PM)Lisons bien, ne soyons pas bornés, acceptons les critiques qui font avancer.
Alioune
En Octobre, 2017 (14:19 PM)En effet, L’Afrique est confrontée à des problèmes en tous genres, migrations sauvages (Barsakh, ratonnades algériennes), épidémie d’Ebola, crise malienne, insécurité en Cote d’ivoire, expulsions US, drame du Sud-Soudan et je ne noircis pas le tableau…..
Les actions notables semblent souvent décalées, ou en déphasage avec les véritables problèmes des Africains et le thème de l’impérialisme semble daté sinon restrictif ; les Africains en pensant par eux et pour eux-mêmes, doivent mieux s’organiser solutionner les problèmes.
Les plus érudits nous sortent parfois des textes compliqués, livrés sans dictionnaire ; j’ai lu critique de la raison nègre, mais j’ai rien compris, pourtant j’arrive à suivre les 3 critiques de Kant, qui sont pas simples……
Je ne parle même pas de ceux qui passent du radicalisme noir à l’extrême droite !!!
Il y a parfois des éclaircies comme Boris Diop sur le Rwanda, mais je pense qu'importe de faire le point sur le Panafricanisme contemporain pour nous adapter aux enjeux du moment.
Le président Alpha Condé, à la tête de l’UA, est animé de grandes ambitions, et les panafricanistes doivent le prendre au mot et lui demander d’organiser un grand congrès sur le Panafricanisme ; ce qui peut être un bon début.
Je crois que c’est plus parlant que de brûler un billet de 5000 francs CFA sur la place de Dakar.
Au registre des icones du Panafricanisme, il faut souligner que Senghor a été également une grande figure de la modernité africaine qui a permis que le Sénégal soit un espace d’expression pour toute l’Afrique.
Anonyme
En Octobre, 2017 (14:46 PM)Anonyme
En Octobre, 2017 (15:11 PM)Anonyme
En Octobre, 2017 (15:23 PM)Il faut de tout pour faire un monde......, vivable,humain..
ngnoune déé, sénégal khamou niou koo
Peace and salvation
Anonyme
En Octobre, 2017 (17:19 PM)Anonyme
En Octobre, 2017 (01:55 AM)Thomas Sans Gants
En Octobre, 2017 (09:37 AM)Sankara : Non, absolument pas. Mes livres sont dans des cantines. Une bibliothèque, c’est dangereux, ça trahit. D’ailleurs je n’aime pas dire ce que je lis non plus. Jamais je n’annote un livre ou je ne souligne des passages. Car c’est là que l’on se révèle le plus. Cela peut être un vrai carnet intime.
Nicolini : Vous n’aimez pas la littérature de détente ?
Sankara : Non, je ne lis pas pour passer le temps, ni pour découvrir une belle narration.
Nicolini : Comment choisissez-vous vos livres ?
Sankara : Il faut dire d’abord que je les achète. Et c’est le titre qui m’accroche, plus que l’auteur. Je ne lis pas pour découvrir l’itinéraire littéraire d’un écrivain. J’aime aller au-devant d’hommes nouveaux, de situations nouvelles.
Nicolini : Parlons un peu de littérature africaine, d’écrivains burkinabè. Lequel vous a marqué ?
Sankara : Je n’aime pas les romans africains. Pas plus que les films d’ailleurs. Ceux que j’ai lus m’ont déçu. C’est toujours les mêmes histoires : le jeune Africain parti à Paris, qui a souffert, et qui en rentrant est déphasé par rapport à la tradition.
Nicolini : C’est l’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane que vous évoquez là !
Sankara : Oui, et je n’aime pas cette façon de décrire les gens. Dans la littérature africaine, ce ne sont pas des Noirs qui parlent vraiment. On a l’impression d’avoir affaire à des Noirs qui veulent à tout prix parler le français. Ça me gêne. Les auteurs devraient écrire comme on parle actuellement.
Nicolini : Vous préférez qu’ils parlent en petit-nègre ?
Sankara : A la limite, je préférerais. De toute façon les écrivains africains que je préfère sont ceux qui traitent de problèmes concrets, même si je ne suis pas d’accord avec leurs positions. Je n’aime pas ceux qui cherchent à faire des effets littéraires.
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