Quarante-deux jours après avoir été chargé de former le gouvernement, Habib Jemli a rendu sa copie au président de la République, Kaïs Saied. Il lui reste à obtenir l’aval de l’Assemblée pour que son équipe devienne opérationnelle. Le nouveau chef du gouvernement met ainsi fin à des semaines de palabres, de rebondissements et de négociations avec les partis qui l’avaient conduit à annoncer, le 24 décembre, qu’il constituerait un exécutif de compétences non partisanes. Une manœuvre difficile, voire impossible.
Désigné par Ennahdha, parti majoritaire à l’Assemblée avec seulement 52 sièges, Habib Jemli pouvait difficilement faire cavalier seul et ne pas prendre en compte les conditions imposées par la formation menée par Rached Ghannouchi, notamment sur l’attribution des ministères de souveraineté. Mais il a surtout été confronté aux rivalités partisanes et aux exigences des partis qui, en échange de leur soutien au gouvernement, exigeaient certains portefeuilles mais l’exclusion de leur rivaux. De quoi rendre complexe un accord pour un gouvernement tant il a été difficile de parvenir à un équilibre sur fond de paysage parlementaire morcelé.
Certains partis, dont le Courant démocratique et El Chaab, poussaient à constituer « un gouvernement du président », soit un exécutif de soutien à Kaïs Saied. D’autres formations voulaient pour leur part qu’Ennahdha, impliquée dans le pouvoir depuis 2012, gouverne seule afin qu’elle endosse ses responsabilités. Des souhaits non convergents et souvent incompatibles avec les priorités d’un pays qui périclite avec un conflit à ses frontières.
Dissensions au sein du gouvernement
Le nouveau gouvernement, composé de 42 portefeuilles, dont 14 secrétaires d’État, illustre ces multiples dissensions. Malgré toutes les affirmations de Habib Jemli, les ministres ne sont pas tous des indépendants.
Comme attendu, Ennahdha s’accapare pour des ministères de l’Intérieur et de la Justice. Le premier échoit au porte-parole Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, Sofiene Selliti. Proche des islamistes, cet ancien premier substitut du procureur de la République a souvent été confronté aux avocats du collectif de défense de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Le second est obtenu par le magistrat Hédi Ghediri, ancien premier président de la Cour de cassation. Quant à Abdellatif Missaoui, juge et ancien gouverneur de Ben Arous, il aura la charge des domaines de l’État.
Après concertation avec le président de la République, conformément à la Constitution, le diplomate de carrière Khaled Shili prend en charge les Affaires étrangères, tandis que la Défense revient à Imed Dérouiche.
Seulement quatre femmes ministres
Contrairement à ce qu’il avait avancé, Habib Jemli n’a pas octroyé à des pointures connues venues de l’étranger ni 40 % des postes à des femmes. Loin s’en faut, elles ne sont que quatre ministres et six secrétaires d’État. Une déception pour ceux qui avaient espérer que ce gouvernement tant attendu impulse une dynamique nouvelle. Mais le choix de Habib Jemli a été surtout dicté par sa volonté de mettre en place une gouvernance différente plutôt que de s’attaquer à une refonte du gouvernement organisé autour de pôles d’activité. Cette liste tant attendue sera soumise au vote de confiance de l’Assemblée : un test qui en dira long sur l’audience de Habib Jemli.
Composition du gouvernement de Habib Jemli
Ministre de la Justice : Hédi Guediri
Ministre de la Défense : Imed Dérouiche
Ministre de l’Intérieur : Sofien Selliti
Ministre des Affaires étrangères : Khaled Shili
Ministre des Affaires religieuses : Rachid Tabbakh
Ministre des Finances : Abderrahmane Khachtali
Ministre du Développement et de la Coopération : Fadhel Abdelkefi
Ministre de l’Industrie et de l’Energie : Mongi Marzouk
Ministre du Commerce : Béchir Zaâfouri
Ministre de l’Environnement : Noureddine Selmi
Ministre de l’Education : Kamel Hajjem
Ministre de l’Enseignement supérieur : Slim Chouri
Ministre de l’Agriculture : Hassan Chourabi
Ministre de l’Equipement : Raoudha Jabbari Arbi
Ministre de la Santé : Mustapha Ferjani
Ministre des Affaires sociales : Saïed Blel
Ministre du Tourisme : René Trabelsi
Ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi : Hassine Ben Saïed Debbech
Ministre des Technologies : Sami Samoui
Ministre du Transport : Jamel Gamra
Ministre des Domaines de l’Etat : Abdellatif Missaoui
Ministre de la Culture : Fathi Haddaoui
Ministre des Sports : Tarak Dhieb
Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance : Nabiha Bessrour
Ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption : Chiraz Tlili
Ministre chargé des Affaires économiques : Ali Chebbi
Ministre chargé de l’évaluation du rendement du gouvernement : Hédi Bchir
Ministre chargé des relations avec le parlement : Lobna Jribi
Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la diplomatie économique et des Tunisiens à l’étranger : Sana Skhiri
Secrétaire d’État auprès du ministre des Finances : Abdessalem Abbassi
Secrétaire d’État auprès du ministre de la Coopération chargé du développement et de la coopération internationale : Noureddine Kaâbi
Secrétaire d’État auprès du ministre du Commerce chargé du commerce intérieur : Faten Belhédi
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Industrie chargé des PME : Abdelmajid Ben Amara
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Industrie chargé des énergies renouvelables : Mohamed Ammar
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Environnement : Riadh Dabbou
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Agriculture : Mohamed Ali Ben Abdallah
Secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé : Maha Aissaoui
Secrétaire d’État des Affaires sociales : Mohamed Chiha
Secrétaire d’État auprès du ministre des Sports chargé de la jeunesse : Fathi Bayyar
Secrétaire d’État auprès du ministre chargé des sports : Sihem Ayadi
Secrétaire d’État auprès du ministre du Tourisme chargé de l’artisanat : Najet Nefzi
Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Enseignement supérieur : Kaouther Saïed
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