Quinze mois après la chute d’Hosni Moubarak, les Égyptiens votent mercredi et jeudi pour désigner son successeur à la tête de l’Égypte. Un scrutin déterminant pour l’avenir politique de la révolution.
Le coup d’envoi a été donné. Les Égyptiens sont appelés à voter, mercredi et jeudi, pour leur nouveau président. Cette élection - la première depuis la chute du président Hosni Moubarak en février 2011, après trente années passées au pouvoir - est historique, tandis qu’un vent de contestation souffle toujours sur la place Tahrir.
Après la disqualification d’une dizaine de candidats par la commission électorale, douze personnalités sont en lice pour la magistrature suprême. D’après les sondages, quatre d’entre elles se trouvent dans le peloton de tête. À ce jour, sont donnés favoris Amr Moussa, ancien responsable de la Ligue arabe, considéré comme un reliquat de l’ère Moubarak pour avoir été l’un des ministres des Affaires étrangères, et Abdel Moneim Aboul Foutouh, ex-membre des Frères musulmans, qui se présente comme un potentiel rassembleur des islamistes et libéraux. Tous deux se sont vivement affrontés le 10 mai dernier au cours du premier débat télévisé organisé dans le pays. Outre ces deux hommes, Ahmed Chafik, ancien commandant en chef des forces aériennes et rescapé de l’ancien régime, est lui aussi candidat. Quant aux influents Frères musulmans, ils sont finalement entrés dans la course, après avoir annoncé qu’ils n’y participeraient pas, en se ralliant derrière la candidature de Mohammed Morsi, leader du Parti de la liberté et de la justice (PLD).
La stratégie trouble des Frères musulmans
Acteurs phares de la politique égyptienne, les Frères musulmans ont usé d’une stratégie électorale considérée comme douteuse par de nombreux Égyptiens. Alors que leur formation politique, le Parti de la justice et de la liberté (PLJ), a remporté haut la main les législatives en janvier dernier, les dirigeants du parti ont, dans un premier temps, annoncé ne pas vouloir présenter de candidat à la présidentielle. Une déclaration d’intention qui a cependant volé en éclat dès l’annonce de la candidature de Mohammed Morsi, adoubé par la confrérie. Pour les Frères musulmans, ce soudain changement de cap a été décidé pour faire front contre les candidatures de plusieurs apparatchiks de l’ancien régime.
Une explication hypocrite, selon Karim el-Chazli, président de l’association des étudiants égyptiens en France. "Les Frères musulmans sont au Parlement depuis fin janvier, ils n’ont pas réalisé de grands exploits, et se sont même illustrés par un comportement assez immature," analyse le jeune homme, fin connaisseur de la politique égyptienne, joint au téléphone par FRANCE 24. "Ils ont, par exemple, refusé de voter la loi sur l’exclusion des anciens membres du régime. Ce sont des réformateurs, plutôt que des révolutionnaires", estime-t-il.
Une nuance qui n’échappe pas aux manifestants égyptiens, en rébellion contre le pouvoir exercé par l’armée depuis la chute d’Hosni Moubarak. Selon eux, la révolution de février 2011 n’est pas allée assez loin. Quant à la nouvelle Constitution, promise par les militaires après les manifestations massives sur la place Tahrir, elle est toujours en friche. "En Égypte, la période de transition commencera lorsqu’à la tête de l’État il y aura un candidat pro révolution," commente Karim el-Chazli, avant de préciser : "La position que l’on peut voir dans la rue place Tahrir ne reflète pas forcément l’opinion publique égyptienne."
Des électeurs indécis
À quelques heures du résultat du premier tour, difficile de chiffrer précisément les intentions de vote. Au cours de la campagne électorale, les chiffres issus des différents sondages politiques – autorisés pour la première fois dans le pays -, ont varié du simple au double. Outre un indéniable manque d’expérience dans le domaine, les instituts de sondage ont souffert de la propension des personnes interrogées à ne pas exprimer leurs intentions réelles, selon M. el-Chazli.
Par ailleurs, après trente années d’une vie politique verrouillée par le régimen, l’électorat reste méfiant à l’égard des représentants politiques. "Il y a des zones d’ombre autour de plusieurs candidats, notamment Aboul Foutouh ou Ahmed Chafik, poursuit le président des étudiants égyptiens de France, les électeurs ne savent pas vraiment qui ils sont."
Une méfiance à laquelle s’ajoute une grande indécision : selon plusieurs sondages, 40 % des quelque 50 millions d’électeurs ne savaient pas, jusqu’au dernier moment, pour qui voter. Une hésitation symptomatique d’un manque de convictions politiques, selon Karim el Chazli. "Jusqu’à présent, les Egyptiens n’étaient pas réellement sensibilisés à la politique, ils ne se sont jamais positionnés à gauche ou à droite. Les intentions de vote peuvent changer au dernier moment".
1 Commentaires
Lolotte
En Mai, 2012 (21:50 PM)Participer à la Discussion