De jeunes zimbabwéens continuent de quitter leur pays pour l'Afrique du Sud. Mais avant d’atteindre leur nouvel horizon, certains s’exposent à un risque à la limite du suicide : se faire dévorer par les crocodiles du Limpopo.
Par Thabo Kunene, Johannesburg
En juin dernier, alors que les eaux étaient encore hautes, Thulani Sibanda, jeune homme de 27 ans, et deux de ses anciens camarades de classe se sont retrouvés dans leur village de Ntumbamayi, situé dans la province du Matabeleland du nord. Ils comptaient se rendre en Afrique du Sud afin d’y trouver un emploi. Partir à l'aventure en Afrique du Sud est une tradition séculaire chez les Ndebele de l’ouest du Zimbabwe. On y considère qu'un jeune n’ayant jamais travaillé en Afrique du Sud n’est pas un homme.
Thulani et ses amis sont donc tombés d’accord que le temps était venu pour eux de partir pour la nation arc-en-ciel. Aucun d’entre eux ne disposant d’un passeport, ils ont entrepris d’y entrer illégalement, ce qui signifie emprunter une voie d’entrée périlleuse. A savoir, traverser à la nage le Limpopo qui sépare le Zimbabwe de l’Afrique du sud. Le fleuve offre la seule véritable option pour les clandestins ; il est proche du poste de contrôle et offre un accès facile aux points de collecte sur l’autre rive, où les trafiquants d'êtres humains peuvent récupérer des migrants et, contre de l’argent, les transporter jusqu’à Johannesburg.
Les crocodiles les plus dangereux du monde
Les gangs constituent une menace pour les migrants clandestins qui atteignent l’autre rive. Mais ce n’est pas ce qui a donné au fleuve Limpopo son surnom. On l’appelle le "Fleuve de la mort" car de nombreuses personnes ayant essayé de traverser ses eaux ont été dévorées par des crocodiles. D’après la police présente sur les deux rives, ces reptiles seraient responsables de la mort de centaines de jeunes essayant d'entrer illégalement en Afrique du Sud. La police zimbabwéenne de la ville frontalière de Beitbridge a longtemps mis en garde les jeunes afin qu’ils cessent de mettre leur vie en péril. Les crocodiles du Limpopo comptent parmi les plus grands et probablement les plus dangereux au monde. Des experts laissent entendre que parmi tous les prédateurs, les crocodiles marins sont ceux qui causent le plus de morts d’hommes par an. Ce sont d’excellents nageurs et s’adaptent très bien à l’eau, qui constitue leur milieu de prédilection pour la chasse.
Avant de monter à bord du bus pour Beitbridge, les trois camarades sont allés voir un "sangoma", un guérisseur traditionnel. Leurs amis qui ont pu traverser le fleuve sans incident ont parlé du rituel de protection du sangoma, qui coûte 200 rands sud-africains (environ 18 euros). Thulani raconte que le sangoma leur a donné une potion, une muti — nom que l'on donne au médicament traditionnel chez les Ndebele — mélangée à du sang de crocodile et à des feuilles sèches. "Le sangoma nous a fait savoir que le charme nous protègera des crocodiles, et nous l’avons cru." Il a été demandé aux trois jeunes de mettre les charmes autour de leurs têtes comme des colliers, et d’embaumer leur corp et leur visage avec ce sang avant de traverser le fleuve.
La stratégie de la traversée
Thulani et ses camarades ont attendu jusqu’à la nuit tombée. C'est à ce moment, dit-on, que les gardes sont absents des zones du long de la clôture. "Lorsque nous sommes arrivés au bord du fleuve, nous avons rencontré d’autres personnes qui avaient l’intention de passer en Afrique du Sud", confie Thulani. "Mes deux amis ont décidé que nous traverserions avec eux, mais j’ai choisi d’attendre qu’ils partent d’abord et de les suive ensuite, pour estimer le danger probable."
Habituellement, les crocodiles se couchent sur les berges du fleuve et entrent en action lorsqu’ils voient des personnes ou des animaux plonger dans l’eau. A en croire Thulani, dès que le groupe de plongeurs a atteint une partie profonde du fleuve, les crocodiles sont sortis de nulle part. "J’ai vu avec horreur comment les crocodiles se sont saisis des jeunes et les ont entraînés tout au fond de l’eau", se souvient-t-il. Les camarades de classe de Thulani étaient parmi les victimes.
"Les images ne cessent de me revenir"
Dans un état de choc, Thulani est sorti du fleuve et est allé directement au poste de police de Beitbridge pour faire une déposition concernant les attaques. Deux jours plus tard et après des recherches conjointes entre les polices zimbabwéenne et sud-africaine, les restes de ses amis et d'autres jeunes ont été retrouvés sur les berges du Limpopo.
"Je n’oublierai jamais ce jour-là", confie Thulani. "Les images ne cessent de me revenir à la mémoire, surtout lorsque je ferme les yeux la nuit." Depuis, le jeune homme a obtenu un passeport et est finalement arrivé en Afrique du Sud.
7 Commentaires
Ssaparal
En Novembre, 2012 (10:39 AM)Senenmut
En Novembre, 2012 (13:36 PM)- attul diassit
Il mord et fait sa vrille disloquante. C'est une fois sa proie noyée et laissée faisandée plusieurs jours que sobek mange. Méfions nous des autres potions et talisman des charlatans. Si leur science était si concluante, ils seraient depuis trés longtemps immortels et immensément riches. Cequi n'est pas le cas. Ce sont des criminels et rien d'autres. Même ces crocolides sont mieux qu'eux.
Bari Mana
En Novembre, 2012 (14:59 PM)Dof
En Novembre, 2012 (15:07 PM)Désolé
En Novembre, 2012 (12:10 PM)Yama
En Novembre, 2012 (16:27 PM)Leuz
En Novembre, 2012 (00:52 AM)Participer à la Discussion