« Toutes les ambitions sont légitimes,
excepté celles qui s’élèvent sur les misères ou
les crédulités de l’humanité »
Joseph CONRAD
Qu’Aminata Tall nous pardonne, la nomination d’Abdoulaye Makhtar Diop nous fait oublier l’injustice que constitue son éviction du secrétariat général de la présidence. Elle était un des rares cadres du Pds des années 80 à rester auprès d’Abdoulaye Wade. Abdou Diouf a eu du mal à réprimer un sourire quand, un soir, il a vu cette novice de la politique figurer sur une liste de quatre personnes qui devaient être nommées dans le premier gouvernement de majorité élargie. « Elle fait partie de la section bleue », avait répondu sans convaincre, l’opposant Wade. Le poids de l’âge n’a rien changé à cet attachement. Vingt ans après, presque jour pour jour, Abdoulaye Wade est obligé d’expliquer comment il a été « forcé » de prononcer la séparation.
Ce qui donne à cette énième trahison un poids supplémentaire, c’est qu’Aminata Tall commençait à voir la menace s’éloigner, depuis que le président de la République a déclaré qu’il ne toucherait pas à son gouvernement avant la présidentielle 2012. Promesse trahie ! Ce qui la rend injuste, c’est sans doute la personnalité de celui qui hérite du ministère que « l’âme du Pds » vient d’abandonner. Je reste sur cette période de gestion partagée du pouvoir parce que c’est là qu’un jour, Abdoulaye Wade et Abdou Diouf ont eu une passe d’armes mémorable. L’opposant était revenu sur la gestion des 39 milliards de francs alloués par la Bad pour constituer le Fonds de promotion économique. Il avait d’abord exigé que la gestion de cette manne financière fût confiée aux partis politiques membres du gouvernement. Quand Abdou Diouf a refusé, il est revenu à la charge, s’offusquant qu’Habib Thiam s’emparât des fonds, au détriment du ministre des Finances de l’époque, Famara Sagna. Abdou Diouf a piqué une vive colère et a répondu : « J’en ai marre de votre chantage. Si vous voulez partir, partez tout de suite. »
Savez-vous qui a relaté le détail de cette répartie cinglante dans la presse ? Abdoulaye Makhtar Diop, ci-après ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique d’Abdoulaye Wade. Il avait par la suite engagé une vive polémique avec l’actuel président de la République, se félicitant que Diouf l’ait humilié. Il était devenu l’homme des coups bas et des sales besognes du régime socialiste, à la tête de sa propre milice et ne donnait aucun répit à celui qui le nourrit aujourd’hui. Il réprimait et sabotait toutes les manifestations que le Pds organisait à Dakar, avec l’appui de Mbackiou Faye. Il n’a jamais manqué l’occasion de prouver sa loyauté à Ousmane Tanor Dieng. Lors du Congrès sans débat de 1996, il a asséné un violent coup de poing à qui avait osé défier Ousmane Tanor Dieng, par un « vive Djibo ». La rumeur publique avait rapporté que le pauvre monsieur s’était fait payer 50 000 francs pour recevoir cette charge musclée. Il avait poussé l’arrogance jusqu’à refuser de quitter un logement de l’Etat, obligeant l’Etat, avec la complicité de ses protecteurs de l’époque, à lui vendre ce gros bijou au prix qu’il a imposé. Quand Abdoulaye Wade a voulu restituer ce bien de l’Etat au début de l’alternance, Diop Makhtar a épousé la nièce du président et l’a installé convenablement dans ce beau palais. Les petits roitelets d’Europe agissaient ainsi, quand ils voulaient s’assurer la protection d’un monarque plus puissant.
Depuis, l’ancien maire du plateau a multiplié les appels du pied jusqu’à se lasser. Il déclarait il y a quelques semaines, face contre les caméras de la télévision nationale : « Mais je ne vois pas ce que je ferai dans le gouvernement de Wade à 11 mois de la Présidentielle. Je ne vois pas pourquoi je devrais suivre Mamadou Diop et Alassane Dialy Ndiaye dans un gouvernement. Je ne serai jamais un porteur de voix de Wade. Si je dois entrer dans un gouvernement, ce sera dans le cadre d’une alliance autour d’un programme. » Il s’était montré très critique avec le Fesman, le jugeant « malvenu ». Il se moquait d’Aboulaye Wade qui continuait à « tripoter » la Constitution.
Hélas, un si grand ventre ne peut pas supporter le vide. Dès qu’il a vu la porte de la salle à manger s’ouvrir, il s’est rassis sur ses convictions d’alors. Si le ridicule tuait dans ce pays, il commettrait des crimes de masse.
C’est une odieuse traduction d’une conviction qu’Abdoulaye Wade assène depuis des décennies : son principe de Condorcet à lui, battu et rebattu, selon lequel les hommes comme la nature sont soumis à la même loi invariable, celle de l’argent. Il a fait de ce petit brouet philosophique une règle de conduite. Quelle époque, quelles mœurs !
Bien entendu, derrière ce désordre apparent, il a une logique bien à lui. Ce président sait que ces nominations ne sont d’aucun effet et qu’au mieux, son électorat lui fera payer ses trahisons. Si Abdoulaye Makhtar Diop, Mamadou Diop et Alassane Dialy Ndiaye avaient un contrôle sur l’électorat de la capitale, ils n’auraient jamais perdu des élections comme ils en perdent depuis 20 ans. Les deux premiers ont été battus dans leurs localités aux dernières locales, le troisième n’excelle que dans la maçonnerie.
Mais il est obsédé par sa soif de vengeance. Depuis les élections locales de mars 2009, il porte Pape Diop comme un eczéma sur la peau, déterminé à lui faire payer la défaite de son fils. Ses frères de parti rechignent, instruits par les mises à mort successives d’Idrissa Seck et de Macky Sall, assurés qu’ils sont les suivants sur la longue liste des condamnés. Mais dans la mission qu’il s’est fixée de maintenir sa fratrie aux commandes de l’Etat, Abdoulaye Wade ne se donne aucune limite. Pour démettre Pape Diop, il va recruter dans l’ancienne pègre socialiste, des hommes pour le combattre.
Toutes ces manœuvres nous avilissent davantage et nous humilient, c’est un fait. J’ai moi-même été sonné debout, en regardant Seynabou Diop -une autre bonne connaissance d’Abdoulaye Wade- lire le décret nommant Abdoulaye Makhtar Diop « ministre d’Etat ». Mais elles ne seront d’aucune utilité, face à la détermination des sénégalais. Abdoulaye Wade oublie sans doute que si ce peuple était constitué de lâches et de vendus, comme le prétend sa femme, il n’aurait jamais été élu président de la République. C’est ce que m’inspirent les évènements de ces dernières semaines en Tunisie. Abdoulaye Wade n’a fait que copier le dictateur tunisien, en essayant d’investir massivement dans l’éducation, sans connaître la même réussite. Quelques réalisations économiques qui ont laissé sur la route les plus pauvres, quelques réformes en faveur des femmes ont suffi comme prétexte pour imposer une autocratie féroce. Les Tunisiens ont fini par avoir assez d’une famille corrompue et arrogante, les Sénégalais suivront. A un ami qui me demandait si l’immolation par le feu comme moyen d’expression de la colère était une particularité arabe, j’ai rappelé que c’est devant les grilles du palais de Wade que cette méthode a été expérimentée pour la première fois. C’était le 29 septembre 2008. Kéba Diop avait marché de Ziguinchor à Dakar, pour réclamer des arriérés de loyer que lui devait le parti d’Abdoulaye Wade. Un jour, des milliers d’hommes enragés mettront fin à cette canaillerie. Leur colère sera à la mesure de leurs espoirs déçus. Pour paraphraser Cicéron, cité opportunément par Abdoulaye Makhtar Diop, combien de temps, Abdoulaye Wade, abuseras-tu de notre patience ? Je ne connais pas dans l’histoire, un peuple lâche, au point de se maintenir indéfiniment sous le joug d’un dictateur. Si les dictatures tombent les unes après les autres, c’est que l’oppression est un crime inexpiable et la liberté, un droit inaliénable.
SJD
13 Commentaires
Null
En Janvier, 2011 (11:50 AM)Aziz
En Janvier, 2011 (12:09 PM)Civisme
En Janvier, 2011 (13:03 PM)Abdoulaye wade, est un champion dans la fourberie et la roublardise, il les fera tous renier leur moi!
Ngor Gabon
En Janvier, 2011 (13:15 PM)Merci
Massa
En Janvier, 2011 (18:17 PM)Bepams
En Janvier, 2011 (20:17 PM)Lune
En Janvier, 2011 (12:55 PM)NOUS DEMANDONS AUSSI A LA SOCIETE CIVILE ,LES SYNDICATS,LES ETUDIANTS ET ELEVES DE SE JOINDRE A NOUS POUR ORGANISER DES JOURNEES DE VILLE MORTE A DAKAR ET LES AUTRES REGIONS DU PAYS
LE REGIME DE BEN ALI ETAIT PLUS FORT ET MIEUX STRUCTURE QUE CELUI DE WADE EN UNE SEMAINE DE MANIFESTATIONS A LE REGIME DE WADE VA TOMBER
ON A ASSEZ SOUFFERT ET HALTE AUX BAVARDAGES ET IL EST TEMPS DE SORTIR
WADE N'A PLUS DE SOUTIENS A L'EXTERIEUR NI A L'INTERIEUR
JE DEMANDE AUX JEUNES QUI SONT DANS LES QUARTIERS DE S'ORGANISER EN COMITES REVOLUTIONNAIRES AFIN QUE NOS ACTIONS SOIENT CONCERTEES
Bx
En Janvier, 2011 (17:57 PM)respects
Néke
En Janvier, 2011 (21:26 PM)Blain
En Janvier, 2011 (12:34 PM)Halwar
En Janvier, 2011 (11:01 AM)Salut !
???
En Janvier, 2011 (09:00 AM)ON SUR DAKARONLINE OU ON PEUT S'EXPRIMER LIBREMENT
Le Che
En Janvier, 2011 (00:24 AM)Participer à la Discussion