« C’est toujours sur une démission collective
que les tyrans fondent leur puissance »
Maurice DRUON
Macky Sall héritera de son « frère » Idrissa Seck la condition de victime officielle du Wadisme, pour lequel il fait désormais dans la langue morte, après avoir essayé la langue de bois. Le président de la République lui a fait perdre la voix, en lui coupant la langue en deux, en trois... La première fois, c’était avec Awa Diop. Mais le coup de jeudi lui a été porté en pleine… gorge. Nommer Samuel Amet Sarr ministre de l’Energie, après tout le mal qu’il a dit du Premier ministre est un sort cruel. Comme toujours, le « florentin » a passé la pommade toute la journée, en sommant son ministre de la parole, Farba Senghor, de cesser ses attaques « personnelles » contre « son » Premier ministre. La grosse seringue attendait.
On avait l’air d’assister aux chants funèbres qui ont précédé l’enterrement d’Idrissa Seck. A la différence que le président de la République n’est pas prêt. C’est ce qu’il dit à tous ses visiteurs du soir, impatients de voir une nouvelle victime sur le croc du boucher. « Non, ce n’est pas le moment», avec son humour féroce. C’est ce qu’il répète à Madické Niang, qui fait grise Mine depuis sa dernière altercation avec « l’arriviste ». Il a lui aussi rendu sa démission au président de la République, qui l’a supplié de rester, et d’attendre « Tabaski » Sall, quand les dieux de la politique lui diront que le moment de sacrifier le « fils » est arrivé. Il envoie parfois la meute l’assaillir, mais il veut le tenir en laisse jusqu’au 05 juin. Le président s’est rendu compte que le « géologue » n’a pas l’échine aussi souple qu’il le croyait.
Le troisième fils en est maintenant convaincu, ses ennemis ont pris le contrôle du cerveau du président, ils lui font faire à peu près ce qu’ils veulent. Mais c’est mal connaître ce napoléonien de campagne. Il n’a jamais su se défaire de sa division de malfrats, depuis qu’ils se sont introduits dans l’arrière-cour familiale où se préparent les mauvais coups. Ils déterminent désormais tout, jusqu’à son agenda personnel. Le Conseil des ministres est maintenant divisé en deux camps retranchés, celui de Karim et celui de Macky. Tous se regardent en chiens de faïence, et observent leur « créature » cent chevaux refaire le monde, à la manière du docteur Frankenstein.
Macky a signé son certificat de décès quand il s’est aliéné Pape Samba Mboup, premier breveté de l’école du Sopi. Il a permis une jonction inattendue et inespérée, entre son ennemi d’aujourd’hui, Karim Wade, et son ennemi de toujours, Modou Diagne Fada. Il a ajouté à cette liste, déjà longue, les deux conseillers financiers du président de la République qui mangent à la table familiale. Madické l’a sauvé de prison. Il a encore donné ses 50 millions en février 2000, pour sauver son domicile du Point-E de la saisie. Samuel Amet est un radier insubmersible. Il a déjà pris une balle en Angola, savait en 1993, et il s’est tu, même sous la torture.
Tous les deux occupent désormais, dans l’entreprise Sénégal, la même place qu’ils occupaient dans l’entreprise familiale. Ils occupent deux secteurs névralgiques à grosse valeur ajoutée, l’Energie et les Mines, le sol et le sous-sol de Kër Buur.
Macky a foulé aux pieds les règles qu’il édictait à Idrissa Seck, ne jamais tenir tête. Il a désormais les yeux rivés sur la montre et la calculette, sûr que le chemin de Golgotha lui est ouvert. Il a passé la fin de semaine à sommer les entrepreneurs de Fatick, engagés dans les « chantiers », d’arrêter de traîner les pieds. Il a peur que ce qui est arrivé à Idrissa Seck lui arrive, qu’on arrête les travaux dès son départ du gouvernement, et qu’on aille y chercher des « raisons » de le mettre en prison. « Le Soleil » lui a fait la fine fleur, mardi, en rappelant qu’il a été un Premier ministre dévoué, comme s’il sentait un coup venir d’en bas. C’est vrai. Macky n’a fait aucun mal, c’est son heure qui est venue !
L’indien Mital a révélé la semaine dernière un investissement direct de 2 milliards de dollars dans le Faleme, le plus important jamais réalisé dans la sous région, semble-t-il. Il a même ajouté qu’il a payé 5% de royalties aux autorités sénégalaises, qui ont vite chassé les sud-africains. Dans ce nouveau Far East, on exploite déjà de l’or, et qui sait, si les perspectives sont bonnes, du pétrole. On ne laisse pas une aussi grosse tirelire à des mains inexpertes. Madame Wade y a déjà construit un hôpital et un aérodrome pour y faire décoller des avions, normal qu’elle attende du cash en retour.
Depuis qu’il a quitté le Point-E, Wade n’a rêvé que de ça, gérer la République comme il gère sa famille. Le président n’a pas tué l’opposant, et c’est sans doute l’avertissement qu’a voulu nous lancer le sémillant Latif Coulibaly dans « Wade, un opposant au pouvoir ». Mademba Sock, qui a eu encore un face-à-face courageux avec le président-opposant, l’a expérimenté dès les premières heures de l’alternance. Alors qu’il était resté des mois sans salaire, il a trouvé son fringant président de la République dans son bureau, les poches pleines, qui lui répétait « mais dis-moi, si tu as des problèmes d’argent, dis-moi ». Il faut avoir du courage et du caractère pour faire ce qu’il a fait mardi. Wade a été pris dans son propre jeu, il fait des promesses comme il veut. Beaucoup de gens ont eu cette surprise à l’issue de leurs audiences. Il leur demande de répéter des engagements farfelus devant la télévision nationale, et se permet de les oublier tout de suite après.
Il réussit quand même à se tirer d’affaire, en accusant sa mémoire, pour se rappeler quand même, dans le détail cette fois-ci, qu’il a remis 600 millions à Mody Guiro, les 100 pour laver le sang des victimes de son entêtement et de son irresponsabilité. Une autre gaffe qui porte sa signature. C’est lui-même qui avait appelé au meurtre, en attaquant vertement le successeur de Madia Diop, devant les caméras de la télévision, au Cices. C’est dans les officines du Pds que cette mise à feu a été commandée, et c’est le président de la République qui a donné la poudre, la mèche, et les allumettes. Il a savamment orchestré un éclatement du syndicat, et quand il a échoué, ils ont répété en choeur « autant y mettre le feu ». Macky Sall revendiquait en ce moment l’amitié de Cheikh Diop, qui a par la suite été jeté en prison, le temps d’étouffer le scandale. Le cœur était à l’outrage, ce 1er mai. La veille, Wade avait encore envoyé 3 millions à tous les responsables syndicaux. Il organise tout ce déferlement de millions et de milliards avec ses « fonds politiques », en essayant de convaincre les syndicats qu’il n’y a pas d’argent pour augmenter les salaires. Son nouveau ministre de l’emploi, le bouillant Babou l’a annoncé partout, et lui s’est chargé d’annoncer les gros montants le jour de la fête. Pencum Sénégal en mode Vista !
Son libéralisme compulsif lui fait croire que tout peut se monnayer, même la paix sociale, et c’est tant mieux si des hommes comme Mademba Sock peuvent lui coller une claque pour le ramener à lui-même. Le temps de répit qu’il demande, nous le lui avons déjà donné. De 2002 à 2006, le pays s’est ouvert un long bail, rompant avec des périodes électorales tous les 17 mois et un climat social tendu. Il a rompu le pacte, en laissant ses irresponsables « syndicalistes » mettre le feu à la Bourse du travail, en laissant sa flicaille dévouée tirer sur un étudiant innocent. Elle vient de le répéter inutilement à Kolda. C’est son unilatéralisme arrogant qui l’a fait traiter son opposition d’irresponsable, et ses syndicalistes enseignants de « criminels » (Macky Sall s’y était mis, avant de se ressaisir, heureusement). C’est à eux qu’il demande trois années de trêve, pour instaurer son nouvel ordre immoral. Il feint d’oublier une déclaration que tout le monde peut voir dans le communiqué rendu public le vendredi 06 mai 2006 dans le journal Le Soleil, alors que des instructions avaient même été données au Premier ministre, pour convoquer une réunion ministérielle sur la clé de répartition de cette enveloppe de 600 millions. Le Premier ministre ne s’est jamais exécuté, parce qu’il a sans doute compris que Wade faisait encore « com ». C’est le nom de baptême du mot mensonge, dans les milieux civilisés du Sopi, et nous le devons à son spécialiste Hassan Bah. Il n’a pas oublié les « chaleureuses » félicitations qu’il a adressées le même jour à son fils, « président de l’Anoci », et le « monitoring » (l’anglicisme a gagné le Conseil des ministres) de la « Task Force », dirigée par sa fille. Parcourez d’ailleurs les communiqués du Conseil des ministres. C’est une compilation de mensonges et de vœux pieux. A un tel point que depuis qu’on a confié sa rédaction à un avocat, on n’y lit que « le président de la République a reçu untel, le Premier ministre a prié pour le président de la République ». Mais lisez surtout le dernier décret de répartition des services de l’Etat. Vous y verrez le grand désordre qui nous gouverne.
Malgré tout, j’en vois qui s’en prennent à Mademba Sock, pour avoir rappelé au président de la République ses promesses non tenues. On s’en prend comme d’habitude au steward, pendant que le commandant de bord nous mène en pilotage automatique à la catastrophe.
http://www.gouv.sn/conseils_ministres/cdm_detail.cfm?numero=387
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