L’espace politique sénégalais est devenu brusquement bouillonnant. A défaut d’assister à la Déclaration de politique générale du Chef du gouvernement, il faut quand même constater que le temps de grâce accordé aux nouvelles autorités est arrivé à terme. L’opposition, qui tient à cette exigence constitutionnelle, veut voir Ousmane Sonko au parloir, même si, rappelons-le, 12 ans plus tôt, Abdoul Mbaye, le Premier ministre d’alors, ne s’est adonné à cet exercice républicain qu’environ cinq mois après sa nomination.
Mais c’est sans compter avec la détermination de l’ex-maire de Ziguinchor d’imposer la mise à jour du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, actuellement dépourvu de toutes les dispositions relatives au Premier ministre. C’est cela aussi la conséquence si la vie des institutions républicaines est suspendue au bon vouloir de nos politiques. La Primature, supprimée au lendemain de la réélection de Macky Sall en 2019, est rétablie, deux années plus tard. En procédures d’urgence ! Ce qui est paradoxal dans tout ça, c’est que cette même Assemblée, qui a adopté à une écrasante majorité le projet de révision constitutionnelle (92 voix, deux contre, et huit abstentions), n’a jamais pris le temps nécessaire de s’adapter à ce changement de régime. Sacré pays !
Quoi qu’il en soit, le leader de Pastef, qui ne s’est pas dévêtu de son manteau d’opposant, a juré de ne pas y mettre les pays, tant que cette « anomalie » n’est pas corrigée. Mieux ou pire, il n’exclut pas de faire son grand oral en dehors de l’hémicycle, qui incarne le pouvoir législatif. « En cas de carence de l’Assemblée, d’ici le 15 juillet 2024, je tiendrai ma Déclaration de Politique générale devant une assemblée constituée du peuple sénégalais souverain, de partenaires du Sénégal et d'un jury composé d’universitaires, d’intellectuels et d’acteurs citoyens apolitiques. Ce sera l’occasion d’un débat libre, ouvert et, à coup sûr, de qualité largement supérieure », a notamment annoncé Ousmane Sonko.
A ce titre, il faut souligner que cette polémique semble frôler tant les manœuvres politiciennes que les préoccupations juridiques. Car, dès lors que tout le monde est d’avis que le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale actuelle possède des lacunes concernant le poste de Premier ministre, la sagesse et la rigueur voudraient que l’on commence par corriger en urgence ces irrégularités, avant de poursuivre les procédures législatives impliquant ce dernier. Cette remise à niveau de l’arsenal institutionnel est un chantier beaucoup plus critique et urgent qu’une Dpg qui n’a aucune conséquence juridique ; le Premier ministre étant bien fondé de mettre en pratique tout le contraire de ce qu’il a annoncé s’il le souhaite.
Alors, même si l’opposition est dans son rôle le plus légitime, il ne faudrait pas confondre la politique avec le droit. En effet, dans le cas d’espèce, il n’y a aucun risque juridique de nature à déboucher sur le vote d’une motion de censure lors de cette déclaration. La Constitution du Sénégal dispose, dans son article 55, qu’« après sa nomination, le Premier ministre fait sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d’un débat qui peut, à la demande du Premier ministre, donner lieu à un vote de confiance. En cas de vote de confiance, celle-ci est accordée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale ». En termes plus clairs, pour être adopté, le texte doit ensuite être voté à la majorité absolue des 165 députés. « Si la motion de censure est adoptée, le Premier ministre remet immédiatement la démission du gouvernement au président de la République », détaille plus loin, la Charte fondamentale.
Il est donc clairement indiqué que la Déclaration de politique générale du Premier ministre est suivie d’un débat qui « peut, à la demande » de l’intéressé lui-même, donner lieu à un vote de confiance. Ce qui veut dire que le chef du gouvernement est libre de demander ou non le vote de confiance. Autrement dit, Ousmane Sonko n’est pas constitutionnellement obligé de solliciter le vote de confiance et de s’exposer, par conséquent, à un vote éventuel d’une motion de censure dans ce contexte de cohabitation. S’il ne la sollicite pas, il n’y aura pas de possibilité de vote d’une motion de censure.
A noter, par ailleurs, que l’article 86 de la Constitution du Sénégal dans sa version issue de la révision constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016, prévoit une autre voie. « Le Premier ministre peut, après délibération en Conseil des ministres, décider de poser la question de confiance sur un programme ou une déclaration de politique générale. Le vote sur la question de confiance ne peut intervenir que deux jours francs après qu’elle a été posée. La confiance est refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Le refus de confiance entraîne la démission collective du Gouvernement ». Mais là encore, les mêmes remarques précédemment évoquées valent. Ousmane Sono n’est pas non plus obligé de le faire.
Restant sur le terrain politique, ce dernier brandit l’arme de la dissolution de cette XIVe Législature dès le 31 juillet prochain comme le préconise Aminata Touré. Ce n’est donc pas un hasard si le député Abdou Mbow a déclaré que le « groupe parlementaire Benno bokk yaakaar a enclenché une réflexion de réforme tendant à supprimer les articles qui permettent au président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, mais aussi qui permettent à celle-ci de déposer une motion de censure contre le gouvernement ». C’est là que se situent le jeu et le véritable enjeu politique de cette Dpg.
8 Commentaires
Irving
En Juin, 2024 (09:48 AM)Reply_author
En Juin, 2024 (14:02 PM)Va donner tes conseils aux députés faussaires de benno qui ont tripatouillé le règlement intérieur de l'AN, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes ces hors la loi. Leur boycott de la loi d'orientation budgétaire n'est rien d'autre qu'une fuite en avant pour ne pas se voir humilier et mettre à nu leur mensonge sur le budget depuis 2012 à maintenant par le ministre actuel qui savait tout sur la programmation budgétaire de 2012 à maintenant, mais tenu par le droit de réserve.
Cette falsification volontaire du règlement intérieur de l'Assemblée nationale ne doit pas passer comme ça sans aucune sanction pénale, c'est de la haute trahison tout simplement. Je ne peux pas comprendre qu'un groupe de député pour leur propre intérêt se permet de modifier de leur gré les lois d'une institution nationale qui tire sa légitimité de la constitution. C'est très grave pour laisser ce scandale sans sanction. Non seulement les députés doivent porter plaintes contre les imposteurs, mais le président de la République lui-même gardien de la constitution doit aussi porter plainte.
Cet acte abject constitue un motif valable de dissolution de l'APR.
Je rappelle que l'APR est coutumière des faits et ce n'est pas la première fois qu'il viole volontairement et ostentatoirement les lois de ce pays.
En 2019, pour éliminer Karim Wade, L’APR, a modifié frauduleusement l'article 57 du Code électoral en y glissant le mot électeur à l'insu de tout le monde.
En 2012, pour régler les comptes de Karim Wade, Macky Sall a ressuscité la CREI en violation totale de la constitution, dans laquelle ne figure nulle part la CREI dans l'ordonnancement des institutions judiciaires du pays parce que supprimée implicitement par la loi organique de 1984 organisant les institutions judiciaires et confirmées par la loi de 2014 instituant les chambres africaines extraordinaires.
On se rappelle aussi du rabat d'arrêt de Khalifa Sall suspensif que ce groupe de bandit a violé volontairement pour empêcher la candidature de khalifa sall.
Combien de décisions judiciaires de la CDEAO, ou du comité des droits de l'homme qui leur sont défavorables, que cette mafia à la tête de nos institutions depuis 2012 a volontairement ignoré et violé sans compter leur mainmise sur les tribunaux ordinaires où c'était la loi de l'APR et de Macky Sall qui régnait.
Serigne Mbaye Thiam en tant que ministre de l’Éducation n’avait-il pas refusé publiquement de se soumettre à la décision de la cour suprême, Moustapha diop ministre n’avait-il pas insulté et chasser comme des malpropres des magistrats de la cour des comptes venus l’auditer. Madiambal diagne condamné à 3 mois fermes n’a jamais mis les pieds en prison etc… Pour vous dire en fin de compte que l’APR doit être dissout et les députés faussaires sanctionnés sévèrement pour que personne n'aurait le courage de recommencer dans l'avenir.
Le Senegal
En Juin, 2024 (09:51 AM)Gérer à distance dafa khew comme Karim akk Pds.
Amsa
En Juin, 2024 (10:11 AM)Xorom-sukeur
En Juin, 2024 (10:58 AM)La déclaration de politique generale est une DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE. Elle est au dessus de tout. Et au nom de la séparation des pouvoirs, ce n'est pas au premier ministre de mettre son nez dans le reglement intérieur de l'Assemblée nationale.
Amad
En Juin, 2024 (12:43 PM)Participer à la Discussion