Ce Sénat là . . . .
« Ce Sénat là
. . . », tel est le titre d’une excellente contribution publiée par le Pr
Abdoulaye Dièye de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Après avoir observé pendant
un an le fonctionnement du sénat mis en place par l’ancien vieux président
politicien et procédé à l’analyse des textes, le constitutionnaliste en est
arrivé à cette conviction : « Ce sénat-là est non seulement inutile, mais
aussi il pose problème et prend même des
libertés avec la volonté du constituant. » Aujourd’hui que la
suppression de ce sénat se pose avec acuité,
je n’ai pas pu résister à la tentation de rappeler le texte du Pr Dièye
pour m’en inspirer largement.
Pour montrer le
caractère dérisoire du Sénat sénégalais, il s’est employé à le comparer à ceux
existant dans des Etats fédéraux où « la seconde Chambre constitue l’instance de
représentation des divers Etats composant la Fédération ». Il cite
et développe ainsi les exemples que représentent les Etats-Unis, l’Allemagne et
même le Conseil des Etats en Suisse. Il en conclut que « la
deuxième Chambre est, en règle générale, le cadre de participation des unités
fédérées au pouvoir législatif dans ces Etats ».
Quant au Sénégal,
poursuit-il, « c’est un Etat unitaire et comme dans la plupart des Etats simples, la
seconde Chambre est considérée comme le lieu de représentation territoriale
(c’est le cas en France, en Espagne, etc) ». Il démontre ensuite,
en évoquant l’histoire, que « les arguments brandis pour justifier le
bicaméralisme dans un Etat unitaire ne résistent pas à l’analyse dans le
contexte sénégalais ». Il illustre son assertion par des arguments
techniques sur lesquels je ne m’appesantirai pas. Je me contenterai plutôt de
rappeler, en profane, que le Sénat mis en place par l’ancien vieux président
politicien ne peut être, en aucun cas, considéré comme « le
lieu de représentation territoriale », pour la simple raison que
65 sénateurs sur 100 y ont été nommés. Nous nous retrouverions dans la même
situation (ou presque) avec le Sénat qui allait être élu et auquel le président
Macky Sall a heureusement renoncé.
Pour revenir au
texte du Pr Dièye, il poursuit ainsi son explication de texte : « Au
Sénégal, on pratique un présidentialisme pur et le Parlement, sans état d’âme,
met son pouvoir à la disposition du président de la République et exécute tous
ses désirs ». Quelle peut-être donc, dans ces conditions-là,
l’utilité d’un sénat au Sénégal ? Aucune. Il est d’autant plus inutile
qu’ « il n’a ni les ressources humaines en nombre suffisant, ni les pouvoirs
constitutionnels pour renforcer l’action de freinage qu’imprime, par hypothèse,
la cassure du Parlement en deux fractions ». La procédure de
révision de la Constitution en cours au Sénégal, met encore plus en évidence le
caractère dérisoire du Sénat sénégalais. « Il ne peut pas empêcher
l’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi constitutionnelle ».
Par un sursaut
d’orgueil ou de survie, il a rejeté le projet de modification constitutionnelle
visant sa suppression. Mais, ce rejet ne peut pas bloquer le projet car,
« même s’il dit non, le Projet est transmis à l’Assemblée nationale qui,
aux termes de l’article 71 alinéa 2 de la Constitution, l’adopte définitivement ».
Ce à quoi elle va s’employer ce mardi 18 septembre. Il restera alors
l’approbation pour laquelle le Congrès sénégalais va se réunir probablement
demain. En France, c’en serait terminé définitivement de la procédure, si le
Sénat votait contre le Projet ou la proposition de révision constitutionnelle.
C’est ce que précise le Pr Dièye qui remet aussi en cause l’idée de « présenter
la deuxième Chambre comme l’instance de représentation des collectivités
locales décentralisées ». Il considère cette décentralisation
« plus qu’institutionnelle que réelle », comme une décentralisation
avec des collectivités locales sans moyens en rapport avec le volume des
compétences transférées et sur qui pèse une épée de Damoclès : la
dissolution en toute illégalité ». Mbane, Sangalkam et nombre d’autres
collectivités locales en ont fait les frais. Les frais d’une injustice
flagrante qui ne semble pas beaucoup déranger le nouveau gouvernement. C’est,
du moins, mon intime conviction.
Le Pr Dièye s’est
employé ensuite à illustrer abondamment que le Sénat sénégalais était non
seulement inutile, mais qu’il posait aussi problème. Il a ainsi comparé les
compétences de l’Assemblée nationale à celles – s’il en eut jamais – du Sénat.
Les premières, qu’il a pris le soin d’énumérer, sont exorbitantes par rapport
aux secondes qui sont carrément dérisoires, voire inexistantes. Pourtant,
contre toute logique, c’est le président du Sénat qui préside le Congrès et
assure la suppléance du président de la République, en cas de vacance du
pouvoir pour les raisons prévues par la Constitution.
Le Pr Dièye a
souligné une autre incongruité, « le sénat qui (s’est payé) même le luxe de … violer
la Constitution », et l’a illustrée par des arguments irréfutables
tirés de la Loi fondamentale.
Le Pr Dièye fera
enfin remarquer que « ce Sénat est mal né » et que,
« parce que mal né, il sera difficile de restaurer la confiance des
citoyens envers cette institution très prompte à organiser des visites de
terrain sans aucune suite législative (et dont) la seule raison d’exister est,
finalement, de servir ».
Il importe de
signaler surtout que, pendant cinq ans d’existence, notre fameux Sénat a eu à
adopter 46 lois dont 45 à l’unanimité. La seule qui ne l’a pas été, a
enregistré une seule voix contre. C’était la Loi sur la parité.
Le président Papa
Diop qui a eu jusqu’ici une position lucide (ou réaliste), l’a bien reconnu
après le rejet du Projet de modification
de la Constitution par la majorité de ses collègues. Il a confirmé le Pr Dièye
en affirmant que c’était la première fois que le Sénat votait contre un projet
ou une proposition de loi.
Comment peut-on donc,
moralement, défendre un tel sénat ? Un sénat parfaitement inutile et
servant uniquement « de
lieu de promotion sociale et politique ». Il nous coûterait
annuellement sept milliards de francs Cfa, selon le président de la République.
Quatre « seulement », rétorque le président Papa Diop. Je tiens d’une
personne digne de fois, que le projet de budget du Sénat pour l’année 2012
était bien sept (7) milliards. A supposer d’ailleurs qu’il ne soit que de
quatre (4) milliards « seulement », c’est déjà un énorme gâchis que
nous ne devrions pas nous permettre. Quatre milliards à payer des personnes à
ne rien faire, des personnes triées sur le volet et qui n’ont aucun mérite à
faire prévaloir.
Le sénateur simple,
le président de commission et le membre de bureau ont respectivement pour salaire
mensuel : 1300000, 1800000, 2000000 de francs Cfa. Sans compter les
véhicules qui leur seraient « donnés » au cas où le Sénat serait
dissous – à quel titre ? –, le carburant à flot (mille litres par
mois pour les membres du Bureau), les facilités de téléphone, les fonds
politiques du président, etc. Je prends le seul exemple de cette femme dont je
ne citerai pas le nom et qui n’a jamais été d’aucune utilité pour le pays. Rien
que pour le salaire, elle nous aura coûté 120000000 de francs Cfa en cinq ans.
Si on y ajoute le coût de 60000 litres de carburant les facilités de téléphone,
les frais de ses nombreux voyages, etc, combien nous aura-t-elle finalement
coûté en cinq ans, pour presque rien ? Je pourrais donner l’exemple de cet
autre sénateur dont le seul « mérite » était de publier, chaque
semaine, une contribution où il inondait l’ancien vieux président de louanges.
L’écrasante majorité des sénateurs sortants sont des personnes de cet acabit.
Pendant que des
milliards (4 ou 7, c’est selon) étaient ainsi dépensés chaque année pour
entretenir une clientèle politique, le pays manquait et manque presque de tout.
Un pays pauvre endetté et pressé de partout par des besoins de toutes
catégories devrait-il se payer un tel luxe ? Je ne me pose pas la question
de savoir à quelle fin le président de la République a pris la décision de proposer
la suppression du Sénat. Celles que je me pose sont celles-ci : Combien de
kilomètres de routes, d’écoles, de centres de santé, de forages, etc,
pourrions-nous construire avec ces dizaines de milliards qui ont servi à
entretenir « une institution très prompte à organiser des visites de terrain sans
aucune suite législative (et dont) la seule raison d’exister est, finalement,
de servir de lieu de promotion sociale et politique » ? Et dont le
maigre bilan est, pendant cinq ans, d’avoir eu à adopter 46 lois dont 45 à
l’unanimité, la seule qui ne l’a pas été, ayant enregistré une seule voix
contre !
Aujourd’hui, de
nombreux villages sont coupés du reste du pays. Des bandits de grands chemins,
n’ignorant rien du dénuement presque total qui frappe nos Services des Eaux,
Forêts et Chasse, continuent d’agresser en toute impunité le peu qui nous reste
de nos forêts et de notre faune. L’insécurité s’installe de plus en plus dans
les banlieues de nos villes et dans les frontières des pays voisins,
principalement de la Gambie et de la Mauritanie. Que ne renforcerions- nous pas
en moyens divers les services vitaux démunis avec ces milliards ? Que ne
construirions-nous pas, avec ces mêmes milliards, des casernes de sapeurs
pompiers, des brigades de gendarmeries et des commissariats de police de
proximité, d’escadrons de surveillance et d’intervention (une excellente
initiative) dans les régions périphériques ? De tels exemples, je pourrais
en donner des dizaines et des dizaines d’autres.
Le Pr Dièye a eu
donc très tôt raison de mettre en évidence l’inutilité de « Ce Sénat-là ».
Et je serais curieux de savoir quels seront les arguments des quelques
compatriotes qui auront le courage de défendre son maintien.
En tout cas, le
président Macky Sall a été bien inspiré d’en proposer la suppression. J’approuve
cette initiative qui s’inscrit dans la rupture, dans la Bonne Gouvernance. J’ai
la même position par rapport à cette autre initiative qui a consisté à mettre
en place « une commission présidée par le président Amadou Mahtar Mbow, qui est
chargée de revoir les institutions de la République et de nous proposer, à la
fin du processus de concertation, les réformes constitutionnelles qui devront
stabiliser de manière durable la Constitution sénégalaise (…) ».
La suppression de
la vice-présidence, puis celle du Conseil économique et social qui cédera la
place au Conseil économique, social et environnemental, peuvent être considérés
aussi comme des actes positifs.
Autant j’approuve et
soutiens les mesures qui viennent d’être passées en revue, autant je suis
réservé, très réservé par rapport à la nomination – si
c’est avéré – de Mme Aminata Niane, en qualité de Ministre conseiller spécial
auprès du président de la République. Cette mesure a été globalement mal
appréciée par les populations, à commencer par moi-même. Même si elle était un
Karim Wade, c’est-à-dire plus intelligente et plus compétente que nous tous, Mme
Niane ne devrait pas être appelée déjà auprès du président de la République qui,
même s’il détenait des informations que n’avons pas, aurait dû au moins
attendre la fin des audits, si toutefois ils vont aller jusqu’à leur terme.
La surprenante
nomination de Mme Niane est un recul, un acte qui s’inscrit directement dans la
continuation de la gouvernance meurtrie des Wade, où elle s’est fortement
impliquée pendant au moins dix ans. Je serais curieux de savoir d’ailleurs
quelle est la position, tout au moins le sentiment des champions de la Bonne
Gouvernance qui font partie, aujourd’hui, des plus proches collaborateurs du
président de la République. Je suis d’autant plus curieux de le savoir que
certains d’entre eux ont eu, à plusieurs reprises, à faire des sorties au
vitriol contre la gestion de l’Apix.
Dakar,
le 18 septembre 2012
Mody Niang, e-mail : [email protected]
15 Commentaires
Mody
En Septembre, 2012 (09:25 AM)vous êtes incapable de pondre une réflexion qui vous est propre. Vous ne faites que des commentaires des autres articles. la moitié de vos textes sont des reprises connues et sues de tout le monde. Vous êtes dépassé reconnaissez le.
je n'ai rien contre vous mais la logique voudrait que vos contributions soient entièrement une réflexion propre. Mais des coupures de journaux, des livres, des citations...je suis désolé, mais pas de plus value cher Mody
Asma Bint Marwan
En Septembre, 2012 (09:41 AM)Xxx3
En Septembre, 2012 (09:58 AM)Mody'sss..
En Septembre, 2012 (10:08 AM)Cependant, vous terminez sur une fausse note...le cas Madame Niane..Oui, elle a travaillé pour le Sénégal durant la présidence de Me Wade. Mais cela ne fait pas d'elle un coupable. Et donnez nous des raisons objectives pour qu'elle soit mise en quarantaine sinon, je trouve indécent, méchant d'accuser gratuitement. Elle n'est pas pris en délit et je ne vois pas au nom de quoi devrait elle être exclue de la vie de la nation...
Pour terminer, je pense que c'est au prèsident de la république de nommer aux postes civils et militaires et si cela vous dérange présentez vous aux élections de 2017...
Doff
En Septembre, 2012 (10:38 AM)AMINATA NIANE EST COMPLICE DE TOUTES LES DERIVES DE WADE ET SES ACOLYTES.
LUI DONNER DE NOUVELLES RESPONSABILITES,C'EST SE FOUTRE DE LA GUEULE DES SENEGALAIS.
Ab Déglooo
En Septembre, 2012 (11:18 AM)Mbaye Diouf
En Septembre, 2012 (11:56 AM)Exsopiste
En Septembre, 2012 (12:47 PM)Les Supers Lundis
En Septembre, 2012 (13:23 PM)Kotch
En Septembre, 2012 (13:33 PM)Pape
En Septembre, 2012 (14:45 PM)Pape
En Septembre, 2012 (15:40 PM)Les analyses de M. NIANG sont irremplaçables, concises, vraies et trés pertinentes.
Il faut que je prenne contact avec cet homme.
Macky devrait suivre ses observations à la lettre, mais à voir la dame qui vient d'être nommée, on peut dire sans risque de se tromper que macky c'est wade en plus jeune, d'ailleurs regardez sa femme qui commence à remplacer viviane
Massambathiebo
En Septembre, 2012 (17:15 PM)Thiessois
En Septembre, 2012 (18:47 PM)Bt
En Septembre, 2012 (20:46 PM)Participer à la Discussion