On a beaucoup entendu ces jours-ci bien des gens évoquer l’hypothèse d’une cohabitation entre le Président de la République et un éventuel Gouvernement composé exclusivement de membres de l’opposition qui s’adosserait sur une majorité parlementaire pour gouverner ou co-gouverner le pays. Cette formule est tout simplement inopérante voire impossible au Sénégal, du fait des résultats qui accordent à BBY une majorité au moins relative voire absolue, mais aussi de la nature du régime politique différent de ceux où la cohabitation a eu cours.
Définition référentielle de la cohabitation : la cohabitation ou coexistence, une notion non juridique mais politique ayant fait son apparition en 1986 en France, désigne, dans les régimes semi-présidentiels où le Président élu au suffrage universel direct nomme un Gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale, la survenance, du fait des résultats des législatives, d’une majorité absolue de députés n’appartenant pas au même camp politique que le Président de la République et en capacité de faire bloc unitaire pour former un Gouvernement disposant de l’autonomie existentielle et fonctionnelle, ne pouvant faire l’objet de révocation (si ce n’est par l’Assemblée nationale) et déterminant et conduisant la politique de la nation.
Il résulte de cette définition que les éléments structurants de la cohabitation, comme formule généralement transitoire de gouvernement, font grandement défaut dans le régime politique sénégalais. Ce qui y rend inopérante, voire impossible la cohabitation en tant que formule conjoncturelle de gouvernement ayant eu cours en France (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002) et dans quelques pays africains comme le Niger (1995-1996).
En effet, en cas de non concordance de majorités présidentielle et parlementaire (ce qui n’est pas encore le cas au Sénégal), il n’est pas juridiquement possible pour un Gouvernement, appuyé par une majorité parlementaire mais dépourvu de l’onction présidentielle, de disposer d’une autonomie existentielle (1) et fonctionnelle (2).
1.Le Gouvernement ne peut pas disposer d’une autonomie existentielle
Dans les situations dite de cohabitation tel qu’on l’a vu en France et ailleurs, le Président de la République dispose d’une marge de manœuvre étroite voire inexistante pour nommer le Premier ministre et les membres du Gouvernement. Souvent, il aura tendance, en dehors de quelques objections sur quelques ministères notamment de souveraineté, à entériner les choix de la majorité parlementaire. L’inclination présidentielle devant les choix de la majorité parlementaire est dictée par la capacité de celle-ci à renverser le Gouvernement par le recours itératif à la mise en branle dela motion de censure. En l’occurrence, le Président est, donc, obligé de nommer contre son gré les membres du Gouvernement.
De même, dans cette situation, le Président est désarmé une fois qu’il aura nommé le Gouvernement. Ce dernier peut être tranquille jusqu’à la fin de la législature ou tant que ce sera la volonté de la majorité parlementaire car le Président ne peut révoquer ad nutum le Premier ministre et les membres du Gouvernement. Il ne peut mettre fin aux fonctions du Premier ministre et des ministres que sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement (article 8 de la Constitution française et d’autres constitutions comme le Mali ou le Niger). L’existence du Gouvernement ne peut alors être menacée que par la majorité parlementaire qui peut user et abuser de la motion de censure.
Cette donnée structurelle, rendant possible la cohabitation, fait défaut dans le régime politique sénégalais. Ici, même s’il ne dispose pas d’une majorité parlementaire suffisante pour constituer avec sa seule coalition le gouvernement, le Président garde la latitude de nommer librement le Premier ministre et les membres du Gouvernement. En effet, contrairement en France par exemple où le Gouvernement n’est responsable que devant l’Assemblée nationale (article 49 de la Constitution française), au Sénégal, l’article 53 de la Constitution prévoit clairement que le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale qui peut le censurer (article 86 de la Constitution) et devant le Président de la République qui peut le révoquer de façon discrétionnaire à tout moment (article 49 de la Constitution). Ici le Président peut nommer le gouvernement de son choix et non celui imposé par la majorité parlementaire. Si celle-ci renverse son Gouvernement, le Président nomme immédiatement un nouveau Gouvernement que la Constitution interdit à l’Assemblée de censurer pour toute la durée de la session qui est annuelle. L’article 87 in fine de la Constitution dispose, après l’adoption d’une motion de censure, qu’« une nouvelle motion de censure ne peut être déposée au cours de la même session » .On voit donc bien que le Président sénégalais, contrairement à son homologue français, garde intacte sa capacité de nomination et de révocation du gouvernement.
2.Le Gouvernement ne peut pas disposer d’une autonomie fonctionnelle
En situation de cohabitation, à tout le moins sur la terre d’élection de celle-ci (France), le gouvernement, qui, dès sa nomination, est à l’abri de toute possibilité de révocation présidentielle, détermine et conduit la politique de la nation comme le prévoit l’article 20 de la Constitution française. Dans ce contexte, il ne reste au Président, détenteur du pouvoir exécutif d’exception, que des pouvoirs symboliques comme la signature de quelques décrets puisque le Premier ministre, détenteur du pouvoir exécutif de droit commun, prend la plupart des décrets, signe les ordonnances, garde un certain domaine réservé aux contours flous et un pouvoir d’arbitrage résiduel. La doctrine française considère qu’en cas de cohabitation, le Président français n’exerce qu’une magistrature d’influence. Il est, selon une formule consacrée,« un président de la quatrième république en pleine cinquième république ». L’ayant bien compris, le Président Mitterrand laissait faire le Gouvernement pour s’ériger plutôt en Chef de l’opposition.Totalement différent est le cas du régime politique sénégalais où même si le Président ne disposait pas d’une majorité parlementaire, c’est lui qui détermine la politique de la nation (article 42 de la Constitution) que le Gouvernement conduit et coordonne la sous la direction du Premier Ministre et en assume la responsabilité devant le Président de la République et devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues par les articles 85 et 86 de la Constitution.
Ainsi, en cas de non confluence des majorités parlementaire et présidentielle, si le Président français perd, en dehors de quelques prérogatives de souveraineté, l’essentiel de ses prérogatives notamment de définition de la politique de la nation et de révocation du Gouvernement qui sont liées à sa détention d’une majorité parlementaire et non à la Constitution, le Président sénégalais, lui, conserve l’intégralité de ses prérogatives qui ne sont pas liées à la coutume ou à la détention d’une majorité parlementaire, mais explicitement de la Constitution :détermination de la politique de la nation et de la présidence du conseil des ministres (article 42), monopole de la signature des décrets et ordonnances (43),détenteur exclusif du pouvoir exécutif avec la nomination aux emplois civils (article 44), responsable de la défense nationale et chef suprême des armées et nommant à tous les emplois militaires (article 45) accréditation des ambassadeurs (article 46), droit de faire grâce (article 47), adresser des messages à la nation (article 48), nomination et révocation discrétionnaire du Gouvernement et fixation de leurs attributions (article 49), faculté discrétionnaire de déléguer ses pouvoirs, y compris l’autorisation au Premier ministre de prendre des décrets (article 50), soumission au peuple de tout projet de loi, capacité de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels de crise (article 52), possibilité de dissoudre l’Assemblée après les deux premières années de législature (article 87).
En conclusion, il y a, fondamentalement, une incompatibilité de nature entre le régime politique sénégalais et la cohabitation (comme formule de gouvernance de crise) dont la survenance est possible dans les régimes élisant leur Président au suffrage universel mais à forte tradition parlementaire où la Constitution fait du Gouvernement le détenteur du pouvoir exécutif de droit commun et le Président le détenteur du pouvoir exécutif d’exception. Si en France, le Gouvernement gouverne en cas de cohabitation parce que la Constitution de la Vème république est d’inspiration parlementaire, au Sénégal doté d’un régime plutôt d’inspiration présidentielle, même dans une situation de non confluence de majorités qu’il n’est pas, au surplus, rigoureusement approprié de qualifier de cohabitation, c’est le Président qui gouverne à l’aise, surtout s’il parvient à davantage conforter la majorité et à faire un juste usage de quelques techniques de lubrification de la mécanique du travail parlementaire pour éviter tout blocage préjudiciable au fonctionnement normal des institutions.
96 Commentaires
Inconnu
En Août, 2022 (10:03 AM)Inonnu
En Août, 2022 (10:04 AM)Reply_author
En Août, 2022 (21:12 PM)Doro
En Août, 2022 (10:06 AM)Idem Si Vol élections
En Août, 2022 (10:24 AM)Ma_liberté
En Août, 2022 (10:09 AM)T'as plus de légitimité, ta vendu ton intellect....
Dr Diop
En Août, 2022 (10:11 AM)Merci Prof
Volte-face
En Août, 2022 (10:12 AM)ce sont ces genres de personnes qui vont brûler ce pays.
Legislative
En Août, 2022 (10:14 AM)Ismael le delinquant de la constitution !
Birome
En Août, 2022 (10:15 AM)Karim
En Août, 2022 (10:18 AM)Un Citoyen
En Août, 2022 (10:19 AM)Reply_author
En Août, 2022 (10:47 AM)Mansdia
En Août, 2022 (10:20 AM)Et toutes ces polémiques sont inutiles, car en fin de compte la mojorité pour l'opposition à l'assemblée est sans objet.
Ni possibilité de nommer un Premier Ministre, ni la possibilité de faire une motion de censure et enfin pas la possiblité de bloquer l'action du Gouvernenement.
En résumé l'assemblée nationale, est une grosse arnaque envers le peuple !!!
"Waxx sa ma Khalat"
Makhtar Diane
En Août, 2022 (10:24 AM)Reply_author
En Août, 2022 (12:45 PM)Teuss
En Août, 2022 (10:26 AM)Lubrifications
En Août, 2022 (10:28 AM)Zeum
En Août, 2022 (10:29 AM)HONTE A TOI ISMAILAMADIO FALL , je ne regretterai jamais de ne jamais frequenter cett soi disant UCAD avec ces professeurs politiques corrompus
Bakhd1d
En Août, 2022 (10:41 AM)J'ai comme l'impression que les gens n'ont que l'insulte à la bouche.
Répondez à Mr Fall par des arguments et non par des insultes.
Ce qu'il a dit c'est est simple. Contrairement à la France oû les articles 20 et 21 combinés permettent au 1er ministre et son gouvernement disposant d'une majorité parlementaire de gouverner sans l'appui du Président, ici au Sénégal c'est impossible. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du Président
L'architecture constitutionnelle et institutionnelle du Sénégal ne permet aucunement la cohabitation telle qu'elle est connue en France.
Lui diaroul saaga
Personne n'a plus le droit de dire son opinion maintenant
Reply_author
En Août, 2022 (10:57 AM)Concrètement à quoi servirait une élection législative si les vainqueurs ne peuvent pas exercer le pouvoir exécutif et mener le programme qui leur a permis d'obtenir la majorité. Naniou moytou di fowee khelou nit gni c'est dangereux.
Reply_author
En Août, 2022 (11:55 AM)Ass
En Août, 2022 (16:40 PM)Ngoryoff
En Août, 2022 (10:42 AM)Sendébou
En Août, 2022 (10:42 AM)Le Rufisquois
En Août, 2022 (10:47 AM)Puisque le ridicule ne vous tue pas continuez votre abimation.
Arrive AVANT DERNIER à son concours d'agrégation à Libreville, ayant deux fois échoué à la TITULARISATION comme professeur ( 2013 et 2014), il fait le malin dès qu'on parle de droit juste pour plaire à son maître.
Alias
En Août, 2022 (11:01 AM)Alias
En Août, 2022 (11:03 AM)Mbirkilane Du 17eme
En Août, 2022 (11:04 AM)Cordialement
Lol
En Août, 2022 (11:11 AM)Ibo
En Août, 2022 (11:14 AM)Sounkaou
En Août, 2022 (11:19 AM)Thales
En Août, 2022 (11:22 AM)Sendébou
En Août, 2022 (11:34 AM)Zmajuscule
En Août, 2022 (11:47 AM)Wakhe_deugueu
En Août, 2022 (11:50 AM)RAGARAL YALLAH, ADOUNA DO KEUR.....................
Audiablemadior
En Août, 2022 (12:06 PM)Tu sais que lea senegalais t ont vomi. Cette sortie ne vise qu à faire savoir à Macky que tu es en train de bosser pour lui
Beau Goss
En Août, 2022 (12:28 PM)Contributions
En Août, 2022 (12:29 PM)Comme le disent bien les Wolofs : Boroom guemigne bouy nathie dou wakh djamme ! ou en bon Wolof : Boroom géémiñ buy nàcc du wax jàmm !
Abba
En Août, 2022 (12:51 PM)Warou
En Août, 2022 (12:53 PM)Votre contribution va dans ce sens...
En un mot, vous voulez nous démontrer que même minoritaire, notre Super Président gardera tous les pouvoirs....
On avait donc pas besoin de voter . Mieux on peut supprimer l'assemblée nationale et surtout arrêter de dire que le Sénégal est une démocratie.
Que faites vous de la volonté des Sénégalais?
Combien de fois avez vous cité la France dans votre texte ???
C'est pas un hasard, en réalité nous avons copié la constitution française mais dans l'application, on va pas hésité à aller chercher des différences, à lister des articles contradictoires dans une même charte, élaborée par des nullards.
Il n'y a qu'en Afrique où tu peux écrire dans une constitution : " NUL ne peut faire deux mandats consécutifs ", faire faire un référendum, arguant partout que le problème des mandats était définitivement, et puis oser revenir dessus quelques années plus tard, toute honte bue.
Je finirai juste pr dire que le conseil populaire qui vous l'a mis bien profond sans huile Dimanche dernier , ne manquera d'apprécier à sa juste valeur, vos tentatives ou techniques de lubrification.
Senegal
En Août, 2022 (13:10 PM)C'EST LE SENEGALAIS QUI EST COMME CA OU LE SENEGALAIS AU POUVOIR?
C'EST LA JEUNNESSE DU PAYS QUI EST INTERPELLEE
SI CES BENNO NIAAK DIOM VEULENT FAUSSER LES REGLES EN VOLANT LA MAJORITE,
QU'ON AILLE ENLEVER CE MACKY DEFINITIVEMENT
Kamal
En Août, 2022 (13:43 PM)Un jour viendra
Ce monsieur est mort pour moi
Boy Diop
En Août, 2022 (15:59 PM)Kory
En Août, 2022 (16:25 PM)Ma Dior
En Août, 2022 (17:03 PM)Calassatie
En Août, 2022 (17:29 PM)lecon de droit .Merci professeur ça c'est vraiment l'œuvre d'un intellectuel radine
Vive La Vérité
En Août, 2022 (17:37 PM)Pape
En Août, 2022 (19:58 PM)Guelewar
En Août, 2022 (20:05 PM)Zapp
En Août, 2022 (21:51 PM)Avis
En Août, 2022 (23:14 PM)Diali
En Août, 2022 (23:25 PM)Quand est qu'il va nous laisser tranquille....
On connais le personnage; toujours à chanter les louanges au Roi🤴🏾: le bouffon du roi Roi🤴🏾 Arrete, arrête et arrête Svp...
Du Canada
En Août, 2022 (03:12 AM)La pauvre tailleur utilise le droit en fonction des besoins de son roi.
Trouve lui de la vaseline plutôt ,le peuple Souverain l'a pris à SEC
Ps;tic ,tac
La pauvre tailleur utilise le droit en fonction des besoins de son roi.
Trouve lui de la vaseline plutôt ,le peuple Souverain l'a pris à SEC
Ps;tic ,tac
Damel Fall
En Août, 2022 (06:12 AM)Macky a interet lui meme a comprendre les aspirations du peuple et prendre des initiatives dans ce sens.
Kocc
En Août, 2022 (11:25 AM)B.Boris DIOP.
Lep nètèli lay moudiè.
Le prof .est il devenu un laudateur ?
Sko
En Août, 2022 (14:14 PM)Pourquoi cette cohabitation ne pourrait pas fonctionner au Sénégal si les pouvoirs exécutif et législatif jouent le jeu.
Tu veux nous faire croire que tout ça ne sert à rien à l'opposition et que l'exécutif va continuer à exercer son pouvoir comme auparavant. De la malhonnêteté intellectuelle comme d'habitude.
Moi Oci
En Août, 2022 (19:00 PM)Marcel
En Août, 2022 (21:32 PM)Qu'il s'en debarasse pour de bon
Alboury Diop
En Août, 2022 (13:25 PM)Il y’a lieu de se réjouir de la victoire de l’opposition réunie, avec une forte majorité de 83 députés qui va leur permettre de prendre tous les postes en compétition. C’est cela la nouvelle donne de l’opposition Sénégalaise. Le Benno se réjouit de sa victoire minoritaire de 82 députés pour en perdre 40 lors de la 13 eme législature ; demeure dans ses rêves qui le bouderont hors du pouvoir. Les jalons sont posés depuis les locales, mais confirmés le 31 juillet. De maintenir la dynamique de victoire enclenchée lors des deux élections qui ont fini de confirmer l’avancée fulgurante de l’opposition sénégalaise.
Laissez le benno faire une évaluation erronée des élections, et continuez la confirmation des victoires à chaque élection.
Quiconque se rapprochera du pouvoir hypothèquera son avenir politique, les transhumants ne diront pas le contraire à l’image de Bamba fall, Alioune NDOYE, Djamil, Diop Sy, Moussa Sy, Idrissa Seck, Baldé, Mayoro Faye , qui sont tous finis politiquement.
Dommage, le Benno entretient le mensonge sur une victoire de 82 députes, contre 83 pour toute l’opposition. Pour tout dire, si l’on gagne, il serait absurde de négocier pour avoir la majorité de 83, c’est là où réside l’hypocrisie de la mouvance présidentielle.
Alboury Diop
En Août, 2022 (13:31 PM)Démocratie
En Août, 2022 (14:15 PM)Ouzde Fall
En Août, 2022 (21:31 PM)Participer à la Discussion