La grande offensive pour l’agriculture et la nourriture en abondance (GOANA) «initiée» par Me Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, serait un énorme plagiat indigne d’un apprenti pirate. J’en veux pour preuve les faisceaux d’arguments que je vais développer ci-après.
Au mois de Janvier 2008, sur conseil d’un ami, j’avais lu le roman « Les otages » de Mama Moussa Diaw qui décrit l’origine et la souffrance des réfugiés mauritaniens au Sénégal. Dans ce récit, ce sont plutôt les difficultés des populations de la vallée du fleuve Sénégal, toutes nationalités confondues qui y étaient étalées, particulièrement celles des paysans. L’auteur, qui a lui même a vécu cette situation, décrit comment les populations négromauritaniennes qui devaient être les premiers bénéficiaires des réalisations de l’OMVS furent les premières victimes, harcelées et terrorisées par leur propre gouvernement. Elles furent traquées, déplacées, exécutées ou expulsées de leurs villages vers le Sénégal pour confisquer leurs terres fertiles ancestrales et les redistribuer aux opérateurs économiques maures et leurs esclaves haratines.
Quand il fut expulsé vers le Sénégal avec toute sa famille, l’auteur eut « la chance » de partager la vie des paysans de deux villages autour de Podor qui s’adonnaient à la culture du riz sous la supervision de la SAED. En réalité, il se préparait à une reconversion si toute fois il échouait au collège.
Cette partie de sa vie qu’il décrit dans son livre donne une analyse objective, sans coloration politique aucune, de l’échec de ses parents paysans et cela avec l’oeil d’un adolescent de quinze ans. Il démontre le travail de forçat que vivent les paysans, leur endettement chronique et varié pour une production que les sénégalais avait honte de consommer. A la fin de la récolte, les paysans du Fouta se résolvaient à brader leurs récoltes à des prix dérisoires alors que le pays dépensait des milliards pour importer du riz. L’auteur pointe du doigt la responsabilité des gouvernants qui sont les premiers à fouler du pied la production locale et le jeune auteur donne les solutions pour atteindre l’autosuffisance alimentaire qui aboutirait à un « exode urbain ». En effet, il préconise une grande volonté politique des autorités qui interdirait l’importation de riz pendant la période couverte par la production locale. Il ne s’arrête pas là car il propose d’utiliser toutes les terres irrigables rendues accessibles par les barrages de Diama et de Manantali qui, à long terme, pourront assurer une grande partie de la consommation nationale. L’autre grande partie viendrait, selon le jeune écrivain, de l’exploitation des vallées fossiles !
Ce qui est impressionnant dans les démonstrations de ce jeune écrivain, c’est la précocité avec laquelle il a analysé le cercle vicieux dans lequel étaient entraînés ses parents paysans. Il a mis la main à la pâte avec un cycle du riz, de la récolte aux semis, à quinze ans, très tôt en 1990, c’est-à-dire avant la dévaluation du franc CFA ! La valeur de ses remarques et conclusions -qu’il faut lui accorder- tient surtout du fait qu’il vit la situation lui même : récoltant le riz à la faucille et porsuivant l’utilisation de la récolte par le paysan, avant de faire ses analyses.
L’autre ne s’arrête pas à la seule culture du riz, ce qui aurait était insuffisant, il fera aussi la culture de l’oignon rouge avec l’appui que le HCR avait apporté aux réfugiés pour leur reconversion, une sorte de GOANA des années 1990. Cependant ces deux expériences peuvent être critiquées car l’auteur n’a pas de choix, il n’est pas le vrai acteur puisqu’il n’appuie que ses parents ou son père dans ces travaux, il est un bras comme beaucoup d’autres.
C’est à partir de là que son expérience devient intéressante. En effet, après le baccalauréat, il bénéficie d’une bourse offerte par des amis français en plus celle attribuée par l’Etat. Il finance un programme de pêche avec les réfugiés du site de Podor/ Mbodjène mais échoue avec le retour progressif de ces derniers vers leur pays. C’est ainsi qu’il se reconvertit dans la culture de l’oignon avec son père. Ainsi il devient acteur et financier dans cette agriculture. De là il décrit tout le circuit de l’oignon jusque dans les étals du marché Thiaroye, ne laissant rien au hasard : les difficultés des paysans, l’exploitation par les bana banas, les risques d’agression, la fiscalité et surtout les risques de pertes et de pourrissement des produits...
Il salue au passage la décision de l’Etat d’arrêter les importations pendant six mois pour l’écoulement de cette production mais propose des solutions pour que cette production serve en premier aux paysans, ce qui était loin d’être le cas. Rien que pour cela, il cloue au pilori tous les experts, qui ne concluent leurs travaux qu’à partir de l’expérience des autres.
Je n’avais pas vite fait le lien entre les démonstrations du jeune auteur, ses plans de relance de l’agriculture qui transformeraient les paysans en citoyens fiers, enviés au lieu d’être des endettés à vie sous perfusions de vivres de soudure et de rationnement de semence et la GOANA. Mais quand j’ai vu la rapidité avec laquelle le président a sortie ce plan sans études de faisabilité, sans ligne directrices clairement définies, j’avais une impression de déjà vu ou entendu sans pouvoir réellement identifier ma source. J’étais loin d’imaginer que les conseillers de Wade avaient tout simplement plagié un jeune auteur pour sortir le Sénégal de la crise alors qu’il avait des centaines de conseillers et des services à sa disposition. C’est peut être, pour eux, ce que mérite les sénégalais : un plan de relance de l’agriculture tiré de l’expérience d’un enfant !
Pire, ils ne savent même pas bien tricher car pour cela il faut aussi être intelligent. Dans ce livre, la fin montre combien la désillusion fut grande chez les réfugiés mauritaniens, eh oui nous ne sommes pas les seuls à souffrir des erreurs de notre Gorgui national, quand il a reculé devant Ould Taya sur le projet des vallées fossiles. En réalité, si les réfugiés étaient déçus parce qu’ils voyaient en lui un messie, seul capable de régler leur problèmes, c’est la manière qui les a dérangés, mais pour nous, sénégalais, ce sont les conséquences – qui sont les plus importantes d’ailleurs- qui doivent nous faire réfléchir.
En effet l’eau douce que nous perdons chaque hivernage dans l’Atlantique aurait pu faire revivre le Ferlo et achever la politique nationale d’autosuffisance alimentaire, mieux elle aurait pu régler définitivement les problèmes d’approvisionnement en eau de Touba par la réalimentation de la nappe phréatique. Pour un bon talibé mouride ce n’était pas à l’échanger contre des bassins de retentions d’air à défaut d’eau de pluie.
Si le président et ses conseillers ne savent mêmes pas bien recopier des idées déjà décrites depuis 1990 par un adolescent et adaptées, bizarrement, au contexte de crise actuel, c’est certains qu’ils sont nuls, incapables de faire mieux qu’un élève de 5éme collège. A sa place j’aurai envoyé des exemplaires du livre comme à tous les acteurs comme manuel de procédure à défaut de décorer l’auteur mais il sait ce qu’il y a dans ce livre qu’il a tout intérêt à faire disparaître des librairies.
Mademba Ndiaye
Ingénieur agronome
Email : [email protected]
Source : Les otages, Mama Moussa Diaw
éd Société des écrivains, Paris 2007
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