· Avant le début de la crise financière mondiale de 2008-2009 qui s'est transformée en une crise économique, les économies africaines croissaient au rythme de 5 pour cent par an depuis plus de dix ans, allant même jusqu'à dépasser 6 pour cent au cours des trois dernières années.
· La croissance était généralisée, avec notamment 22 pays non exportateurs de pétrole ayant réussi à maintenir une croissance supérieure à 4 pour cent pendant plus de dix ans.
· La pauvreté était en déclin d'environ un pour cent par an, soit un taux plus rapide que celui de l'Inde.
· Les taux de mortalité infantile ont chuté de 25 pour cent en quatre ans dans quelque 13 pays, tandis qu'à travers le continent la lutte contre le fléau du VIH/sida s’est renforcée.
· Les taux d'inscription dans les écoles primaires augmentaient plus rapidement que sur n'importe quel autre continent.
· Plus de 60 pour cent des Africains (et 80 pour cent des populations urbaines) se trouvent dans le périmètre d'un signal GSM, ce qui fait du téléphone portable le bien le plus précieux des pauvres.
· S'il est vrai que la crise mondiale a durement frappé le continent, les décideurs africains ont continué à poursuivre des politiques macro-économiques prudentes : c'est ainsi que l'on prévoit un rebond de la croissance à 4,5 pour cent cette année.
Ces faits, ainsi que les nombreux succès obtenus par les exportateurs de mangues au Mali, l’industrie du cinéma nigérian (Nollywood), l’écotourisme lié aux gorilles en Ouganda, ou encore l’industrie des fleurs fraîches au Kenya, sont autant d'éléments qui démontrent le dynamisme d’un continent en mouvement.
Grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, les usagers du système m-pesa au Kenya peuvent directement payer leurs factures ou obtenir un microcrédit à partir de leurs téléphones portables. Ainsi, les NTIC offrent des possibilités immenses pour faire décoller le continent et le propulser sur une trajectoire de croissance soutenue et de réduction de la pauvreté.
Mais il ne s'agit là que d'un côté de la médaille. Au revers, nous trouvons près de 400 millions d'Africains vivant avec 1,25 dollar par jour ; à quoi s’ajoutent un énorme déficit en matière d'infrastructures qui ne permet qu'à une personne sur quatre d'avoir accès à l'électricité (et encore moins d'avoir accès à de l'eau propre et à des installations sanitaires) ; une productivité agricole encore trop faible pour pouvoir aider les 70 pour cent des personnes indigentes à échapper à la faim et à la pauvreté (une situation à présent menacée par le changement climatique) ; ainsi que de faibles institutions qui débouchent souvent sur des conflits civils, ce qui a valu à 21 des 47 pays le surnom d' « États fragiles ».
Comment pouvons-nous tirer profit de l'élan créé par les récents résultats en Afrique afin de s'attaquer aux nombreux problèmes auxquels le continent est confronté ? En canalisant et en accroissant les forces qui ont permis d'amener la croissance et de réduire la pauvreté pendant dix ans, à savoir des ressources externes (aide, allégement de la dette, flux de capitaux privés, envois de fonds), des politiques économiques prudentes, ainsi qu’une société civile davantage ouverte et dynamique qui oblige de plus en plus souvent le gouvernement à répondre de ses actes et à atteindre les résultats.
Ce dernier point est ce qui distingue cette époque-ci des générations précédentes. En effet, les décideurs ont continué à poursuivre des stratégies économiques prudentes pendant la crise – face à la récession mondiale et à des politiques monétaires et budgétaires relativement laxistes dans les pays développés – parce qu'il y avait un appui politique à ces stratégies. Le public a pu constater à quel point des stratégies populistes telles que la réglementation des prix ou des taux de change ou encore des déficits financiers élevés pouvaient s'avérer contre-productives, surtout au détriment des pauvres. Par ailleurs, les politiques et stratégies font de plus en plus souvent l'objet d'un débat et d'un examen dans les différents pays, et ne sont adoptées que lorsqu'un consensus se concrétise au niveau national.
Ces évolutions positives signifient que l'on peut maintenir et accélérer la dynamique de croissance de l'Afrique et que l'on peut résoudre les problèmes enracinés, à condition d'avoir des ressources suffisantes ainsi qu'un débat énergique et ouvert sur la manière d'utiliser ces ressources de façon plus efficace. La plupart des experts en développement conviennent que la crise financière a changé la donne, et les stratégies de croissance devront s'adapter à cette nouvelle « normalité » non définie. La Banque mondiale doit trouver le meilleur moyen de fournir des financements, une aide technique et de mobiliser les connaissances au niveau mondial pour appuyer la croissance économique en Afrique et fournir des éléments probants afin d'alimenter le débat public.
À cette fin, des consultations avec les Africains eux-mêmes auront lieu à Addis-Abeba, Abuja, Dakar et à Johannesburg pour voir de quelle manière la Banque peut devenir un meilleur partenaire pour l'Afrique. Ces entretiens sont le début d'un processus d'écoute et d'apprentissage qui débouchera à terme sur le renouvellement de la stratégie de la Banque mondiale à l'égard de l'Afrique. Mais ces consultations portent également sur l'avenir de l'Afrique, puisque la possibilité de tirer profit des résultats récents en matière de croissance pour s'attaquer aux profonds problèmes de développement du continent est tout à fait à la portée de l'Afrique. C'est donc maintenant qu'il faut agir.
*** Obiageli K. Ezekwesili est la vice-présidente de la Banque mondiale pour la région Afrique.
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