Nos parents n’avaient pas fait de choix de nous envoyer à l’école pour nous punir. Il me semble qu’ils pensaient avoir réalisé un bon investissement en s’occupant de scolarité et attendaient un juste retour. Mais malheureusement pour nos chers parents, les gains seront fortement inférieurs à ceux attendus. L’école sénégalaise n’a plus la cote ; en Bourse on l’aurait assimilée à une valeur en dépréciation. Ainsi, manifestement, avec la crise que travers l’école sénégalaise : des grèves répétées aux programmes obsolètes en passant par la nouvelle génération « d’enseignants amateurs », la fuite des cerveaux et des diplômés, et les retards dans la quête de solutions ; il faut oser le dire « le pari de l’école a échoué ». L’école a failli quand la bonne gouvernance a faibli. Malheureusement, les grands perdants de cette chute se trouvent être les étudiants de l’étranger. Pour nous « exilés universitaires » ; au départ, aller étudier en France ou ailleurs était une consécration. Dès l’obtention du visa, on passait des heures à refaire le monde et dessiner notre avenir. Notre ambition c’était de se créer des rêves mais une fois sur le terrain, la réalité était toute autre. Il fallait s’inscrire sur une monotonie à trois temps (fac, boulot, dodo). Au bout de quelques années sur ce rythme infernal, diplômes en poche. Paradoxalement c’est à partir de ce moment que débute la grande incertitude quant à notre avenir, les dernières lueurs d’espoir semblent lointaines. Ainsi, l’exile universitaire tend à transformer l’étudiant sénégalais d’ailleurs normalement citoyen à part entière en un citoyen de second degré tiraillé entre l’envie de se sentir chez lui et la peur de précariser encore plus son avenir en retournant au bercail. D’ailleurs, la peur est désormais la conviction la mieux partagée chez nous. Ce sont les étudiants sénégalais de l’étranger qui sont désormais à l’avant-garde du « parti de la peur ». C’est pourquoi une question nous brule les lèvres à savoir : l’intérêt d’envoyer des milliers de jeunes en exil universitaire avec des moyens financiers considérables si, à la fin de leurs cursus leurs talents restent ignorés ?
La réponse à cette question nous fera un grand bien puisqu’elle aura au moins le mérite de nous édifier sur notre sort.
Pourtant, on avait tous envie de croire à cette belle maxime : tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Mais cette disqualification et ce désintérêt à notre égards nous met la pression et nous interdit de continuer d’espérer. Avec la répétition des déceptions, on est comme ébranlé par une sorte de course centrifuge et par la fureur d’en être toujours au même point après tant d’efforts. Manifestement, la promotion sociale par l’école est en panne, stoppée non pas par les déboires « d’une jeunesse malsaine » mais par les combines politiciennes d’une République qui est à la traine. Ainsi, à la disqualification sociale dont on est victime vient s’ajoutée une disqualification juridique qui est celle du titulaire d’un droit et de ne pouvoir en jouir.
Donc, Sénégal, si, j’ai des conseils à vous donner, ce serait :
- Rappelez tes enfants sur cette terre sénégalaise dite de téranga car charité bien ordonnée commence par soi-même
- Arrêtez de promettre et agissez car dit-on les meilleures idées sont celles qui se taisent
- Revalorisez le mérite et enterrez le clientélisme car cette dernière entraine la médiocrité.
Ainsi, tous ces jeunes qui avaient promis à leurs parents de prendre la relève à la fin de leurs études pourront à nouveau relever la tête et honoraient leur promesse. De même tous ces talents qui brillent dans l’indifférence et qui ont perdus tout espoir regarderont l’avenir avec des yeux optimistes.
A mon sens le Sénégal, s’il ne veut pas devenir un objet de risée universelle ne peut que s’engager dans la cure de son système éducatif afin au moins de revenir à son niveau d’antan.
Nous n’avons pas le choix, il faut nous jeter dans la mêlée ou périr. Vaincre la maladie de l’école est possible si l’existence de notre pays est réelle puisque le propre d’une nation vivante, c’est de trébucher, voire mordre la poussière et d’en ressortir grandie.
A tous ceux qui ont payé leurs études à coups de plonge, ménage, manutention, sécurité, manœuvre et autres boulots dégradants.
Cheikh Khalifa SALL
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