Au Sénégal, les échecs de l’équipe nationale aux différentes campagnes de coupes d’Afrique se suivent et se ressemblent avec, à la clef, un tissu d’accusations qui visent l’entraîneur et son coaching, un arbitrage partisan, le comportement des joueurs dans et hors du terrain et parfois le manque de science des marabouts sollicités. Après ces échecs, on organise des débats sans conclusion ni lendemain.
Après plus de quarante ans de même discours, n’est-il pas temps de regarder du côté du seul acteur qui n’a jamais été cité et remplacé après ces campagnes désastreuses ? Je veux parler des dirigeants, mais également des supporters et en particulier au niveau des clubs qui sont l’émanation de la fédération. Depuis les indépendances, des entraîneurs ont été changés et des joueurs critiqués, sans qu’il y ait une amélioration. N’est-il pas temps de changer de type de dirigeants pour voir ce que cela va donner ?
Il est utopique de penser que l’équipe nationale de football gagnera un trophée avant les clubs ou les équipes de petites catégories ; il est important de remarquer que sur tous les continents, les nations qui dominent en équipes nationales sont celles qui dominent d’abord au niveau des clubs ou en petite catégorie ; l’Afrique ne fait pas exception à cette règle.
Les propos développés dans cette contribution sont ceux d’un profane, simple supporter qui n’arrive plus à continuer de souffrir la présente situation qui n’a que trop durer.
1) - Le dirigeant, la principale plaie du football sénégalais
Tous les clubs, sans exception, sont dans un quasi dénuement par la faute de dirigeants qui essayent, avec leur seule volonté, assez limitée du reste, d’assumer des responsabilités pour lesquelles ils n’ont ni le profil, ni les moyens et ni l’entregent.
Il n’y a qu’au Sénégal où des chômeurs et des retraités sans pension ni revenus connus se permettent de postuler à la direction de leur club ou de la fédération ; la raison est que cela ne coûte rien et parfois rapporte très gros par des détournements de fonds provenant de transferts. Un grand club de Dakar a connu le plus grand scandale du sport au Sénégal sans aucune réaction ni de la tutelle ou de la fédération, encore du moins du ministère de l’Intérieur à travers la Préfecture. Tout le monde a fait comme si c’était normal alors qu’il s’agissait du virement de l’argent destiné à un club (une personne morale) dans le compte d’un dirigeant (une personne physique) et, chose plus grave, d’une opération de compensation/remboursement d’importantes sommes d’argent comptées en espèces dans un salon comme si ledit club n’avait pas de siège, encore moins de compte bancaire.
Comment s’étonner alors, que les dirigeants de clubs dits d’élite se plaignent souvent, pour ne pas dire toujours, du manque de soutien de l’Etat dans leurs campagnes africaines ? Mais peut-on tout attendre de l’Etat ou des collectivités locales qui ont d’autres priorités plus urgentes et qui concernent l’ensemble de la population ? Je dis Non et Non, car au nom de quoi l’Etat devrait-il financer des entités privées que sont les clubs alors que des subventions plus conséquentes à des écoles ou instituts de formation privés seraient plus justifiées ?
Il n’y a qu’au Sénégal où un club en ligue des champions joue devant moins de 5 000 spectateurs sans aucun panneau publicitaire. Ailleurs, le stade est plein à craquer dès le petit matin et les sponsors se bousculent pour disposer d’un espace pour leurs panneaux. Cela est symptomatique du niveau de ceux qui, contre vents et marées, veulent diriger nos clubs sans en avoir le profil, les moyens et l’entregent. Ils sont tout simplement incapables de drainer des sponsors qui n’attendent que d’être sollicités (le cas du Dr Alioune Sarr à la lutte est à méditer).
La chose la plus grave est que le dirigeant sénégalais, aussi bien au niveau équipe nationale qu’au niveau club, a perdu la notion de la transparence dans la gestion des fonds qui lui sont confiés. Combien de campagnes se sont terminées sans aucun bilan exhaustif (celui de Caire 86 est encore attendu) ? Combien de dirigeants de clubs convoquent régulièrement les assemblées générales annuelles pour rendre compte de leur gestion ? Pourquoi et comment la fédération admet-elle que de tels clubs participent à ses compétitions ? Cela ne se rencontre qu’au niveau des clubs navétanes, ce qui fait certainement leur popularité et l’adhésion de leurs sociétaires dans les quartiers où ils sont localisés.
Il est temps d’exiger des dirigeants la culture du compte-rendu de gestion pour crédibiliser le système. D’où la question qui se pose de savoir si le type de dirigeants que nous avons actuellement, a intérêt à essayer de rendre compte de sa gestion, sachant pertinemment que celle-ci est tout sauf transparente.
2)- L’autre segment est le supporter
Où est-il ? Que fait-il pour son club ? Pourquoi n’adhère-t-il pas au club comme il le fait pour l’Asc de son quartier ? Que lui propose-t-on au niveau des clubs d’élite ? A-t-il suffisamment confiance aux dirigeants de son club ? Pourquoi cotise-t-il régulièrement pour son club de quartier, participe à ses activités et se rend massivement à ses matches ? Toute la problématique est là. Une partie de la réponse se trouve dans l’absence d’un système de gestion transparent qui établit un climat de confiance entre lui et ses dirigeants ; c’est là que l’exemple des clubs de quartiers appelés communément équipes navétanes est à méditer. Non seulement, les dirigeants de ces clubs convoquent régulièrement les assemblées générales annuelles pour rendre compte de leur gestion, mais il ne leur viendra jamais à l’idée de tripoter les comptes pour régler des problèmes quotidiens personnels.
Il est simplement regrettable de constater que la plupart des clubs au Sénégal sont pris en otages par des dirigeants qui sont eux-mêmes conscients des limites de leur pouvoir à apporter des réponses positives et objectives aux questions et problèmes qui leur font face ; pour masquer cette carence doublée d’un manque de compétence, ils se cachent derrière le manque de soutien de l’Etat.
Ceci ne dédouane pas, pour autant, les supporters qui devraient être les premiers défenseurs de leur club contre des agressions intérieures de la part de dirigeants véreux et extérieurs de la part d’adversaires au niveau national et international. Combien de clubs au Sénégal ont une cellule de supporters organisée avec des membres qui détiennent la carte et cotisent régulièrement ? Aucun.
Le supporter a tout simplement démissionné, s’il n’est pas complice des actes de malversation posés par les dirigeants. Pour qu’il serve de pare-choc à son club, le supporter doit être totalement indépendant et se doter de ses propres moyens pour accompagner son club et le supporter de façon adéquate. Le tout dernier exemple des supporters de l’Olympique de Marseille en est une preuve.
3) - La politique de recherche de moyens
Pour ce qui est de la politique de recherche de moyens pour faire face aux exigences de la haute compétition, il existe au Sénégal une confusion totale entre le mécénat et le sponsoring ; le premier a fait son temps et la conjecture l’a secoué et le second entend tirer un profit des appuis de toute forme qu’il apporte à ses partenaires. Mais cela suppose une crédibilité et une personnalité que beaucoup de dirigeants de clubs n’ont pas. Devant cette difficulté, ces dirigeants n’ont d’autres solutions que de baser toute leur politique de recherche de moyens financiers sur un transfert hypothétique de joueurs, ce qui est une vision courte, une solution de facilité, mais surtout un signe de manque notoire d’ambition de réussite dans les résultats sportifs.
Au demeurant, le joueur pour qu’il soit transférable doit être mis dans de bonnes conditions de travail qui lui permettront d’exprimer son talent sur le terrain ; cela montre que nous sommes dans un cercle vicieux duquel il sera difficile de sortir en l’état actuel des choses. C’est pour cette raison que certains dirigeants au niveau surtout de club sont comme d’éternels joueurs de loterie (ça passe ou ça casse), croyant que le sport en général et le football en particulier est plus une question de chance que la résultante d’un travail savamment orchestré.
4) - Esquisse de solution : L’importance de la dimension humaine dans la réforme des clubs
Tous ces problèmes soulevés ci-dessus ont un dénominateur commun qui est le type de dirigeant sur le plan technique et administratif aussi bien pour l’équipe nationale que pour les clubs de l’élite nationale (toute division confondue) dont le football a besoin pour décoller définitivement ; il est constant que le joueur sénégalais est naturellement doué et que la déficience vient toujours de la direction, car même les questions d’indiscipline sont de la responsabilité totale de cette direction. D’où la nécessité d’une réforme en profondeur du système en général et des clubs en particulier qui ne sont pas viables et constituent, par conséquent, le facteur bloquant pour relever le niveau de notre football sur le plan international. La réforme de Lamine Diack doit être poursuivie et certainement par des dirigeants au fait de la gestion moderne, des managers comme les appellent nos amis anglo-saxons.
Il faut arriver à trouver ce dirigeant idoine, ce dirigeant du 21e siècle et en particulier le président doit être un manager capable de se fixer des objectifs clairs et facilement évaluables, définir un plan d’actions cohérentes pour les atteindre et trouver les moyens nécessaires ; un tel dirigeant est forcément quelqu’un qui, non seulement, est à l’abri du besoin, mais son carnet d’adresses doit être bien fourni pour les besoins du sponsoring. La politique de la main tendue à l’Etat (qui a d’autres priorités dans le social et le développement socio-économique) ou aux mécènes (qui se sont essoufflés puisque trop susurrés sans résultat probant) est révolue, car seul un esprit imaginatif doublé d’un trait caractériel peut poser les jalons d’un développement durable du club.
En conclusion, il faudra rapidement revoir l’organisation et le mode de fonctionnement de nos clubs si nous voulons aspirer à gagner quelque chose en Afrique avant d’aspirer à un trophée mondial ; le Mondial 2010 qui aura lieu sur notre continent, doit nous trouver prêts à relever le défi. Nous ne devons plus continuer à regarder des dirigeants chômeurs faire face à leurs homologues multimilliardaires des autres nations et laisser nos joueurs évoluer devant des gradins vides là où ils sont accueillis à l’extérieur dans des stades pleins dès le petit matin. Il faut nécessairement opérer un changement de mentalité. L’Etat devra y obliger la fédération qui ne doit pas se focaliser uniquement sur l’équipe nationale composée de professionnels.
Bourama DIAITE Ingénieur du génie civil Hlm Grand Médine, Dakar
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