![](http://www.seneweb.com/news/artimages/news/wade_7.jpg)
me racontait, l'autre jour, que dans les bars qu'il fréquente
assidûment, court une expression bien savoureuse : "Na ma sutt !"
Traduction approximative : Qu'elle (comprenez la dive bouteille) me
dépasse ! Lancée au barman comme un cri de guerre par le disciple de
Bacchus impénitent faisant ainsi son entrée triomphale et théatrâle
dans quelque méchant bistrot, "Na ma sutt!" est une formule polysémique. Au
premier degré, c'est une injonction donnée au tenancier du tripot mal
famé, de mettre sur le bar autant de bouteilles possibles et de vider
les caisses de vins. Mais elle se veut aussi une invitation généreuse
aux autres rats de bar patentés à se soûler gratis à volonté.
A voir le président Wade, pourtant quelqu'un de très sobre, persister, dans
ses sorties à l'étranger, à nous dépeindre son fiston à piston comme
le plus doué des 12 millions de Sénégalais que nous sommes, on a
l'impression qu'il nous dit, à propos de Karim Wade: "Mo leen
Sutt!"(Il vous dépasse tous !") Dans la culture sénégalaise, les
parents veillent à ce que leurs rejetons ne soient pas victimes de
catt, ce mauvais œil ou cette langue venimeuse du voisin envieux qui
vous plombent un destin qui s'annonçait brillant. Le président de la
République, esprit cartésien, semble n'avoir cure de ses
sénégalaiseries. C'est son droit le plus absolu.
Mais qu'il nous permette de lui rappeler qu'il est de la dernière indécence de penser que son fils est un génie interplanétaire et que le reste des
Sénégalais sont des manants ! Wade junior ? Un garçon tellement doué
qu'à sa première tentative pour briguer une mairie de seconde zone, il
s'est fait battre jusque dans son propre bureau de vote par un
illustre inconnu. Un super crack au talent étincelant qui a réussi la
prouesse indépassable de dilapider 700 millons de francs pour la
réfection d'un simple bureau! Un cerveau admirable qui a construit le
kilomètre de route le plus cher au monde ! N'en jetons plus !
Que cache cette obsession de Wade, victime d'une ivresse d'un genre
particulier, celle du pouvoir, à répéter en boucle, contre l'évidence
même, que son fils est le meilleur des Sénégalais ? Un psychanalyste
aurait peut-être parlé d'auto-persuasion pour fuir une réalité moins
glorieuse. Quant aux Grecs, qui mettaient déjà en garde leurs
gouvernants contre l'hubris, cette démesure qui annihile la faculté de
discernement et mène inéluctablement à la perte, ils auraient rappelé
au père de Karim cette terrible sentence : "Jupiter rend fous ceux
qu'il veut perdre".
Barka BA
Coordonnateur du journal Kotch
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