Featurings prestigieux, tubes en devenir, punchlines acérées… Le Nigérian Burna Boy revient au top, bien décidé à laver l’affront de son échec aux Grammy Awards.
La pochette a déjà tout dit. Sur son nouvel album, Twice as tall (« Deux fois plus grand »), Burna Boy apparaît plus démesuré que jamais. Il semble quitter une cité afro-futuriste sortie du film Black Panther, avalant la route à pas de géant pour conquérir le monde. Sous sa semelle, le dessin d’un dos argenté, le gorille surpuissant devenu son animal totem, et derrière lui, les pyramides, faisant du chanteur l’héritier des pharaons.
On l’a compris, ce n’est pas avec ce cinquième album que Damini Ebunoluwa Ogulu (son vrai nom) va se départir de sa mégalomanie légendaire. Après Outside et African Giant, cartons fulgurants, d’énormes attentes entouraient ce nouvel opus produit par une autre légende : Puff Daddy, artisan du succès, notamment de Notorious B.I.G.
Sous le signe de la revanche
Le 13 août, dans une vidéo sur Instagram, le rappeur et producteur américain lâchait dans une vidéo : « Tu vas faire l’album de l’année. Tu vois ce que je veux dire?? Pas l’album africain, non, je ne sais pas ce que ça veut dire. Tu vas faire l’album de cette putain d’année?! » Et Burna Boy de répondre : « On vient d’un endroit où la vie est très dure, il n’y a personne pour nous représenter tels que nous sommes réellement. »
L’album est placé sous le signe de la revanche. Dès le titre introductif, Level Up, en featuring avec Youssou N’Dour, le Nigérian confie d’ailleurs avoir été démoli par son échec aux Grammy Awards. L’Académie l’avait nommé dans la catégorie Meilleur album world… mais lui avait préféré Angélique Kidjo. « Je me souviens que je ne pouvais m’élever / car les Grammys m’ont filé la nausée / à vomir et à chier / à me poser des questions comme : « pourquoi ce n’est pas pour nous ? » »
Le géant de « l’afrofusion » fait ce qu’il sait faire, mais ajoute encore quelques cordes à son arc musical pour conquérir un nouveau public. On retrouve ce son hybride, entre percussions africaines, mélodies R’n’B, et flow rap. Également ce saxo fiévreux digne de Fela Kuti, son maître et sa principale source d’inspiration, sur plusieurs titres (Alarm Clock, Onyeka…).
"IL EST DÉJÀ DEVENU L’UN DES AFRICAINS LES PLUS « BANKABLES » DE LA SCÈNE MUSICALE"
Si certains tubes sont calibrés pour les dancefloors (Way too big), Burna Boy délivre aussi des messages encourageant à la révolte contre les injustices gouvernementales, dénonçant la colonisation et son héritage empoisonné (Monsters you made).
Il s’appuie surtout sur son succès personnel pour encourager ses frères et sœurs, comme sur le titre 23, allusion au numéro que portait Michael Jordan sur son dossard dans l’équipe des Chicago Bulls.
Bien entouré
L’uppercut atteint directement l’auditeur. D’autant que comme pour ses précédents albums, l’artiste est bien entouré. Outre la légende Youssou N’Dour, il a invité les rappeurs de Naughty By Nature, figures historiques du hip-hop qu’il a beaucoup écoutées adolescent, mais aussi les Kényans afro-pop de Sauti Sol et le Britannique Stormzy, empereur de la grime, avec qui il a déjà partagé le micro à de multiples reprises…
On est beaucoup plus circonspect sur la participation du leader de Coldplay, Chris Martin, sur Monsters you Made, dont le chant éthéré colle mal avec la rage et les imprécations de Burna Boy. On atteint peut-être là la limite de la stratégie de l’artiste qui cherche à s’acoquiner avec des figures de la pop parfois très éloignées de lui pour poursuivre sa conquête des charts.
Burna Boy est déjà devenu l’un des Africains les plus « bankables » de la scène musicale. Ses apparitions sur divers projets, comme l’album posthume du rappeur Pop Smoke, Shoot for the stars, aim for the moon, ou la récente B.O de Beyoncé (The Lion King : The gift / Black is King) le prouvent.
Ce nouvel opus vient confirmer son statut de géant… Les fans historiques regretteront peut-être un disque trop fédérateur, où la colère et le charisme de l’artiste sont parfois un peu dilués dans des arrangements plus pop. À trop s’élever, on espère que Burna Boy n’oubliera pas ses racines.
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