Il y a environ 730 avions immatriculés en Afrique, avec une moyenne d’âge de 18 ans. C’est la plus vieille flotte du monde, la plus endettée, qui ne représente pourtant que… 2% de la flotte mondiale.
Le transport aérien africain, qui emploie environ 470 000 personnes, doit faire face à de nombreux problèmes. Outre la grande crise mondiale que subit le secteur et le crédit Crunch qui y est lié, il y a la fuite des cerveaux, une sécurité pas toujours aux normes internationales, un marché relativement pauvre en terme de pouvoir d’achat, une trop faible capitalisation des compagnies aériennes, un endettement lourd, un prix du baril à la hausse, une flotte très âgée (pour ne pas dire la plus âgée du monde) et qui ne représente pourtant que 2% du parc mondial. En effet, d’après Lufthansa consulting, il y a environ 730 avions immatriculés, dont la moyenne d’âge est de dix-huit ans. Et la liste des difficultés est encore bien longue…
Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que le trafic va croître dans les prochaines années, de l’ordre d’environ 5% en Afrique, soit l’une des plus fortes progressions !
De nombreux pays ont dérégulé leur marché et on a vu l’apparition de nouveaux acteurs du secteur, comme au Nigeria ou au Maroc, ce qui a eu pour effet de dynamiser le secteur. Certaines compagnies ont d’ailleurs entamé un renouvellement de leur flotte, mais non sans difficultés. Malgré les efforts consentis, la situation demeure très critique.
Financer le renouvellement de la flotte
Le transport aérien est un secteur nécessitant de gros moyens techniques, humains et surtout financiers, car très boulimique en capitaux. Un des grands défis en Afrique réside dans le renouvellement de la flotte, afin d’optimiser les coûts d’exploitations. En effet, un avion neuf permet de réduire la consommation de carburant, car il est moins gourmand ; ce qui n’est pas du luxe, vu le prix du brut ces derniers temps. Les coûts de maintenance sont eux aussi réduits, car plus l’avion est vieux, plus il coûte cher à entretenir, du fait qu’il passe plus de temps en centre de maintenance et aussi des pièces détachées qui se raréfient. Enfin, cela permet aux compagnies de se mettre aux normes occidentales, du moins pour celles qui desservent leurs aéroports, notamment en matière de bruit. Bien sûr, prôner le renouvellement est plus facile à dire qu’à faire!
Aujourd’hui, très peu d’exploitants aériens africains peuvent se payer le luxe d’acquérir des avions neufs. Or, le renouvellement de la flotte est capital pour la survie et la compétitivité d’une compagnie.
Tout d’abord, il faut noter que très peu de banques africaines sont actives dans ce secteur. Les Etats, eux, n’ont pas toujours les moyens d’aider leurs transporteurs ou ont d’autres priorités. A titre d’exemple, le gouvernement japonais a l’intention de garantir 7,7 milliards de dollars de prêts accordés à Japan Airlines par des établissements financiers, afin de soutenir le transporteur dans la période difficile qu’il traverse. Remarquez aussi, qu’un monocouloir neuf (type B737NG ou A320) peut coûter au bas mot plus de 60 millions de dollars, prix catalogue.
Les banques étrangères, quant à elles, rechignent souvent à prêter, à cause de l’instabilité des pays et du fait qu’elles ne sont pas toujours convaincues, à tort ou à raison, de la rentabilité, car les profits sont souvent minces en transport aérien.
Risque pays
Même les compagnies aux relatives bonnes performances sont pénalisées, car les banques financent la plupart du temps en fonction du « risque pays » qui, comme chacun sait, n’ont pas un très bon rating sur le continent. C’est le cas d’Ethiopian Airlines, qui aimerait qu’on lui applique davantage des taux en fonction de son bon historique crédit et de ses performances, et non du risque pays. Si tel était le cas, elle aurait des financements à de meilleurs taux et donc des coûts moindres.
Malgré l’intervention de certaines agences de crédits et d’aides à l’exportation, comme l’EXIM Bank américaine qui accorde des garanties pouvant aller jusqu’à hauteur de 85% du prix de l’avion, seules une dizaine de compagnies africaines ont pu, jusqu’ici, bénéficier de ses services depuis le milieu des années 90.
L’âge des appareils est aussi un élément déterminant, car ces actifs pèsent peu dans la balance en termes de garanties lors d’une demande de financement, du fait de la faible valeur résiduelle, qui baisse année après année.
C’est d’ailleurs un problème central pour le transport aérien en Afrique, car, en exploitant un vieil avion (souvent seule catégorie à portée de bourse), cela génère des coûts d’exploitations plus élevés (comme vu plus haut), d’où des opérateurs moins compétitifs et des potentiels profits réduits à peau de chagrin. On entre donc dans une sorte de cercle vicieux.
Un autre point faible en Afrique pour le financement d’avions réside dans le nombre de pays à avoir ratifié la convention du Cap, en 2001. Celle-ci accorde des droits et des garanties aux financiers et autres loueurs d’avions sur leurs biens mis à disposition d’une compagnie, en cas de défaillance de celle-ci. Ce qui rassure les investisseurs et permet de faire baisser les taux de crédits. Or, à ce jour, ils ne sont que sept à l’avoir ratifié, à savoir l’Afrique du Sud, l’Angola, le Cap-Vert, l’Ethiopie, Le Nigeria, le Sénégal et le Kenya.
Survivre à la crise
Aujourd’hui, très peu d’exploitants aériens africains peuvent se payer le luxe d’acquérir des avions neufs. Or, le renouvellement de la flotte est capital pour la survie et la compétitivité d’une compagnie. Il y a beaucoup trop de transporteurs financièrement faibles et incapables de faire face à ces nouveaux défis qui se dressent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si maintenant les grands majors européens, à l’instar d’Air France-KLM, Lufthansa, British Airways dominent le marché africain.
Sur le continent, seules quelques compagnies, comme South African, Egyptair, Ethiopian, Kenya Airways, Royal Air Maroc et quelques autres ont les reins relativement solides et sont les plus à même d’opérer ces changements et à survivre à la terrible crise qui touche le secteur. Certaines ont même intégré des alliances internationales, à l’instar de Kenya Airways avec Skyteam en 2007, ou South African et Egyptair avec Star Alliance, afin d’améliorer davantage leur compétitivité et leur réseau.
Quant aux autres, malheureusement majoritaires, elles sont condamnées au mieux à vivoter, si elles ont de la chance. Structurellement défaillantes du fait d’une trop faible capitalisation, d’une flotte vieillissante, d’une dette souvent colossale, isolées dans des marchés trop étroits, elles ont très peu de chancees d’obtenir des financements pour le renouvellement de leur flotte et faire les restructurations nécessaires à leur survie.
La consolidation du secteur
En clair, la consolidation du secteur est peut-être le salut du transport aérien africain. Ce qui a marché ailleurs peut marcher sur le continent. Les compagnies aériennes africaines doivent opérer à une plus grande échelle.
Il leur faut à tout prix réduire les coûts, mutualiser certains postes de dépenses, améliorer les taux de remplissage, tout en augmentant le réseau de desserte.
Il faudrait également un plus grand nombre de pays ratifiant la convention du Cap, pour faciliter l’accès au crédit et l’acquisition du matériel aéronautique par les opérateurs.
Les pays disposant d’une bourse de valeurs devraient améliorer davantage ces mécanismes, afin de permettre aux investisseurs privés locaux, disposant pourtant de beaucoup de liquidités, d’investir dans le secteur.
Enfin, il faudrait une gestion irréprochable et une communication en continu avec les institutions financières, afin qu’elles puissent avoir une information fiable sur l’activité et de moins appréhender de travailler avec les compagnies aériennes africaines.
Par Willy Kamdem, spécialiste des génies systèmes (spécialité aéronautique)
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