Le Parlement autrichien a adopté mercredi 27 avril une série de réformes qui durcissent considérablement le droit d'asile. Ce jeudi, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, s'est dit « préoccupé » par l'adoption en Europe de politiques de « plus en plus restrictives » concernant les migrants, lors d'un discours devant le Parlement autrichien.
Devant les députés et en présence du président sortant Heinz Fischer et des deux candidats à sa succession, le secrétaire général de l’ONU n’a pas mâché ses mots :
« Je suis inquiet de la montée de la xénophobie ici et ailleurs. Tous les dirigeants européens devraient se rappeler des principes qui ont guidé ce continent. Les divisions et les marginalisations blessent les individus et minent la sécurité », a déploré Ban Ki-moon au lendemain d'un durcissement par Vienne de son droit d'asile, sur fond de montée de l'extrême droite dans ce pays.
« Je suis préoccupé que les dirigeants européens adoptent de plus en plus de lois restrictives en matière d’immigration. Ce sont des messages négatifs, en ce qui concerne les devoirs des Etats membres selon les lois humanitaires et européennes », a-t-il ajouté, soulignant que de telles politiques vont à l'encontre des « obligations des Etats » envers « le droit international, le droit humanitaire et le droit européen ».
« Si l’on gère bien le processus d’arrivée de migrants, tout le monde gagne à accepter les réfugiés », a conclu le secrétaire général de l'ONU.
« Etat d'urgence migratoire »
La loi adoptée ce mercredi introduit plusieurs freins au droit d’asile et renforce le contrôle aux frontières. Celle-ci stipule en outre que l'asile ne sera en outre accordé que pour une durée de trois ans à partir de novembre prochain.
L'une des mesures réserve le droit d'asile aux seuls demandeurs qui pourraient faire l'objet de persécutions dans leur pays et à ceux dont des proches se trouvent déjà en Autriche. Une autre prévoit l'examen des demandes d'asile dans l'heure qui suit leur dépôt et l'expulsion immédiate en cas de rejet.
La nouvelle loi permettra également dans certaines circonstances de bloquer les migrants aux frontières sans même leur accorder la possibilité de formuler une demande d'asile. Seule exception : réussir à prouver qu'ils sont persécutés par le pays d'où ils arrivent, par exemple l'Italie.
Les nouvelles mesures ne pourront entrer en vigueur qu'à condition que le Parlement reconnaisse l'existence d'une menace pour la sécurité et l'ordre public. Une fois adopté, cet « état d'urgence migratoire » sera en vigueur six mois et pourra être renouvelé trois fois, toujours par les députés.
Un revirement politique
L’an dernier, l’Autriche était, avec l’Allemagne et la Suède, le troisième pays européen à avoir accueilli le plus de demandeurs d’asile. Cette année, cette loi illustre un changement radical de politique dans le pays.
« Le gouvernement, sous la pression de la montée de l’extrême droite, a fait un revirement de politique, analyse Manfred Nowak, professeur de droit international, directeur adjoint de l’Institut Ludwig Boltzmann pour les droits de l’homme en Autriche. Il a décidé d’un coup qu’il voulait limiter à 37 500 le nombre de demandeurs d’asile en Pologne en 2016, et ça a été un vrai retournement ! Puis une conférence a été organisée avec les pays des Balkans qui étaient en mesure de fermer leurs frontières à la demande de la Grèce. C’était une décision purement politique de la part du gouvernement. Malheureusement, avec ce changement drastique de politique, cette culture de l’accueil et les initiatives lancées pour aider les demandeurs d’asile ont disparu, remplacées par cette politique d’immigration très sévère. L’Autriche se comporte de la même façon que la Hongrie de Victor Orban et tous ces leaders des pays de l’Europe de l’Est, la Pologne incluse. »
0 Commentaires
Participer à la Discussion