Chacune de ses prédictions est annoncée et attendue pendant des semaines, et pour cette raison présentée comme un événement majeur, et quand enfin on est autorisé à l’entendre, c’est l’occasion de vérifier la clairvoyance et surtout la précision de ses prédictions. Sa maison est prise d’assaut du lever au coucher du soleil par une foule d’anonymes mais aussi de personnalités en quête d’espérance dans un monde déserté par la confiance en Dieu, en la Raison ou en la République. Détenant la solution aux maux sociaux, physiques et psychiques, pouvant démêler les sorts jetés par d’imaginaires, éternels et utiles rivaux, elle règne sur notre conscience telle une maîtresse nymphomane que rien n’apaise.
Un samedi soir à Dakar, donc, sur un plateau de télévision, prime time, où une animatrice au visage défiguré par le mascara préside au face-face entre trois femmes et trois hommes. Des lutteurs font face à des femmes- médiums. Une douteuse solidarité du profit fait face à la force brutale d’enfants en quête de gloire et de fortune. Et au milieu, rayonnant de confiance et d’assurance, celle qui ne se trompe jamais. Pour la première fois de ma vie, j’ai vu et écouté celle que l’on ne présente plus ni aux sénégalais ni aux fanatiques de la sous-région. Celle qui s’est immiscée dans les rêves les plus enfouis de millions de sénégalais. Celle qui leur a pris leur cœur et ne leur rendra jamais. Celle qui incarne le triomphe de la magie et de la superstition. Celle qui a donné le coup de grâce à la raison et à Dieu. Deux bonnes heures d’une télévision privée consacrée à la gloire d’une superstar dont les gestes étudiés, la diction parfaite, l’assurance et les mouvements gracieux démontrent l’ampleur d’un art consommé de la représentation et de la maitrise des codes du système médiatique.
Dans un pays où la foi est portée en bandoulière comme un trophée irremplaçable et jaloux, il y a cette curiosité héritée des tréfonds de l’âme païen des africains : la superstition qui empoisonne psychiquement nombre de sénégalais. Ignorant ou méprisant de ce hadith rapporté par Aicha (ra): «Des gens interrogèrent le Messager de Dieu (as) sur les devins. Il dit: «Ce ne sont rien». Ils dirent: «O Messager de Dieu! Ils nous annoncent parfois des choses qui se vérifient par la suite». Le Messager de Dieu dit: «II s’agit là d’une parole de vérité que le génie saisit au vol et verse dans l’oreille de son protégé. Ainsi ils mêlent un mot de vérité à cent mensonges» (ura). Ou du Deutéronome 18.10.14 « Il ne se trouvera au milieu de toi… ni enchanteur, ni magicien ni sorcier, ni personne qui consulte les esprits ni diseur de bonne aventure…car quiconque fait ce choses est en abomination a L’Eternel…Ton Dieu ne t’a pas permis d’agir ainsi » .
Déçus par des chefs religieux qui se sont corrompus à force de luxure et de compromission et dont le paradis promis est décidément trop lointain et de moins en moins séduisant, trahis par des hommes politiques et une élite dont le serment républicain ne fonctionne plus que pour leurs familles, excités et chauffés à blanc par des médias devenus griots du pire et du rentable, les sénégalais s’adonnent à outrance à une explication surnaturelle de la réalité qui se nourrit surtout de pauvreté et d’ignorance. Dans les capitales modernes et villages africains de ce XXIème siècle où les moyens de communication diffusent pourtant continuellement les images de l’explication rationnelle des phénomènes naturels, sociaux, économiques et politiques, subsistent des croyances détournées par nombre d’ambitieux et d’ambitieuses qui s’installent de plus en plus à la périphérie des villes munis de chapelets et d’un tas d’objets qui font de leurs antres de véritables musées d’art africain. Mêlant adroitement préceptes coraniques, bibliques et traditions païennes, maîtrisant à la perfection l’art de la mise scène, ces grands comédiens d’aujourd’hui pullulent et polluent dans nos sociétés sur fond de croyances issues du fond des temps et dont la permanence donne raison au philosophe Pascal qui notait déjà : « Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison».
Cela étant dit, cette peur, entretenue perpétuellement par des charlatans et de plus en plus par nos médias, rejaillit régulièrement sous forme de menaces tout à fait réelles qui prennent la forme de sacrifices et de rites nécessaires que les uns et les autres nous nous sentons obligés de faire ou de conseiller voire même d’exiger de nos proches. Ce même si nous n’y croyons pas. Le nombre de personnalités que l’on voit à la télévision avec toutes sortes de bagues au doigt montre jusqu’où la confiance et la foi en Dieu ont reculé au Sénégal. J’ai en mémoire ce puissant Directeur d’une société nationale sénégalaise, devenue par la suite Ministre sous Wade, qui se bardait de gris-gris dont il prenait un malin plaisir à se servir comme moyen d’ intimidation en se frottant ostensiblement à ces interlocuteurs.
Chassant l’esprit critique, contrairement à la religion qui elle admet la raison et lui aménage un espace de liberté, la superstition et son corollaire, la magie, dressent des murailles infranchissables au sein des couples, des familles, des administrations, des ethnies et des écuries de lutte ! Une véritable guerre civile larvée. C’est ainsi que la maladie inexpliquée, la mort subite et l’échec scolaire, amoureux ou professionnel ne seraient que l’œuvre de jaloux et d’aigris qui auraient mobilisé des forces surnaturelles pour nous river dans la déchéance. Et pour confirmer ces soupçons, un marché de plus en plus juteux offre des services à cette demande d’irrationnel. Les nombreux marabouts et médiums, mauvais psychologues, se hâtent de corroborer la suspicion, de désigner les responsables de ce malheur dont il faut se protéger par de fortes sommes d’argent, de rites voire de sacrifices. Virant souvent à la tragédie, ces croyances et farces de mauvais gout se propagent dans l’indifférence générale et l’irresponsabilité des gouvernants (par complicité ou duplicité) dont le rôle devrait être d’éduquer le peuple en lui donnant les moyens de comprendre la réalité, d’y trouver sa place et de la transformer dans un but de justice sociale et de liberté. Il est grand temps de s’y atteler !
Karfa S. Diallo
23 Commentaires
Makhtarou
En Mai, 2013 (20:41 PM)Makhtarou
En Mai, 2013 (20:46 PM)Boom
En Mai, 2013 (20:46 PM)Goren
En Mai, 2013 (20:46 PM)Grd
En Mai, 2013 (21:09 PM)Boom
En Mai, 2013 (21:39 PM)Xeusha
En Mai, 2013 (21:49 PM)Diop Sy
En Mai, 2013 (22:01 PM)Wydad
En Mai, 2013 (22:02 PM)Iiki
En Mai, 2013 (22:06 PM)Modou Modou
En Mai, 2013 (22:29 PM)Degg Gui
En Mai, 2013 (22:47 PM)Selbé a glissé subrepticement en fin d'émission que Macky devra recevoir les handicapés et leur faire un "beer ndeele". Alors, les journalistes, dressez l'oreille et à vos longue-vue pour guettez l'événement.
Guiss Guiss
En Mai, 2013 (23:53 PM)senegal( wakhma ban couleur silib la sol) attention desfois douma ka sol sAKH,
Tiene
En Mai, 2013 (06:06 AM)vs pouvez me dire comment faire pour avoir une audiance avec MACKY SALL j'ai demande à sa soeur Rokhaya SALL elle m'ignore complétement alors qu'on était copine avant l'élection de son frére.
merci
Cisse
En Mai, 2013 (08:31 AM)Molurt
En Mai, 2013 (08:49 AM)Dr Dre
En Mai, 2013 (08:56 AM)Deug
En Mai, 2013 (10:26 AM)Sa Matt Goloniaye
En Mai, 2013 (13:49 PM)Aux etats-Unis il y a quelque annees, il existait une dame que se faisait appelait ms.Cleao qui certainement a inspire Selbe Ndome mais le federal govt a pris ses responsabilites de proteger les populations.
Pauvre pays!
Azucar
En Mai, 2013 (14:09 PM)Takou
En Mai, 2013 (14:54 PM)Combien de fois Selbé est passé a coté ?
Vous ne retenez que les succes dans le cadre d'un jeu a 2 issus
La vrai raison qu succes de ces charlatans est que les senegalais sont majoritairement des incroyants
Quand on croit a Dieu, on a pas besoin de chercher a connaitre l'avenir
Quand on croit a Dieu, on a pas peur de quoi que ce soit
Quand on croit a Dieu, on est protégé
Reply_author
En Mars, 2024 (11:42 AM)Khoug
En Mai, 2013 (17:16 PM)Man
En Mai, 2013 (17:41 PM)Participer à la Discussion