La web@cademy, qui forme gratuitement les décrocheurs scolaires au développement Web, vient de lancer une promo « ambition féminine » à Paris. L'idée? Envoyer un signal fort aux femmes, trop peu nombreuses dans les métiers du numérique, pourtant valorisés et bien payés.
Où trouver aujourd’hui un métier bien rémunéré et créatif, qui embauche massivement, même quand on n’a pas le bac ? Réponse : dans l’informatique. Un bon tuyau, avec ascenseur social à la clé. Pourtant, les femmes sont encore peu nombreuses à l’envisager. Elles ne seraient que 33% dans les secteurs du numérique* et 20% en moyenne dans les écoles d’informatique.
Pour contrer cette « fracture numérique » la Webac@démie a ouvert le 8 novembre sa première promo « Ambition féminine » en inversant les proportions : les élève sont dix-neuf filles et quatre garçons.
Depuis 2010, cette école, gratuite, forme en deux ans au développement Web des jeunes de 18 à 25 ans sortis du système scolaire sans le baccalauréat, en partenariat avec Epitech et l’association ZUPdeCO. Le nom de cette nouvelle promo a été choisi pour encourager les femmes à se projeter dans des métiers dont l’image d’Épinal reste un homme à lunettes avec une barbe de trois jours et une chemise à carreaux. « L’intelligence artificielle est créée à plus 90% par des hommes, il est urgent de corriger ce déséquilibre ! » plaide Sophie Viger, directrice de l’école.
"En intelligence artificielle il y a 95% d'hommes." @sophieviger #mixitenumerique
— Epitech (@Epitech) 3 mars 2016
« L’INFORMATIQUE EST ENCORE ASSOCIÉE À UNE IMAGE TECHNIQUE ET MASCULINE, UN PEU COMME LA MÉCANIQUE. »
Afin de booster le recrutement, la limite d’âge de la classe a été fixée à 30 ans. Certain(e)s élèves ont le bac, bien qu’elles ou ils aient en majorité quitté prématurément le système scolaire. Delphine Robert, 25 ans, enchaînait les contrats de vendeuse après avoir claqué la porte d’un BEP mode. Elle s’enthousiasme désormais pour le design Web. «Le code, c’est à la fois très technique et très ludique, j’adore ! ». Niakalé Keita, 28 ans, avait été orientée vers une carrière d’aide-soignante, à laquelle elle avait fait semblant de croire jusqu’au bac pro, avant de devenir animatrice pour enfants. Elle envisage de créer un cours de code pour les jeunes. « Pour réussir et rester motivés, on nous encourage à chercher les réponses par nous-mêmes, à coopérer, à inventer des solutions. Cette méthode d’apprentissage rend super fier et autonome ».
Le suivi pédagogique est assuré par une ancienne élève, Lilas Merbouche, 27 ans. Major de sa promo en 2012, elle raconte que son parcours a inspiré la création de l’école 42 par Xavier Niel, le patron de Free, qui s’adresse également aux décrocheurs. « J’ai arrêté l’école en terminale S et je me suis vite rendue compte que c’est très compliqué d’avoir un bon salaire en faisant des petits boulots. L’informatique est encore associée à une image technique et masculine, un peu comme la mécanique. Le code, c’est surtout ultra créatif et très valorisant : on part de rien pour construire de grandes choses ! »
SURMONTER L’ÉPREUVE DE « LA PISCINE »
Pour démontrer leur motivation et leur détermination, les candidat(e)s ont dû surmonter l’épreuve de « la piscine » : du code intensif, de 8h à 23h, pendant trois semaines, même le samedi et le dimanche. Bizutage ? « Pas tout à fait, c’est une période dont les étudiants se souviennent avec beaucoup d’émotion et de joie », préfère se féliciter Sophie Viger. « Elle crée des liens entre eux et surtout ils apprennent en trois semaines ce qu’on apprend en un an dans d’autres types de formation. » Chaque étudiant sera mentoré par un salarié de Microsoft, entreprise partenaire de la formation, qui accueillera six mois en stage le ou la major(e) de promo. Dans deux ans, les élèves obtiendront le Certificat d’Intégrateur et Développeur Web délivré par Epitech. « 95% de nos anciens élèves ont trouvé un poste. Les 5% restant ont choisi de reporter leurs recherches pour voyager ou pour d’autres raisons personnelles », assure la directrice. « Les métiers du Web vont se développer de façon exponentielle. La clé sera d’être capable de s’autoformer à ceux qui n’existent pas encore. C’est une véritable révolution dont les femmes ne doivent pas se tenir à l’écart. » L’enjeu n’est pas seulement économique. Il est aussi politique : participer à la création de l’intelligence artificielle et du monde à venir.
*OPIIEC (Observatoire Prospectif de l’Informatique, de l’Ingénierie, des Etudes et du Conseil), mars 2016.
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