L’affaire Cheikh Niasse, du nom de cet immigré décédé en détention pour un banal contrôle routier qui a tourné au vinaigre, a secoué la police encore accusée de bavure. Un problème récurrent qui a fini d’entacher la réputation de la police sénégalaise dont les rapports avec les populations sont de plus en plus conflictuels. Dans cet entretien accordé à Seneweb, l’ancien commissaire de police Cheikhna Keïta analyse le phénomène non sans passer au crible les différents facteurs qui y concourent mais qui ne sauraient les justifier.
Commissaire, la police est encore accusée de bavure. Selon vous, qu'est-ce qui peut expliquer la récurrence des cas de bavures policières ?
Les policiers agissent sur des êtres humains dans des situations où quelques fois ils sont obligés de faire recours à la force coercitive pour arriver à neutraliser les personnes qu’elles ont en face parce que celles-ci ou bien sont naturellement violentes et refusent d’obtempérer ou bien trouvent d’autres formes de résistance. Pour arriver à mettre fin à leur comportement, la police est obligée de leur appliquer des méthodes qui ne peuvent pas ne pas être violentes. Ça c’est la règle !
Maintenant de là à dire que tout est dans la règle, ce n’est pas vrai. Il peut arriver que des policiers dans leur comportement ou bien débordent ou bien font quelques fois ce qu’il ne fallait pas faire. C’est cela qui l’explique. Mais le fond de l’affaire c’est qu’on n’agit pas sur du bois, on agit sur des être humains. Il y a des règles et des principes à respecter. Des règles qui autorisent à user de la force coercitive mais aussi qui encadrent ces comportements là. Quand on les respecte, tout va bien. Mais quand on ne les respecte pas, c’est la bavure.
Beaucoup de citoyens accusent certains policiers de faire dans l’excès de zèle. Est-ce que vous pensez la même chose ? N’y a-t-il pas lieu de revoir le comportement de certains policiers ?
Il y a des policiers qui dérapent. Mais la police en tant qu’institution n’a pas une culture de faire dans l’excès de zèle. Parce que les gens sont formés, préparés à exercer ce métier là. Il y a beaucoup de dispositions sur le plan technique et tactique qui appellent à connaître les règlements qui autorisent à se comporter d’une certaine manière et tout ce qui leur est interdit. Donc on ne peut pas dire que la police ou les policiers font dans l’excès de zèle.
Maintenant, c’est des comportements à l’écart de gens qu’on pourrait appeler des délinquants occasionnés par la pratique du métier ou des brebis galeuses. Les délinquants du métier, c’est quelqu'un qui par inadvertance cause une bavure. Quelqu’un qui se laisse emporter par un tempérament naturel d’être humain qui va à la bavure, c’est quelqu'un qui est comme ça naturellement. C’est un délinquant que l’occasion révèle, qui est capable de violence délibérée. Ça c’est l’individu, c’est l’être humain, ce n’est pas la formation. Il faut maintenant, par rapport à ces comportements, revenir encore à redéfinir d’autres codes de formations pour que ces écarts qui échappent puissent être mieux contrôlés.
Justement par rapport à cela, vu la récurrence des cas de bavures policières, est-ce qu’il ne faudrait pas dire stop et revoir la formation et contrôler le comportement des agents sur le terrain ?
On continue à former. On ne dit pas stop. C’est un métier qui s’allume à feu continu. Tant que le monde existera, la police existera avec les problèmes inhérents à l’exercice du métier. Il n’y a pas de scandale, il y a seulement à constater qu’il y a des débordements qu’il faut contrôler. Il faut qu’on se mette en responsable et qu’on n’encourage pas les gens qui ruent sur les brancards. On est dans un contexte de pratique professionnelle qui s’exerce sur des êtres humains. On est dans un métier où les agents de police sont poussés en ébullition parfois par le comportement des gens qu’ils ont en face d’eux. On est dans une société qui évolue, les gens évoluent.
Avant, s’il n’y avait pas assez de problèmes, c’est parce qu’il n’y avait pas cette culture de provocation, de résistance, c’est pourquoi il n’y avait pas cette culture de violence chez les policiers. Si on met le tort d’un seul côté, on n’arrive pas à maîtriser le phénomène. Il faut que tout le monde revoie sa copie. Il faut que les policiers tiennent en compte tous ces changements dans la maîtrise professionnelle, dans la formation des agents pour qu’eux qui sont les acteurs sur le terrain puissent contrôler ces situations là au mieux. Ce sont là des facteurs externes qui font que partout dans le monde des bavures se commettent.
Dans ce nouveau contexte marqué par une culture de résistance et de défiance, en tant qu’ancien commissaire, quelles solutions préconisez-vous ?
Il faut qu’on évolue avec le mal. Cela veut dire qu’il faut qu’en toute objectivité qu’on évolue avec le mal, qu’on sache le contenir dans des proportions qui ne font pas peur. Il ne faut pas qu’on se dise basta c’est la fin, on va mettre un terme à cela. Ce n’est pas possible, parce que la force coercitive sert à quelque chose car en face il y a des comportements qui appellent à son utilisation.
Vous interpellez quelqu’un, il vous attaque. Vous êtes en face de quelqu’un, il est arrogant, vous lui demandez de s'exécuter, il n'obtempère pas. Il faut qu’on revoie tout cela pour le réduire au maximum. Mais, il est de la responsabilité des forces de police de comprendre que son problème aujourd’hui par rapport à la problématique de ses rapports avec les populations, ce sont ces facteurs qui entraînent des bavures policières. Il faut voir maintenant comment on peut reprendre les policiers qui sont bien formés et qui ont un bon comportement et essayer de voir où on peut les installer pour qu’il y ait moins de bavures. Il y a des comportements qu’on ne peut pas expliquer ni pardonner chez un policier.
Quel que soit le comportement des populations, la police est responsable parce qu’elle est chargée de cette mission républicaine. Il faut qu’on se mette au niveau du problème et qu’on apporte des réponses qui rassurent. Il ne faut pas qu’on se justifie, on a le devoir de rassurer.
8 Commentaires
Roc
En Octobre, 2021 (15:29 PM)Attention aux mauvaises notes !
une approche très bien calculée :
je le croyais pas aussi BON
Anonyme
En Octobre, 2021 (16:10 PM)jean collin
tanor dieng
Anonyme
En Octobre, 2021 (17:05 PM)Je ne le connais pas mais je suis ses interventions dans les médias. Il est vraiment pertinent.
Voilà quelqu'un qui ose dire la vérité. Un vrai croyant .Monsieur le commissaire continue sur cette voie et ne pas faire attention aux insultes des Sonkoboys.Parceque ce que vous dites sur l'affaire Ousmane Sonko/Adji Sarr ne les arrange pas.Ce n'est pas ce qu'ils veulent entendre.
Et pourtant Dieu sait que ce que vous dites est solide comme du BÉTON .
Yallah nala Yallah May goideu fane.
Amine ya rail Allah.
Amadou Ndiaye
En Octobre, 2021 (17:48 PM)Dans ce pays on ne baisse jamais la tête en regardant dans le rétroviseur. Quelle honte. Shame on you.
Boy Casa
En Octobre, 2021 (21:44 PM)la retraite rend sénile et la solitude est le pire ennemi de l'homme. Créer une association pour vous occuper des enfants est pour vous une solution. Evter le milieu politique si vous ne voulez pas ternir à votre image mon commissaire
Participer à la Discussion