Vous êtes hors du pays, mais vous suivez l’actualité. Le chef de l’Etat, Me Wade, est hué partout où il passe. Ne pensez-vous pas que les Sénégalais en ont assez de son règne ?
Si le peuple hue le Président, c’est qu’il ne veut plus de lui. Le peuple n’est pas content par rapport à des choses que le Président a faites, des actes qu’il a posés. La sagesse voudrait que le Président regarde de plus près cette situation. Et qu’il remette en question certains actes qu’il pose.
Les maires ont-ils joués leur rôle durant tout ce septennat ?
Les maires, au Sénégal, n’ont aucune proximité avec les populations et sont en déphasage complet avec les aspirations des populations. Souvent un maire est un chef de partis et ne réside pas dans la localité où il est l’édile. Imagine que le maire de Thiès est à Dakar, le maire de Saint-Louis idem. On peut comprendre qu’une ville va mal, sans eau, ni électricité. Et se permettre de construire une belle Corniche. Alors qu’on a besoin d’un hôpital dans la banlieue. C’est la même chose dans les petits quartiers. Les maires changent, mais le quartier ne change pas. Il ne change absolument pas. Alors qu’on dit que le maire a beaucoup d’argent. Mais ce n’est pas dans sa qualité de maire qu’il détient tout cet argent. On doit se demander à quoi ils servent, ces maires.
Il y a un ras-le-bol général. Et beaucoup de gens, qui n’avaient pas envie de faire de la politique, s’y lancent actuellement, et ils ont envie de prendre la mairie de leur quartier. Les Sénégalais ont envie de voir des gens qui travaillent et non des gens qui font de la politique à longueur de journée. Et de la très mauvaise politique.
Ne pensez-vous pas que les collectivités locales étaient mieux gérées au temps des socialistes ?
Je ne vais pas faire de comparaison entre le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais. Mais aujourd’hui, il faut remarquer qu’il y a une crise de responsabilité, de dignité et de leadership. Ce n’est de comparer le Ps et le Pds, mais c’est de voir des gens qui ne sont pas intéressés par la vie de la cité. C’est plutôt comment monter et se faire mousser auprès du chef suprême du parti. C’est tout simplement ce qui les intéresse. Ce n’est pas la vie de la cité en elle-même qui demeure leur préoccupation. C’est vraiment dommage. Il faut que ces gens aient le courage de se regarder dans un miroir pour dire, est-ce que, depuis qu’on est là, le quartier a évolué et si les gens vivent mieux dans le quartier ? Des espaces sont-ils fait ? Le quartier est-il salubre. Il y a beaucoup de questions que l’on peut se poser.
Karim Wade vient d’entrer dans l’arène politique, quel est votre point de vue ?
Sortir de l’histoire en laissant son fils y entrer. Il est arrivé des situations où les fils sont venus et cela n’a rien apporté de bon. Même le fils de Bush, qui est venu bien après son père, n’a fait que des gaffes. Au Togo, cela ne donne rien de bon. Pour vous dire que partout où cela existe, rien de bon ne se fait. Et le Sénégal est un pays où la démocratie n’est pas un mot cru. Ce n’est pas par des galipettes qu’il faut tromper le peuple. Si le peuple ne veut pas de cette candidature, qu’il le fasse savoir. En tout cas, tous les amoureux sincères de la démocratie ne peuvent pas soutenir le fils du Président. Et surtout dans ses conditions, aidé qu’il est par l’appareil d’Etat à se propulser. Quelle que soit la structure où il appartient, nous ne pouvons pas accepter, en tant que patriote, que notre démocratie soit, à ce point, insultée.
Quels conseils donnez-vous à la jeunesse sénégalaise pour ces élections ?
Je leur demande de ne pas se laisser acheter. Il faut savoir refuser dans la vie. Si alors, le cas se présente, prenez l’argent des gens du régime. Mais ne votez pas pour eux. Car, ils ne feront rien pour vous demain. C’est le même schéma qui va continuer.
Les textes très engagés d'Awadi ne sont-il pas parfois source d'ennuis ?
Non, je n'ai jamais eu d'ennui par rapport à mes textes. Seulement, comme je mets à nu certains travers des autorités, forcément ils ne vont pas apprécier. Mais, je pense qu’une société est une société. Objectivement, si nous voulons qu’elle change, il faut la critiquer. Et quand on dit critique, c’est dans le sens positif. En tout cas, c’est le sens de ma démarche. Tout en voulant que notre société évolue dans le meilleur sens. Ne pas critiquer une société qui n’évolue pas, c’est être lâche. Malheureusement, beaucoup de frères baissent les bras, préférant se taire. La pire des choses, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais. Mais le silence des gens biens.
C'est donc l'autocensure qui empêche les gens d'écrire...
Je n'ai pas dit que les gens n'ont pas d'ennuis. Je dis que, moi, je n'en ai jamais eu.
Quel regard portez-vous sur le mouvement Hip-hop aujourd'hui ?
Le mouvement Hip-hop sénégalais, c’est aujourd’hui le mouvement musical le plus fort, qui compte le plus d’adepte, le mieux organisé et le plus structuré. De tous les genres musicaux, le mouvement rap est le plus structuré. Et qui est le plus porteur de réponse par rapport à la société sénégalaise. Ses aspirations et son développement.
Envisagez-vous un projet musical cette année avec d’autres rappeurs sénégalais ?
Actuellement, le projet jusque-là présent, c’est le Festival Sénérap. Sinon j’ai d’autres projets avec pleins d’artistes, essentiellement Sénégalais, mais dans le monde aussi. Mais, c’est dans le long terme.
Certains estiment que le rap sénégalais se renferme, parce qu'il est majoritairement chanté en wolof...
C’est très bien que le rap sénégalais soit chanté en wolof. Mais, il y a des rappeurs qui ne chantent pas en wolof. La majorité s’exprime en wolof et c’est l’image du Sénégal qui est en jeu dans le rap sénégalais. Il ne doit pas être autre chose que d’être à l’image du pays.
Ne pensez-vous pas que le wolof soit une source de blocage au niveau international ?
Non, je ne pense pas. Loin de là. Les gens parlent d’autres langues et on le consomme. Je pense que c’est pareil pour notre wolof. La musique est une question d’émotion.
Le rap s'adresse en majorité aux jeunes qui n'ont pas les moyens d'acheter le Cd et les cassettes. Cela ne contribue-t-il pas à renforcer la piraterie ?
Les jeunes n’ont rien à voir là dedans. Sincèrement, les jeunes ne nous piratent pas. C’est l’Etat sénégalais qui ne protège pas les artistes.
D’où tirez-vous votre inspiration ?
Mon inspiration me vient de partout : de la vie de tous les jours, des discussions, des lectures ; de la vie dans sa globalité, et de tout ce qui se passe autour de moi.
0 Commentaires
Participer à la Discussion