Malgré l'interdiction de la préfecture de police, les organisateurs de la manifestation ont maintenu leur appel à défiler dans la capitale, comme dans plusieurs villes de France, dénonçant les effets de la crise sanitaire pour les migrants.
«Il faut régulariser les sans-papiers», crie François-Michel Lambert, député (Libertés et Territoires, ex-groupe LREM) des Bouches-du-Rhône. Ce samedi aux environs de 13 h 30, sur la place de la Madeleine à Paris, la «Marche des solidarités» débute à peine et des centaines de personnes sont déjà réunies. Malgré l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes en vigueur sous l’état d’urgence sanitaire, les 195 organisations – associations, syndicats, collectifs de sans-papiers – à l’origine de cette initiative ont maintenu leur appel, moyennant des consignes de port du masque et de maintien de la distanciation physique le long du parcours. Pour les migrants, «la crise sanitaire actuelle est en train de devenir une véritable bombe sanitaire», dénoncent-elles dans un communiqué commun, qui appelle notamment à régulariser tous les sans-papiers, à leur ouvrir le droit au chômage partiel, et à fermer les centres de rétention administrative (CRA).
Masques sur le nez, les manifestants s’agglutinent pour écouter le discours du député Lambert. Chabane leur demande de «respecter les distances de sécurité». C’est la première fois que cet Algérien de 37 ans, arrivé en France il y a deux ans, se rend à une manifestation de ce genre. Avant le confinement, il vivait de petits boulots payés en liquide. Mais ces temps-ci, il n’a plus de revenus. C’est ce qui l’a décidé à venir défiler : «On veut juste vivre comme tout le monde, et qu’on nous respecte», revendique-t-il.
«On est bloqués»
Chabane n’est pas le seul sans-papiers à participer pour la première fois à une manifestation. Le cortège – dont une partie s’élançait aussi du quartier de l’Opéra, où les forces de l’ordre ont tenté d’empêcher le départ en usant de gaz lacrymogène – se déplace rapidement mais calmement vers la place de la République, et ne cesse de grossir. Selon la préfecture de police de Paris, la marche a rassemblé 5 500 personnes. «Je n’ai jamais vu autant de monde à une manifestation de soutien aux sans-papiers», compte Alhousseyni, un Sénégalais habitué, lui, de ce genre de rassemblement. «Sans chômage partiel, on est bloqués. On ne peut pas travailler», soupire celui qui, avant la crise sanitaire, nettoyait des vitres contre quelques euros.
Place de la République, les tracts d’Adoulayé partent comme des petits pains. Le jeune homme de 26 ans, venu du Mali, fait partie du collectif Baras, qui rassemble des sans-papiers de Bagnolet et Montreuil, en Seine-Saint-Denis, et est récemment devenu une association. «Ça me fait plaisir de voir du monde, glisse-t-il. Ça fait sept ans que je fais des démarches pour avoir des papiers. La préfecture m’a fait faire des va-et-vient pendant des années, pour finir par me dire que je ne les obtiendrais pas…» Il dénonce une situation critique depuis le début de la crise sanitaire : «La majorité des membres de notre association n’ont pas encore repris le travail.»
Première sommation
Pendant qu’il parle, la place de la République se remplit. Une cinquantaine de manifestants sont montés sur la statue et les forces de l’ordre ne tardent pas à donner leur première sommation. Un peu à l’écart, Sami, masque chirurgical sur le visage, résume les raisons qui ont poussé son association, AFD International, à organiser cette manifestation. «La Marche des solidarités existe depuis trois ans, elle rassemble beaucoup d’associations et de collectifs autour des questions de droits des migrants, de droit au logement, de lutte contre les violences policières», détaille-t-il. Cette année, les conséquences de la crise sanitaire ont poussé davantage de gens à battre le pavé. «Il y a beaucoup de nationalités différentes et beaucoup de familles», souligne Sami.
Alors qu’il explique que la manifestation a été interdite par la préfecture de police deux jours plus tôt, il est interrompu par des tirs de gaz lacrymogène, suivis d’une charge de gendarmes mobiles. Les manifestants quittent la place rapidement. A 17 heures, les skateurs ont réinvesti l’esplanade. Un peu plus loin, boulevard Magenta, les forces de l’ordre interpellent les derniers manifestants. En fin de journée, la préfecture de police a fait état de 92 interpellations. Les organisateurs, eux, appellent à un nouveau défilé le 20 juin.
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