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[ PHOTOS ] Ben Laden, du bigotisme au terrorisme

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[ PHOTOS ] Ben Laden, du bigotisme au terrorisme

Mieux que tout autre dirigeant d'organisation de l'ombre ou hors-la-loi, Oussama Ben Laden maîtrisait l'art de la guerre des nerfs et du message subliminal. Quand des rumeurs circulaient sur son état de santé défaillant, dans les présumés montagnes perdues de la zone tribale pakistanaise, voire sur son décès, il se faisait entendre, pour délivrer, sur un ton monocorde et bas, un message, souvent adressé à des destinataires bien précis – "nos voisins du nord de la Méditerranée" [les Européens], ou encore les "Américains".

Il y alternait des "explications" de son action et des menaces, manière d'inquiéter leurs récipiendaires, de mettre les services de sécurité sur les dents et, dans un même souffle, de rassurer ses partisans et ses admirateurs que son silence prolongé inquiète. Ses premières "épitres" sonores étaient accompagnées d'images vidéo. Les dernières répercutaient uniquement sa voix. C'est de lui, ou pour le moins de l'organisation Al-Qaida, dont il était l'exemple à suivre, que se réclament de très nombreux groupes djihadistes.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 contre New York et Washington, il était l'homme le plus recherché du monde, l'ennemi numéro un des Etats-Unis, qui avaient mis sa tête à prix. La Palestine, la Tchétchénie, l'Afghanistan et l'Irak étaient ses principaux chevaux de bataille contre l'alliance "des croisés et des juifs", et contre les régimes – à ses yeux –, dépravés du monde musulman. Mais il se voulait aussi le héraut d'une renaissance de l'islam.

Avis de recherche d'Oussama Ben Laden, affiché dans les rues de New York le 18 septembre 2001.

Avis de recherche d'Oussama Ben Laden, affiché dans les rues de New York le 18 septembre 2001.REUTERS/© Russell Boyce / Reuters

Les spécialistes autoproclamés, au lendemain du 11-Septembre, ont tracé de lui une image contrastée. A les croire, le bon vivant, gai luron, noctambule et amateur de vie facile, fils à papa en somme, a soudain basculé, dans les années 1980, dans le bigotisme et dans l'islamisme radical. Ses biographes les plus sérieux révèlent un itinéraire beaucoup plus cohérent, dont le point d'orgue est le recours au terrorisme.

L'INFLUENCE DES FRÈRES MUSULMANS

Oussama Ben Laden est né en 1957 à Riyad, d'une mère syrienne, Alia Ghanem, l'une des multiples épouses de Mohammed Ben Laden, ancien maçon d'origine yéménite, naturalisé saoudien après être devenu, à la sueur de son front et grâce à un sens aigu des affaires, le principal entrepreneur du bâtiment et des travaux publics dans le royaume wahabite, terre de prospérité et d'immigration économique. Oussama a 10 ans lorsque son père, séparé de sa mère depuis quelques années, meurt dans un accident d'hélicoptère.

A la différence de ses demi-frères qui, profitant de la fortune familiale, parcourent le monde et fréquentent, adultes, des universités étrangères, Oussama suit un cursus scolaire et universitaire exclusivement saoudien. Musulman croyant et pratiquant dès son plus jeune âge, plutôt timide et discret, selon les témoignages de ceux qui l'ont connu alors, il subit l'influence des Frères musulmans qui, pourchassés par le régime nassérien en Egypte, berceau de leur association, s'égaillent dans différents pays. Ils sont bien accueillis en Arabie saoudite, adversaire déclaré du nassérisme.

1979, UNE ANNÉE CHARNIÈRE

Oussama a 18 ans lorsque le chah est renversé en Iran au profit d'une République islamique. La même année, l'armée rouge soviétique envahit l'Afghanistan. En Arabie saoudite, un groupe de jeunes islamistes radicaux, emmenés par Jouheimane Saïd Al-Oteïbi prend d'assaut la Grande Mosquée de la Mecque et réclame la chute de la famille royale accusée de déviance religieuse et de corruption. En Syrie, les Frères musulmans engagent le fer contre le pouvoir baasiste, contrôlé par la minorité alaouite.

Photographie non datée d'Oussama Ben Laden.

Photographie non datée d'Oussama Ben Laden.AP

Ce qui "passionne" Oussama, écrit le journaliste américain Jonathan Randal, auteur de l'une des biographies les plus sérieuses et les mieux documentées de Ben Laden (Oussama : la fabrication d'un terroriste, Albin Michel, 2004), ce n'est ni l'Afghanistan, ni la Grande Mosquée, ni "cette cause favorite qu'est la Palestine" pour tout Arabe et musulman, mais "l'impitoyable campagne de terreur orchestrée par les Frères musulmans qui faillit renverser le régime alaouite en Syrie" et qui se soldera, trois ans plus tard, par une terrible répression, dont 10 à 15 000 personnes, selon les sources, seront les victimes.

D'autres biographes font de l'invasion soviétique de l'Afghanistan la clef du basculement de Ben Laden dans la violence au nom de l'islam. Lui-même, dans ses interventions diverses, embrasse dans son argumentaire toutes les "guerres" occidentales dont sont victimes, selon lui, les peuples musulmans de la Somalie aux populations immigrées en Occident.

PREMIÈRES ARMES EN AFGHANISTAN

L'Occident n'est toutefois pas son "premier choix". Le danger pour la terre d'Islam, au début des années 1980, c'est le communisme et l'invasion de l'Afghanistan par l'armée rouge soviétique. Le sang d'Oussama ne fait qu'un tour. Il se met au service de la cause des moudjahidins afghans. Le pouvoir saoudien, ébranlé par la révolution islamique iranienne et l'affaire de la Grande Mosquée de la Mecque, fait de la surenchère à l'islam. Il encourage et finance l'afflux de combattants musulmans en Afghanistan avec la bénédiction et les encouragements de la CIA.

Oussama est chargé de la collecte de fonds pour ceux que l'on appelle alors les "combattants de la liberté". Il participe aussi à certaines batailles, même si certains récits de ses faits d'armes relèvent sans doute davantage de la légende que de la réalité.

A Peshawar, au Pakistan, sorte de base arrière et passage obligé vers le maquis afghan, Ben Laden rencontre Abdallah Azzam, un érudit palestinien, membre de l'association des Frères musulmans qui exercera sur lui une grande influence. Ancien professeur de jurisprudence musulmane en Jordanie, en Arabie saoudite, au Pakistan et en Afghanistan, Azzam s'est engagé auprès des moudjahidins, dont il est l'un des conseillers et auprès desquels il développe la théorie de la violence, pour défendre la terre d'islam.

Avec Ben Laden, dont il devient le mentor, Azzam fonde "Maktab Al-khadamat" ("Bureau des services") qui prend en charge les combattants musulmans de toutes nationalités en partance pour l'Afghanistan ou qui s'y trouvent déjà.

Ben Laden n'est pas avare de sa fortune, qu'il sait aussi faire fructifier. Tout au long de ses pérégrinations, il gratifie par ailleurs ses hôtes de sommes sonnantes et trébuchantes et de "cadeaux" en infrastructures. Les talibans notamment le lui revaudront, en refusant de l'extrader de l'Afghanistan comme le leur demanderont les Etats-Unis en 1998 .

C'est également au Pakistan que Ben Laden rencontre l'Egyptien Aymane Al-Zawahiri, dirigeant du djihad islamique dans son pays et qui a mis son art – il est médecin – au service de la guérilla musulmane anticommuniste. Zawahiri est considéré comme le numéro deux et l'idéologue d'Al-Qaida, après que son groupe eut rejoint Ben Laden en 1998.

Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahri, en 2003.

Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahri, en 2003.AP

Azzam, dont les relations avec Ben Laden ont connu de fortes tensions, est tué dans un attentat à la bombe, en novembre 1989. L'Armée rouge s'étant retirée du territoire afghan, Oussama rentre chez lui pratiquement à la même période. De nombreux moudjahidins regagnent leurs pays respectifs où la plupart d'entre eux constituent des groupes radicaux violents. Déjà, dans certains cercles étroits de moudjahidins, on entend parler d'un petit noyau dur multinational, Al-Qaida (la Base).

Les spécialistes et de nombreux services de renseignements ont longtemps épilogué sur la signification de cette dénomination. Quel qu'ait été l'objectif initial des fondateurs de cette "base", ce qui est certain, c'est qu'elle est devenue, notamment depuis ce fameux 11 septembre 2001, une marque franchisée, un modèle et une référence identitaire pour différents groupes islamistes radicaux à travers le monde.

DÉCHU DE LA NATIONALITÉ SAOUDIENNE

De retour en Arabie saoudite après l'épisode afghan, Oussama Ben Laden est outré par la gestion religieuse, économique, politique et sociale de la famille régnante et par l'abandon des ex-djihadistes d'Afghanistan. Comme de nombreux autres Saoudiens, il est indigné par l'appel lancé par le pouvoir à l'armée américaine pour protéger le royaume contre les velléités expansionnistes du dictateur irakien, Saddam Hussein, qui, en août 1990, envahit le Koweït.

Oussama propose de lever une armée de militants islamistes pour défendre le royaume et en préserver la pureté musulmane. Il se voit opposer une fin de non recevoir. Son radicalisme inquiète les autorités qui lui interdisent de quitter le royaume. Grâce à un subterfuge, il réussit l'année suivante à partir pour le Pakistan, d'où, après un bref séjour, il se rend au Soudan, dirigé depuis 1989 par une junte islamiste, dont l'idéologue est Hassan Tourabi, qui se veut l'un des idéologues de l'Islam.

Oussama ne remettra plus jamais les pieds dans son pays, dont les autorités le déchoient, en 1994, de sa nationalité. Sa famille se distancie de lui. C'est que, de son lointain exil, Ben Laden n'a de cesse de dénoncer la répression des opposants et les errements politiques et économique et la présence de troupes américaines sur le territoire du pays berceau de l'Islam. Il promet au royaume les foudres du ciel.

Dans des adresses au monarque, rendues publiques en 1995 et 1996, Oussama ne s'exprime plus sur l'unique registre religieux de ses premières années de djihadiste. Son discours, comme le fait remarquer le chercheur français François Burgat (L'Islamisme à l'heure d'Al-Qaida, La Découverte, 2005) est politique.

Au Soudan, qui accueille de nombreux djihadistes, Ben Laden exerce à la fois ses talents d'entrepreneur de travaux publics et de rassembleur des moudjahidins. Soumis néanmoins à très forte pression américaine et à des sanctions de l'ONU pour renoncer à son soutien au terrorisme, Khartoum propose discrètement, en 1996, à Washington et à Riyad, de livrer Ben Laden à l'un ou à l'autre. Les deux refusent.

"La campagne contre Ben Laden et le terrorisme en était à ses débuts", explique Randal. Les Etats-Unis, encore "attachés au respect scrupuleux de la légalité", n'ont pas de preuves suffisantes contre lui pour le juger. Plus tard, ils refuseront une offre de renseignements présumés précieux des autorités soudanaises, à cause de la méfiance qu'ils nourrissent à leur égard.

Les autorités saoudiennes, pour leur part, ne sont disposées, en cette année 1996, ni à réintégrer Oussama Ben Laden comme un citoyen ordinaire, ni à accroître son aura en le jetant en prison. A la demande des Etats-Unis, Khartoum prie son hôte de quitter le pays. Ben Laden regagne la terre de ses "débuts", l'Afghanistan, où, pendant des années, se succèderont les émissaires saoudiens pour tenter de le persuader de renoncer au djihadisme et de revenir dans son pays en échange de sa réhabilitation. En vain.

"TERRORISTE GUCCI VOCIFÉRANT"

C'est en août 1998 que les Etats-Unis prennent la mesure du danger que représente Ben Laden. L'enquête sur les attentats qui ont visé ce mois-là les ambassades américaines à Naïrobi et Dar Esalam, les mène à la piste Al-Qaida. Le FBI et la CIA considéraient Ben Laden comme un "terroriste gucci vociférant, au portefeuille bien garni, entouré d'un groupe épars d'anciens combattants en Afghanistan", écrit alors le journaliste américain Douglas Waller, dans le magazine Time.

Ils comprennent désormais qu'Oussama joue, si l'on peut dire, dans la cour des grands. Les Etats-Unis cherchent à le réduire au silence en bombardant aux missiles un camp d'entraînement de "la base" en Afghanistan et une usine pharmaceutique au Soudan, accusée, à tort, de produire les éléments d'armes chimiques. Ben Laden n'est ni ici ni là.

Les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001.

Les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001.AP/Diane Bondareff

Il ne revendique pas les attentats, mais s'en félicite. Trois ans plus tard, il s'attribuera en revanche, avec une délectation terrifiante, la conception des attentats de New York et de Washington. Les images de son récit minutieux de la préparation, retrouvées après la chute des talibans donnent froid dans le dos.

C'est le Liban, dira-t-il en novembre 2004, qui lui a inspiré l'idée des attentats anti-américains du 11 septembre 2001. Ou plus précisément l'invasion du pays du Cèdre en 1982 par l'armée israélienne, avec "le feu vert" et le "soutien" des Etats-Unis. A la vue des images de morts, de blessés, de destruction et de terreur, "je résolus fermement de punir les oppresseurs" et de "détruire des tours aux Etats-Unis, pour qu'ils vivent ce que nous avons vécu et pour les dissuader de tuer nos enfants et nos femmes", dira-t-il dans un message adressé en novembre 2004 au "peuple américain".

Les Américains se préparent alors à élire un président. Ben Laden cherche à les convaincre de ne pas voter en faveur d'un second mandat de George W. Bush, mais rien ne dit qu'il soit persuadé de la portée de son message, ni qu'une victoire du démocrate John Kerry aurait changé le cours des choses. Dans la même veine, il s'adressera à eux en janvier 2006, pour leur proposer une "trêve" s'ils persuadent leur gouvernement de cesser de "tuer" les musulmans sur leur propre terre.

En octobre 2000, le destroyer américain USS Cole, qui mouille dans le port d'Aden, est visé par un attentat suicide. L'enquête mène une fois encore à Al-Qaida. Onze mois plus tard, c'est la tragédie du 11-Septembre, suivie de la guerre éclair qui entraîne la chute du pouvoir taliban. Oussama Ben Laden échappe à la mort et à la capture.

Promesse de récompense de 25 millions de dollars pour des informations concernant Oussama Ben Laden, le 7 mars 2003, au Pakistan.

Promesse de récompense de 25 millions de dollars pour des informations concernant Oussama Ben Laden, le 7 mars 2003, au Pakistan.ASSOCIATED PRESS/B.K.BANGASH

Depuis, de multiples opérations ciblées, de plus ou moins grande envergure, ont été conduites par l'armée américaine tant sur le sol afghan qu'à proximité de la zone tribale pakistanaise limitrophe, où le chef d'Al-Qaida est supposé s'être réfugié. L'homme court toujours et se rappelle au souvenir de ses poursuivants par des messages diffusés à intervalles plus ou moins grands. Il les assaisonne de références à une actualité récente qui prouvent qu'il est bien vivant.

Vivant ou mort, l'homme au visage émacié, à la longue thobe (tunique traditionnelle masculine arabe), à la barbe poivre et sel, est devenu l'empreinte de la marque déposée d'une forme de lutte au nom de l'islam. Son émule et disciple le plus terrifiant, adoubé par lui et "émir" de la branche irakienne d'Al-Qaida, fut le Jordanien Abou Moussab Al-Zarkaoui, tué le 7 juin 2006, après un bombardement américain sur la ville de Hibhib.

Mais les jeunes Marocains, Américains, Pakistanais, Jamaïcains et autres Malaisiens, Saoudiens et Egyptiens, auteurs de nombreux attentats à travers le monde, se réclament de la nébuleuse dont Oussama Ben Laden est devenu l'icône et dont la doctrine de la violence a fait école.

Mouna Naïm


1 Commentaires

  1. Auteur

    Malado

    En Mai, 2011 (17:01 PM)
    Je demande au president wade de s'abstenir de tout commentaire sur la mort présumée de BEN LADEN
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