L’histoire n’a qu’un siècle. Après tout recommence ! L’actuel Zimbabwe, autrefois Rhodésie du Sud, pendant l’abominable domination coloniale anglaise, suivie de la non moins abominable dictature de Mugabe, en offre un exemple illustrant. Car la Rhodésie du Sud a été l’un des terrains les plus singuliers d’une décolonisation difficile, dure, meurtrière menée par le combattant de la liberté, Robert Mugabe. D’abord, contre les Anglais, qui régnaient sans partage sur ce qui s’appelait naguère, la Fédération des Rhodésie « Nyassaland », et qui, avec les inéluctables indépendances nationales intervenues dans les années 70-80, sera le Malawi (autrefois le Nyassaland), la Zambie (autrefois Rhodésie du Nord) et enfin le Zimbabwe (autrefois Rhodésie du Sud).
L’incomparable guérillero, libérateur, avec Nkomo, de la Rhodésie du Sud, doublée d’une armature intellectuelle solide acquise dans les universités d’Afrique du Sud, du Ghana et d’Angleterre, accédera au pouvoir en 1980, auréolé d’une incontestable légitimité. Mais les héros des guerres non moins héroïques de libération nationale, singulièrement en Afrique australe où règne, comme modèle, une abominable ségrégation raciale à Pretoria (Afrique du Sud), pourront-ils se muer, la paix retrouvée, dans le civil, en bâtisseurs de nations modernes, dans le respect scrupuleux des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? Ont-ils été préparés à la démocratie dans l’intimité de leur conscience de « Pères fondateurs » de « nations » et de « libérateurs » de peuples qui n’ont connu jusque-là que le mépris et l’exploitation éhontée de leur force de travail ? Voici posés les termes de la tragédie au travers de laquelle Mugabe, l’incontestable héros, tombera pour finir comme un despote sanguinaire, intolérant, méprisant de 1’homme et de sa dignité, hurlant à travers le monde une haine du Blanc qui s’apparente à de la folie. Car, au travers de cette haine alimentée par un désir de revanche inassouvie, il y a la misère indéniable du Zimbabwe qui, il y a à peine dix ans, était le grenier de toute l’Afrique australe. Aujourd’hui, il vit de mendicité et d’aide alimentaire avec, de surcroît, une inflation de plus 100.000%. Les 4000 fermiers blancs qui détenaient, il faut le reconnaître, de façon illégale grâce à la colonisation anglaise, les meilleures terres (70%) de l’ancienne Rhodésie du Sud, ont quitté le Zimbabwe, contraints et forcés de céder les terres qu’ils occupaient illégalement, mais qu’ils avaient par leurs intelligences, leur travail et leur foi en la Rhodésie, transformées en greniers à céréales pour toute l’Afrique australe. Contraints et forcés, avons-nous dit, de les céder sans dédommagement aux authentiques fils du Zimbabwe auxquels ils ont été volés ! Il est vrai, historiquement, que dans cette expropriation forcée dont nous ne partageons pas les formes et les méthodes, l’Angleterre de Margareth Thatcher n’est pas innocente. Elle a refusé de verser à ses fils anglais blancs les dédommagements prévus par les accords de Lancaster House, en 1979. Mais, est-ce une raison pour que le Zimbabwe, avec Mugabe, se transforme en terre de dictature, de viol de l’éminente dignité de la personne humaine, de honte pour une certaine Afrique post-coloniale qui, osons l’avouer au risque de déplaire, par sa politique à courte vue et son ancrage dans le passé, semble donner raison à Sarkozy lors de son passage à Dakar en 2007 ? La relève de Mugabe, pacifique, démocratique et dans 1’honneur, inscrite dans l’histoire, hélas, ne se fera pas le 27 juin prochain. L’outsider Morgan Tsvangirai que les sondages, comme les résultats du premier tour avaient désigné vainqueur, face aux pressions, menaces de mort et arrestations arbitraires dont lui, comme ses partisans sont les victimes, a finalement décidé de se retirer de la compétition. Les démarches pacifiques du président Abdoulaye Wade, les supplications du Secrétaire général des Nations Unies et du Conseil de sécurité, les menaces de l’ancien colonisateur, l’Angleterre, soutenue par ses amis européens n’ont pas eu raison de l’entêtement de Mugabe. Demain, il rentrera dans 1’histoire, non plus comme un libérateur et un pacificateur des corps et des esprits à l’image de Mandela, mais comme un despote pire que Ian Smith qui l’avait précédé. Les héros corrompus par l’orgueil et le pouvoir absolu ont un destin tragique. Ils sombrent toujours dans le mépris et dans la condamnation universels. La haine du peuple qu’ils prétendaient servir, et l’échec de la cause à laquelle ils croyaient consacrer leur vie seront pour l’éternité leur destinée.
0 Commentaires
Participer à la Discussion