A Bangui, des milliers de déplacés avaient trouvé refuge à l’aéroport MPoko, juste à côté du camp des militaires français.
Ban Ki-moon se dit profondément choqué par de nouvelles allégations de viols et d'exploitations sexuelles en Centrafrique impliquant des soldats de la paix. Des accusations qui visent des casques bleus, mais également des militaires français de la force Sangaris.
« Ignoble ». C'est le terme employé par le Haut Commissaire aux droits de l'homme, Zeid Raad Al Hussein, pour commenter les dernières allégations de viols et d'exploitations sexuelles mises au jour par des équipes onusiennes ces deux dernières semaines. La plupart des faits allégués cette fois se seraient déroulés dans la préfecture de Kémo dans le centre du pays entre 2013 et 2015. Ils concerneraient des éléments des contingents burundais, gabonais mais aussi de la force française Sangaris.
Selon l'ONG Aids Free World qui avait révélé les accusations des viols sur mineurs par des soldats français à Bangui, cette fois un officier français pourrait être incriminé, ayant forcé quatre jeunes filles à avoir des relations sexuelles avec un chien en échange de 5000 FCFA. Des faits « particulièrement révoltants et odieux » selon l'ambassadeur de France à l'ONU François Delattre qui assure dans un communiqué que Paris veut faire « toute la lumière » dans cette histoire.
Diane Corner: «un travail très sensible»
01-04-2016 - Par Pierre Pinto
Les Nations unies indiquent que les autorités des trois pays concernés ont été alertées. Les contingents burundais et gabonais à Sibut sont cantonnés le temps de l'enquête. Au total, une centaine de victimes présumées ont été entendues par les équipes de l'ONU. L'enquête se poursuit, assure Diane Corner, représentante spéciale adjointe de l'ONU en RCA.
Poursuites dans les pays contributeurs
Peter Wilson, l'ambassadeur adjoint britannique auprès des Nations unies, a réagi à cette nouvelle affaire. « J'ai beaucoup entendu parler de ces allégations qui sont franchement très choquantes, a-t-il dit. Nous soutenons le secrétaire général pour prendre des mesures de fermeté. Si ces gens sont reconnus coupables de ce genre d'abus, nous voulons qu'ils soient jugés en bonne et due forme par l'état contributeur de troupes dont ils sont originaires. Nous espérons aussi que l'organisation des Nations unies, dans son ensemble, s'engage fermement à retirer les troupes lorsque les abus sont confirmés. La vaste majorité des troupes ont un comportement courageux et avec des valeurs que nous partageons tous. Mais les actions d'une minorité et en particulier la série d'allégations est quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas tolérer. »
« Les dirigeants des Nations unies prennent cela très, très au sérieux : ils ont retiré les casques bleus, les empêchant de cohabiter avec les habitants, a insisté, comme en écho, Samantha Power, ambassadrice américaine aux Nations unies, qui était en visite à Bambari, à la rencontre des victimes. C'est une étape importante dans la prévention de ces crimes, mais le système doit encore être largement amélioré, parce que ces soldats qui ont été accusés de viols et d'abus sexuels, quasiment aucun n'a eu à rendre des comptes. »
Le problème, explique-t-elle à l'instar du Britannique, c'est le manque de poursuites judiciaires dans les pays contributeurs : « même si cette étape préventive qui consiste à écarter les contingents est bonne, quand on est soldat ici, on peut croire que l'impunité règne, parce qu'il n'y a jamais de poursuites judiciaires, et les dirigeants de la Minusca ici sont conscients de cela, et essaient d'y remédier. Mais le gros du travail doit être fait dans les capitales des pays contributeurs qui envoient leurs troupes à la Minusca. »
Le 11 mars dernier, le Conseil de sécurité a adopté une résolution favorisant le rapatriement de contingents de casques bleus en cas de soupçons répétés de viols. Mais beaucoup au sein des Nations unies souhaitent aller plus loin. Hier matin sur RFI, le patron des missions de maintien de la paix, Hervé Ladsous, plaidait pour des cours martiales in situ et des prélèvements ADN sur les casques bleus lors du recrutement.
La Minusca met les moyens « pour combattre ce fléau »
C'est un énième scandale de viols qui frappe ainsi la Minusca. L'avalanche de cas avait même coûté sa place en août 2015 au général Babacar Gaye, le précédent patron de l'opération de maintien de la paix. Depuis, la Minusca a mis en place un certain nombre de mesures pour tenter d'empêcher ou de repérer rapidement les abus sexuels commis par ses soldats, explique Diane Corner.
« Ce n'est pas seulement une question de punition, explique-t-elle, mais aussi de mettre en place des actions dissuasives sur le terrain. Par exemple, nous avons mis en place des mesures de contrôles de nos éléments, de nos soldats, lorsqu'ils sortent des camps. Nous avons aussi renforcé les communications à l'intérieur de la Mission. Nous travaillons étroitement également avec les ONG sur ces questions pour avoir une meilleure compréhension de ce qu'il se passe et pour avoir les meilleures informations sur le comportement de notre personnel. » Enfin, la responsable de mission assure travailler avec les autorités et les populations pour signaler tous les incidents et « combattre ce fléau ».
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