Le président polonais Andrzej Duda a renvoyé, lundi, au Parlement pour un nouvel examen, la loi voulue par le parti populiste PiS qui devait empêcher les entreprises n'appartenant pas à l'Espace économique européen de détenir une participation majoritaire dans les entreprises de médias polonais. Le texte était vu comme une attaque envers la chaîne indépendante TVN24, contrôlée par l'Américain Discovery.
Le président polonais Andrzej Duda a mis son veto, lundi 27 décembre, à une loi controversée sur les médias, soupçonnée par ses détracteurs d'être un outil aux mains du gouvernement populiste de droite pour réduire au silence la chaîne d'information indépendante TVN24, contrôlée par l'Américain Discovery.
"Je refuse de signer l'amendement sur la radio et la télévision, et le renvoie au Parlement pour un nouvel examen. Cela signifie que j'y oppose mon veto", a déclaré lundi Andrzej Duda dans une annonce télévisée, qui fait suite à de vives critiques américaines et européennes.
Le texte, adopté par le parlement polonais le 17 décembre et voulu par le parti populiste PiS (Droit et justice) au pouvoir, devait empêcher les entreprises n'appartenant pas à l'Espace économique européen (EEE, qui comprend les 27 États de l'UE, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège) de détenir une participation majoritaire dans les entreprises de médias polonais. Cela devait obliger notamment le groupe américain Discovery à vendre sa participation dans TVN, l'un des plus grands réseaux de télévision privée de Pologne. TVN24 est sa chaîne d'information en continu, considérée comme critique envers les conservateurs au pouvoir.
Le gouvernement a de son côté affirmé que la loi devait protéger le paysage médiatique polonais contre des acteurs potentiellement hostiles, comme la Russie. Andrzej Duda a déclaré qu'il restait fidèle à ce principe, mais que la loi ne devait pas remettre en cause les investissements existants ni aller à l'encontre des accords internationaux. "Les gens auxquels j'ai parlé sont préoccupés par cette situation. Ils ont différents arguments. Ils ont parlé de paix et de tranquillité... Nous n'avons pas besoin d'un nouveau conflit, d'un nouveau problème. Nous avons déjà beaucoup de problèmes", a dit le président.
Le président polonais a le soutien du parti PiS au pouvoir, mais a eu des divergences sur certains points avec ses dirigeants par le passé. En 2017, il avait soulevé une tempête en opposant son veto à deux réformes judiciaires, qui accordaient selon lui trop de pouvoir au procureur général, qui est aussi le ministre de la Justice.
"Signal positif"
Le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan a salué cette décision lors d'un appel avec son homologue polonais Pawel Soloch et le conseiller du président polonais Jakub Kumoch. Il a fait part de la "satisfaction" du président Joe Biden après ce veto, vu comme "un signal positif juste avant que la Pologne ne prenne la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) le 1er janvier", selon un communiqué de la Maison Blanche.
Le chargé d'affaires américain à Varsovie, Bix Aliu, avait auparavant demandé au président polonais de bloquer la loi sur les médias, soulignant que Washington était "extrêmement déçu" par l'adoption de ce texte. Un porte-parole de la Commission européenne avait souligné que cette loi présentait "des risques graves pour la liberté et le pluralisme des médias en Pologne".
TVN s'est réjoui de l'annonce, se félicitant que le président polonais ait fait le choix de "bonnes relations avec les États-Unis". Des milliers de personnes avaient manifesté le 19 décembre devant la présidence à Varsovie et ailleurs dans le pays, brandissant des drapeaux de l'UE et scandant "Médias libres !" et "Nous voulons un veto !".
L'ancien Premier ministre polonais et ancien président du Conseil européen Donald Tusk, qui est à la tête du parti d'opposition Plateforme civique, a déclaré que la décision du président Duda montrait que "faire pression a du sens".
Bras de fer
Le PiS contrôle déjà la télévision publique TVP, devenue un atout majeur du gouvernement populiste, et la plus grande partie de la presse régionale.
L'ONG Reporters sans frontières, basée à Paris, a salué "une bonne nouvelle pour la liberté de la presse, qui est dans une situation désespérée en Pologne". Depuis que le PiS est arrivé au pouvoir en 2015, la Pologne a chuté de 46 places dans le classement de RSF sur la liberté de la presse, à la 64 position.
La Pologne et l'UE sont par ailleurs engagées dans un bras de fer depuis plusieurs années à propos des réformes judiciaires lancées par le PiS depuis 2015. Bruxelles a lancé la semaine dernière une procédure d'infraction contre Varsovie à la suite d'arrêts du Tribunal constitutionnel polonais contestant la primauté du droit européen et l'autorité de la Cour de justice de l'UE.
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