Un rapport a été rendu public sur les discriminations lors des recrutements
SOS Racisme révèle le fichage ethnique pratiqué par des entreprises sur le territoire français. L’association, qui lutte contre la discrimination raciale, a remis mercredi à Patrick Karam, le délégué interministériel pour l’Egalité des chances des Français d’Outre-mer, un rapport dans lequel elle dénonce cette pratique illégale. Au total, quinze entreprises sont sur le banc des accusés, notamment le groupe de loisirs, Eurodisney.
Quinze entreprises ont été épinglées par l’association SOS Racisme et la Fédération nationale des Potes, qui militent contre les discriminations raciales en France, dans un rapport publié mercredi sur leurs procédures de recrutement discriminatoires. Parmi elles, le groupe de loisirs Eurodisney qui a reçu la visite dans ses locaux de Marne-la-Vallée, ce jour, d’un huissier chargé de saisir d’éventuels fichiers salariés à caractère ethno-racial, suite à une décision de justice. Cette dernière a été saisie par l’association SOS racisme. Une démarche que « déplore » la direction d’Eurodisney qui rappelle « son engagement en faveur de la diversité ». La société participe à l’expérimentation du CV anonyme relancé mardi par le gouvernement.
SOS Racisme révèle pourtant que sur le site Internet du groupe, dans la rubrique « postulez » puis « créer son CV », le candidat doit indiquer obligatoirement son « pays », la France, mais aussi son département d’origine, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, la Polynésie française, la Guyane française et la Nouvelle Calédonie. Eurodisney fait clairement une distinction entre les Français de la métropole et ceux des DOM-TOM. Autre fait accablant, d’après le bilan social 2007 de la société que SOS Racisme a réussi à se procurer, il semblerait que les salariés soient classés en fonction de leurs nationalités : « Afrique hors Maghreb », « Afrique Maghreb », « Autres Antilles », « Europe (Ouest) dont Français »… Le recrutement prend en compte les différentes nationalités des visiteurs, précise un rapport d’Eurodisney intitulé " Tourisme et Emploi : l’apport de Disney Resort Paris". « Une stigmatisation qui, de l’avis du vice-président de SOS racisme Samuel Thomas, sous-entend des différences de traitement des demandes de ses candidats ».
Une démarche soutenue par l’Etat
La découverte de ce système de fichage ethno-racial est à l’origine du travail sur les discriminations mené par la société civile et le gouvernement français. Conformément à la convention du 13 novembre 2008 « relative au fichage territorial ou ethnique et les discriminations à l’embauche qu’elles pourraient entraîner ou qu’elles sous-tendent ». Le délégué interministériel pour l’Egalité des Français d’Outre-mer, Philippe Karam, a chargé SOS Racisme et la Fédération nationale des Maisons des Potes de mener l’enquête sur les sociétés. « Le soutien du délégué interministériel a été décisif car c’était la première fois que l’Etat nous apportait son aide, explique Samuel Thomas. Nous avons reçu une subvention de 20 000 euros et, surtout, nous avons pu, dans les courriers que nous adressions aux procureurs ou aux juges, nous prévaloir de ce soutien et indiquer que nous agissions dans le cadre d’une convention avec l’Etat ». Grâce à cet appui, l’association a pu approfondir ses recherches notamment sur le groupe de loisirs Eurodisney.
Mais le royaume de Blanche Neige n’est pas le seul à être concerné par cette pratique. De nombreuses sociétés françaises et internationales auraient eu recours au fichage ethno-racial. Des grandes entreprises comme l’agence Adecco restauration, le constructeur automobile Nissan et des bailleurs sociaux HLM, seraient dans la ligne de mire des autorités françaises. « Le président Nicolas Sarkozy m’a dit qu’il fallait instaurer la tolérance zéro pour les discriminations, ça sera fait. Si les entreprises commettent des infractions, on les trouvera et on les sanctionnera », avertit Philippe Karam. Le délégué interministériel invite les procureurs, les magistrats, les forces de l’ordre et l’Inspection du travail à « se renseigner sur le code Pénal de 1978 », qui traite « du droit à la protection des données personnelles qui directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques ». « On a un appareil judiciaire complet, ce qui manque c’est la volonté de sanctionner une infraction pénale », précise-t-il. Depuis 1978, le fichage ethno-racial est illégal et passible de 5 ans de prison et de 300 000 euros d’amende (personnes physiques) à 1,5 million d’euros (personnes morales), mais la jurisprudence est quasiment inexistante.
La justice est à la traîne
Malgré les nombreuses plaintes déposées depuis 1978, la première condamnation a été prononcée le 27 octobre 2008. Daytona, le cabinet de recrutement d’hôtesses d’accueils et d’agents de vente, a été condamné à 20 000 euros d’amende, dont 15 000 avec sursis, pour avoir classé ses 5 000 salariés en quatre catégories : les Blancs, les Maghrébins, les Noirs et les Asiatiques. En effet, beaucoup de procédures restent sans suite au parquet ou à l’instruction. Par exemple, la compagnie aérienne Air France, accusée par SOS racisme d’avoir procédé à une typologie raciale de son personnel navigant commercial, fait l’objet d’une enquête judicaire mais n’a pas encore été jugée. Même chose, dans le domaine du logement. Le juge d’instruction aurait prononcé en 2007 un non-lieu concernant l’affaire de l’office public HLM de Vitry-Sur-Seine. Selon le rapport, les responsables OPHLM comptabiliseraient le nombre « d’allochtones » (littéralement, venus de la terre d’ailleurs) par cage d’escalier pour en limiter la « dose » en définissant des quotas « étranger+DOM TOM » à ne pas dépasser. Les responsables de l’Office avaient déclaré à Commission nationale de l’Informatique et des libertés(Cnil), lors d’un contrôle effectué en 2003 à la demande de SOS Racisme, qu’ils comptabilisaient ensemble les Antillais avec les étrangers parce qu’ils avaient les mêmes coutumes que les Africains et qu’en conséquence, il fallait en surveiller le nombre.
Philippe Karam doit présenter la semaine prochaine le rapport de SOS Racisme au ministre français de la Justice Michèle Aillot Marie et au ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux.
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